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Sébastien parle d'aller à New York la semaine prochaine pour le grand congé. Il veut s'acheter un Steinway de 25 000 $. Prêt à sacrifier notre terrain et notre belle maison. Aux dernières nouvelles, il comptait sur sa môman pour acheter le terrain, pendant que lui, à partir de l'été prochain et les suivants, toujours en calculant qu'il aura encore son emploi à la BNR, commencerait à construire la maison. Plus tard, on repayerait le terrain selon sa valeur acquise en rapport au château qui serait désormais dessus. J'ai même réussi à convaincre Sébastien qu'Aylmer au Québec serait mieux et que si les gens étaient assez cons pour croire les vendeurs ontariens par rapport à la dévaluation des terrains au Québec à cause de la séparation imminente, nous, nous serions assez intelligents pour en profiter. Je ne crois pas que l'on va perdre de l'argent, mais il m'est dangereux de conseiller la famille dans ses investissements. Moi, je suis incapable de repayer mon ordinateur portatif qui me coûte une fortune en intérêts trimestriels. So, je ferais mieux des laisser faire. Pendant ce temps je vois de plus en plus mon avenir pour septembre prochain se dessiner. Voilà que j'ai aussi été refusé en maîtrise à Montréal : « Votre demande est refusée parce que vos résultats scolaires sont trop faibles. » Je devrais me répéter cette phrase éternellement : non seulement elle fait mal, mais en plus elle me motive. J'ai lu, au lieu de la phrase entre les guillemets, ceci : « Votre demande est refusée parce que vous êtes trop cancrelat pour nous écrire une thèse, parce que vous êtes visiblement inférieur à la masse de nos étudiants qui sont vraisemblablement fort intelligents et bourrés de bourses ». Merci, je me demande juste si j'aurai le courage ou la motivation d'entrer en génie. Ai-je un autre choix ? Quel travail puis-je trouver avec un B.A. en littérature ? Aucun. Sinon voué à mourir de faim toute ma vie, sans compter que j'ai une retraite à prendre et qu'il ne faut surtout pas compter sur les gouvernements. Ah seigneur ! Que pourrais-je inventer pour me motiver ?
On était tout le monde assis dans la cave chez Sébastien. Et là Sébastien zappait avec la télécommande. Et toute la famille avait l'air à trouver ça bien, à ne pas être dérangée. Un spectacle de Jean Leloup ? Sébastien ne connaît même pas Jean Leloup, il n'a pas arrêté. Je savais qu'il y avait un spectacle de Daniel Bélanger ce samedi et que je le manquais. Il m'était impossible de dire de le mettre à tel canal. Toute la famille admirait le zapping de Sébastien. Après cinq minutes je me suis levé, j'ai dit assez de TV pour moi. Déjà qu'écouter la TV m'est un supplice, mais avec un autre qui a la télécommande, ça, c'est vouloir ma mort. Il y avait justement un article dans le Citizen ce dimanche, paraît que c'est la guerre dans les belles familles traditionnelles à propos de la TV et de la télécommande. N'est-ce pas ironique qu'en cette belle Année internationale de la famille, le pauvre petit 47 % de ce qui reste de famille et qui avait affirmé que la TV était le principal loisir qui servait à réunir ses membres – membres qui étouffaient de joie, de bonheur et d'amour selon leurs dires – achève de s'entre-tuer pour la télécommande ? Se liguant, mère et enfants, contre le père qui assure que la seule autorité de la maison doive garder la télécommande jusqu'aux chiottes pour être certain que personne ne va changer le canal. Plusieurs femmes avouent qu'elles ont arrêté de s'obstiner avec leurs maris ; elles disent qu'ils sont intraitables, que jamais elles n'auront la télécommande. On n'est pas surpris non plus d'apprendre que l'enfant qui décide de changer le canal de la TV pendant que le père l'écoute, est en droit de s'attendre à une crise hors de proportion et qu'une claque ou un bon coup de pied va suivre. Dans le dernier Code civil, battre ses enfants est rigoureusement illégal. Pour les Ontariens en Common Law, seuls les avocats connaissent la loi, alors pas de problème, allez-y fort en cette année internationale de la famille ! Selon la Bible, l'enfant qui ne respecte pas ses parents a droit à la peine capitale. La Bible ne prend pas la défense des enfants. Au contraire, le père est propriétaire de ses enfants et de sa femme, il a le droit de les vendre comme esclaves. Vous retrouverez tout cela dans la Genèse et l'Exode. Je trouve inadmissible que le droit actuel s'éloigne trop de la Bible. On n'a pas besoin de Code civil ou de Common Law, on a juste besoin de la Bible et d'une mitraillette dernier modèle. Comme les religieux le disent, la planète allait bien mieux avant que l'on insère une Charte des droits et libertés dans notre Constitution.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>