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Les jours passent, tous plus plates les uns que les autres. On a toujours l'impression que ça va changer mais on se rend compte que notre vie c'est cette succession de journées plates. Hier au bureau on m'a parachuté une vieille conasse qui fait sa maîtrise en littérature à l'Université d'Ottawa. Pincée comme une autruche, docile comme un canard... (je vais arrêter d'être méchant), elle occupe le même emploi que moi à temps partiel, mais elle aura une maîtrise l'an prochain. Que cette femme vienne me narguer dans mon échec ne peut vouloir dire qu'une chose : Dieu m'a envoyé cette épreuve pour tester mon dévouement à ses doctrines. Eh bien, je vais le rater son test, parce que je me fous pas mal de ses doctrines et de ses ministres.
Aujourd'hui je suis découragé. Sébastien et moi ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Je voudrais m'isoler de la ville, il voudrait habiter le centre-ville. Je croyais qu'on déboucherait dans la musique, mais Sébastien semble avoir abandonné. Il passe ses journées à cuisiner et à apprendre ses classiques, Schubert... à tel point que je lui ai conseillé, au moins, de tenter de passer sa dixième année de piano puis son associé, parce qu'alors il pourra vivre à donner des cours de piano. J'ai de la misère à croire qu'il débouchera, il n'a ni la volonté ni la motivation. Il y a une limite à ce que je peux faire pour lui donner la détermination qui lui manque. Pourtant, sa musique est franchement intéressante, nostalgique ou dépressive à souhait, il pourrait aller loin avec le talent qu'il a. Quelle perte s'il abandonnait aussi facilement. Cela me fait réfléchir : combien de gens talentueux abandonnent trop facilement et nous privent d'œuvres essentielles à l'humanité ? Mais existe-t-il seulement une œuvre qui ait été essentielle à l'humanité ?
carole cadotte <138194788@archambault.ca>