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Il pleut aujourd'hui, ça me rend malade. Ed vient de téléphoner, ça m'a achevé. Je suis prêt à prendre ma retraite dans une maison éloignée de la ville, avec comme but sortir le moins possible. Ed appelle de New York pour nous dire qu'il va bientôt atteindre le 100 en ce qui concerne le sexe avec les gars de New York, qu'il a un copain, qu'il a couché avec trois autres gars cette fin de semaine, qu'il ne l'a pas dit à son copain et qu'il n'est pas prêt à avoir un copain parce qu'il veut continuer à coucher avec tout le monde. En plus, d'après ce que j'ai pu comprendre, il a couché avec deux autres personnes en même temps. Il m'a perdu complètement. Je ne veux plus, absolument plus rien savoir. Il s'en vante tellement que je me demande si c'est vrai. Ne se rend-il pas compte que plus il en parle, plus il m'écœure ? Pense-t-il provoquer la jalousie et que la jalousie est saine pour deux personnes ? Il a encore dit qu'il pensait à moi, qu'il projette de venir ici ; j'ai dit à Sébastien de le convaincre du contraire. Il voulait qu'on aille à Montréal une fin de semaine ; je lui ai dit que cela m'était impossible. Je ne voulais même pas lui parler.
Je suis un véritable ermite, c'est vrai que je pourrais m'isoler et ne jamais sortir du même carré. Je suis très dépressif aujourd'hui, d'autant plus qu'avant-hier on est encore sortis avec Gordon et Gilles, et que Sébastien le regarde un peu trop le petit Gilles, et que moi j'en ai assez de douter, douter de lui, douter de moi, et que je ne veux pas passer ma vie à douter ou à capoter chaque fois que Sébastien n'est pas là ou qu'il sort sans moi ou qu'il regarde un petit garçon qui serait susceptible de s'intéresser à lui. D'un autre côté, je ne veux pas finir ma vie seul. Mais est-ce que je pourrais peut-être trouver quelqu'un comme moi ? Il me faudrait passer une annonce dans le journal un jour, ça se lirait comme suit : « Recherche beau petit garçon non sociable, végétarien et vierge, qui déteste les bars. »
carole cadotte <138194788@archambault.ca>