Mouchoir de demi-deuil. Linon blanc brodé de soie mauve,

début XXe siècle, initiale M. Don Agabriel,

Musée Galliera, Paris. Inv. 1983.41.38.

 

 

La première communion

« C’est alors que Rosa, le front dans ses mains, se rappela tout à coup sa mère, l’Eglise de son village, sa première communion. Elle se crut revenue à ce jour-là, quand elle était si petite, toute noyée en sa robe blanche, et elle se mit à pleurer… Constance (la jeune communiante) se trouva saisie, entourée, embrassée par toute la maisonnée de femmes … et l’enfant, recueillie, toute pénétrée par le Dieu qu’elle portait en elle, se mit en route au milieu de cette escorte d’honneur. » Dans ces quelques extraits tirés des nouvelles La Maison Tellier, Guy de Maupassant évoque toute l’importance que revêtait le cérémonial de la première communion dans les campagnes françaises au siècle dernier.

Selon Madeleine Delpierre, le rite de la première communion serait apparu en France à la fin du XVIe siècle, et généralisé au XVIIIe siècle. Il ne semblerait pas qu’elle donne lieu au port d’un costume spécial dans les premiers temps. En effet, les prescriptions concernent plutôt la nécessité d’une bonne hygiène du corps et le port de son meilleur costume. La première communion est surtout l’occasion d’habiller les enfants de neuf. Pour les familles démunies, les œuvres charitables fournissaient les costumes. Ainsi, à Coutances, l’œuvre pour habiller les enfants pauvres de la première communion, entre 1771 et 1783, fournissait aux filles « une camisole de droguet, une jupe de basin blanc, un tablier de Padoue à rayures, une cornette et une coiffe de toile claire, un mouchoir de mousseline et des sabots »[29]. Par contre, dans les couvents où les filles de bonne famille passaient souvent un ou deux ans pour préparer la première communion, l’ordre des ursulines a introduit, dès le début du XVIIe siècle, la robe et la coiffe de toile blanche. A la fin du siècle, on ajoute un voile, car les jeunes filles doivent couvrir la tête dans l’Eglise. Au XIXe siècle et jusqu’à la première moitié du siècle suivant, la petite communiante sera habillée systématiquement d’une robe blanche, accessoirisée d’une coiffe ou voile, ceinture et aumônière. Les garçons portent un vêtement sombre ou un costume marin. Ils portent au bras gauche un brassard.

Au début du XXe siècle, on voit apparaître les aubes, afin d’atténuer les différences sociales.

Dans les années 50, on indique que la première communion est célébrée avec plus d’éclat à la campagne qu’à la ville. Le repas qui suit s’apparente au repas de noces, par son importance. La robe de communiante doit être « … simple et sans fioritures : corsage plat uni ou à petits plis, jupe à plis religieux ou à volant plat festonné, pas de dentelle. C’est le ton mat de sa blancheur qui doit faire son élégance. Une ornementation chargée nuirait à son aspect monacal. Sous la robe, un jupon aussi long la soutiendra et l’évasera. Fine chemise de laine, s’il fait froid, mais jamais de tricot ou de châle sur la robe »[30]. Aujourd’hui, la tendance consiste à faire porter le même habit aux garçons et aux filles, l’aube blanche sans garnitures.

De l’enfance à l’adolescence

La notion de l’innocence enfantine est l’œuvre de moralistes depuis le XVIIe siècle. Ces derniers préconisent un habillement conforme aux activités des enfants : jeux, courses à pied, roulades. Aux mœurs différentes, vêtements différents. Petit à petit, l’œuvre de ces nouveaux prédicateurs commence à porter son fruit. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, même si les fillettes continuent d’être habillées comme les grandes, elles sont dispensées du panier, puis du corset, et leurs vêtements sont taillés d’une manière plus lâche. Cecil Saint-Laurent, dans son Histoire Imprévue des Dessous Féminins, souligne l’importance du pantalon féminin dans la différenciation vestimentaire entre enfants et adultes au cours du XIXe siècle. Au début du XIXe siècle, le port du pantalon sera d’abord réservé aux jeunes filles et aux femmes de mœurs douteuses. C’est la première fois que le costume enfantin se distingue pour une période assez longue de celui de l’adulte.

A partir de 1807, les petites filles portent le pantalon festonné de dentelle, contrepartie du costume de garçon composé de larges pantalons de drap. Le pantalon, considéré tout à fait convenable pour les filles, devient indécent sous les jupes de leurs mères. Ainsi, pendant une trentaine d’années, avant l’arrivée de la crinoline et la généralisation du port du pantalon par les femmes, ce dernier, qui permet aux filles de jouer librement, est synonyme d’enfance. Le pantalon est à l’origine du raccourcissement des jupes des filles, accentuant la différenciation entre le costume enfantin et adulte. A Paris, une jeune fille quitte le pantalon au moment de sa première communion. Par contre, en Province, les milieux bourgeois, cherchant à se différencier des couches populaires où l’enfant est assimilé très vite à l’adulte, gardent leurs jeunes filles en pantalon jusqu’à dix-sept ou dix-huit ans passés. Dans ces milieux, quitter le pantalon évoque se marier. La seule exception à la règle nous est livrée par le journal La Mésangère en 1824 : « Les pantalons de percale sont très à la mode en ce moment pour les enfants, les jeunes personnes et même les dames. A la campagne ils sont d’une nécessité absolue. Comment, sans ce vêtement protecteur, oser monter à cheval, aller à âne ou se risquer sur une balançoire ? [31]»

Le mariage

Le passage matrimonial est tout à la fois symbolique, social et matériel. Il marque l’accès au statut d’adulte. Le mariage annonce, sauf dans le cas de mariages entre enfants, le départ de la jeune femme de son foyer paternel pour embrasser celui de son époux. Au cours des XIXe et XXe siècles, ce fait est souligné par le transport, en grande pompe, des objets domestiques de l’épouse à sa nouvelle maison.[32] Au XVIIIe siècle, on se marie généralement entre seize et vingt ans. Mais quel que soit l’âge du nuphial, on se doit d’être en grande toilette pour la cérémonie. Dans la petite bourgeoisie, la tenue de mariée, mentionnée dans le contrat de mariage, constitue souvent l’essentiel de la dot. « Même si elle n’a que treize ans, la mariée doit être décolletée, coiffée, habillée, maquillée avec le visage rehaussé de mouches, absolument comme une adulte. Sa robe est somptueuse et colorée.[33] » On couvre la tête d’un bonnet, la pratique du voile démarrant sous le Consulat. A cette époque, même si les robes de couleur sont légendes, quelques-unes commencent à choisir la robe blanche. Longtemps, on porte les robes traditionnelles régionales agrémentées d’un châle. La robe blanche s’impose véritablement à la fin du XIXe siècle, d’abord en ville, ensuite dans les campagnes, à travers la diffusion des magazines de mode qui tendent à uniformiser et standardiser les types de tenues. Sinon, la forme de la robe de mariée suit surtout la mode d’autres vêtements d’une époque donnée, avec la présence d’accessoires spécifiques, le voile et la couronne de fleurs d’oranger au XIXe et aux trente premières décennies du XXe siècle, ainsi que la richesse des étoffes et ornements pour la distinguer d’autres tenues. Les sous-vêtements ne diffèrent pas de ceux des autres habits, si ce n’est dans leur finesse et qualité d’exécution.

Dans les années 50, le mariage civil a souvent lieu la veille du mariage religieux. La jeune femme porte un tailleur pour la cérémonie civile. Pour la confection de la robe de la cérémonie religieuse, on utilise une grande variété de tissus (satin, moire, marocain, faille, taffetas, surah, shantung ou tous les tissus de soie naturelle ou artificielle). La jupe de forme crinoline est très répandue, le corsage montant à manches longues restant indépendant, afin que la robe puisse être transformée en robe de bal en changeant le corsage. Aujourd’hui, le mariage ne marque plus de passage. Il sert simplement « d’officialiser » un acte d’engagement qui, dans bien des cas, pré-existait. En effet, autrefois, le mariage servait surtout à donner accès à la sexualité, au statut d’adulte, à la vie entre deux adultes. Actuellement, tout ceci est acquis depuis longtemps, sans le passage obligatoire par le mariage.