Hervé Morvan, Annonce de presse « Scandale »,
vers 1950. 26,5 x 17 cm. Bibliothèque Forney, Paris.
La publicité pour lingerie est présente dans les magazines de mode au XIXe siècle, regroupée en fin de journal, et concernant principalement les corsets. Mais les réclames pour les articles lingerie sont également « cachées » dans le corps des textes, et les mérites sont appuyes cette fois-çi par l’auteur du texte. Dans les années 20 et 30, on souligne surtout l’aspect esthétisant des lingeries qui ne sont plus présentées comme autant d’artifices pour obtenir la silhouette tant désirée – le culturisme est là pour cela –, mais comme complice d’une féminité épanouie. Dans les années 40, la photographie commence à concurrencer les dessins, même si plusieurs maisons restent fidèles à leur dessinateur (Dior et Gruau, Scandale et Charmos, Lou et Brenot). Dans les années 50, les stars hollywoodiennes (Jan Russel, Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Ava Gardner, Elizabeth Taylor) aux tours de bonnets vertigineux, diffusent, encore mieux que les réclames de l’époque, l’idéal d’une femme aux formes voluptueuses et rebondies, nécessitant le port de sous-vêtements adaptés. Les années suivantes cherchent une lingerie facile à entretenir et solide. Ces qualités sont mises en avant, notamment avec l’apport du nylon dans les dessous. Les années soixante sonnent une nouvelle aire dominée par la jeunesse : on souhaite attirer cette cible en proposant des lingeries de couleur, dans des décors naturels. La lingerie tente d’être avant tout discrète, avec des modèles de soutien-gorge triangulaires et des culottes à taille base, dans des tons chair. Mai 68 et la montée des revendications féministes prennent la lingerie en ligne de mire, cette dernière devenant l’emblème de l’asservissement du corps de la femme. S’ensuit une profonde crise dans toutes les filières de la profession, qui entament une autocritique et une remise en question profonde afin de trouver une adéquation entre les nouvelles aspirations des jeunes femmes et leurs produits. A partir des années 80, la lingerie est présentée comme un élément de la garde-robe à part entière, et on tente d’infléchir des attitudes d’achat d’impulsion en apportant de la couleur et des nouveautés à un rythme effréné, calqué sur celui du prêt-à-porter.
Aujourd’hui, les fabricants de lingerie consacrent en moyenne 8 à 10% de leur chiffre d’affaires à la publicité, contre 2,5 % dans l’habillement. Les supports publicitaires de référence sont l’affiche et la presse féminine. De nos jours, où la concurrence est de plus en plus forte, les différentes sociétés de lingerie cherchent à communiquer sur l’identité et l’univers de leur marque, plutôt que sur le seul produit. Derrière cette volonté se cache la nécessité impérieuse de se différencier des concurrents, de plus en plus nombreux dans le secteur. Désormais, on se tourne vers une communication où si la séduction est bien présente, elle laisse néanmoins une large place à la dérision et l’humour : il s’agit en quelque sorte d’une femme certaine de son pouvoir de séduction et qui en joue. C’est l’Authentique de Wonderbra qui inoude le message publicitaire d’une bonne dose de raillerie et d’impertinence avec le mannequin Eva Herzigova, au décolleté vertigineux, qui défie le spectateur de la « regarder dans les yeux ». Sur le registre de la sensualité, teinté toutefois d’un certain classicisme et d’un sens de la repartie, « Les Leçons d’Aubade » qui ont fêté leurs dix ans d’existence en 2002, sont devenues des classiques du genre. La photo noire et blanc, le corps sublime habillé d’un petit rien, les visage et tête hors du cadre, et surtout la petite phrase qui « tue » ont conquis les spectateurs hommes, comme femmes. D’autres marques cherchent aussi à jouer sur une séduction légère et gaie. C’est ainsi que Dim, qui veut renforcer son image auprès des 15-25 ans, propose le concept « La séduction n’est qu’un jeu », à ne pas prendre au sérieux, on pourrait ajouter. Pour la ligne seconde peau « Body Touch », l’inscription se lit « Pire que nue », au-dessus d’une jeune femme tenant un serpent en haleine. Quant à la marque Barbara, la communication a pris un virage, il y a quatre ans, vers une séduction teintée « d’impertinence », selon les dires du PDG, Jean-Jacques Bena. Selon ce dernier, dans un domaine à forte concurrence, il n’existerait que « le style des photos et le poids des mots » pour se distinguer des autres. Mais s’il prône une sensualité certaine dans sa communication, Monsieur Bena se défend de faire l’exergue de la sexualité. D’ailleurs, les fabricants sont quasi unanimes dans leur revendication du droit, voire de la nécessité de mettre à l’affiche des jeunes femmes aux formes généreuses largement dévêtues. « Il me semble naturel de montrer un corps pour vendre de la lingerie. Quelle preuve je pourrais faire de la valeur de mon produit autrement qu’en le faisant porter ? [96]», demande Jean-Jacques Bena. Le BVP (Bureau de la Vérification de Publicité), en 2003, a demandé à la marque Barbara de retirer ses affiches de femmes en lingerie, accompagnées du texte « Mon banquier me préfère à découvert, allez comprendre » et « Quand on me dit non, j’enlève mon pull », considéré comme portant atteinte à l’image de la femme.