Talia insista pour que Danièle reste à l’extérieur le temps d’inspecter les appartements de la jeune femme. Ce n’est qu’après avoir vérifié chaque couverture et chaque tapisserie qu’elle lui permit d’entrer. À peine Danièle eut-elle franchi le seuil que Talia refermait et verrouillait la porte derrière elle.
La colombe morte gisait encore à terre. Le sang séchait et formait une flaque sombre et visqueuse. Un faible roucoulement la guida jusqu’au pigeon blessé, toujours blotti sur le lit.
— Vous êtes une sorcière, c’est ça ? demanda brutalement Talia, mais le ton tenait plus de la constatation que de la question.
Danièle la regarda, l’air perplexe.
— Ces oiseaux vous obéissent… Ils se battent et vont jusqu’à mourir pour vous.
— Ce sont mes amis, répondit Danièle. Ils sont venus vers moi à la mort de ma mère. Les oiseaux, les souris, tous ces animaux m’ont aidée à faire mes corvées et ils m’ont tenu compagnie pendant toutes ces heures interminables, lorsque j’étais enfermée au grenier.
Talia haussa les sourcils.
— Il est préférable de ne pas trop ébruiter ce genre de choses. La famille royale a déjà la réputation d’être quelque peu originale. (La jeune femme s’empara du couteau de chasse de Charlotte.) Vous vous êtes mieux battue que je l’escomptais, mais vous avez commis une erreur vraiment stupide.
C’était la première fois depuis son mariage que quelqu’un s’adressait à elle de façon aussi franche – à part ses demi-sœurs, bien sûr. Danièle était à la fois soulagée et vexée.
— Laquelle ?
— Vous êtes restée silencieuse. Règle numéro un : lorsque quelqu’un tente de vous assassiner, criez, hurlez comme une péronnelle. (Talia regarda fixement par la fenêtre.) Il y a des centaines de gardes et de soldats dans ce château, et ils sont tous plus aguerris que vous.
— Des gardes comme toi ? interrogea Danièle tout en berçant le pigeon sur ses genoux.
À première vue, l’aile avait besoin de soins et une attelle serait nécessaire.
Talia s’empara d’un des oreillers et boucha le trou de la fenêtre, ne laissant qu’un fin interstice pour la lumière.
— Parlez-moi de votre demi-sœur ! A-t-elle toujours pratiqué ce genre de magie ?
— Si c’était le cas, il y a longtemps qu’elle m’aurait transformée en crapaud. (Danièle considéra les débris du tabouret.) Elle l’a détruit sans même y toucher, pourtant elle avait l’air presque surprise de son exploit.
Talia s’empara d’un des pieds du siège et le glissa dans sa ceinture comme une épée.
— Que fais-tu ?
Du pied, Talia balaya le verre brisé.
— Quelle que soit la magie utilisée par votre sœur, il reste probablement des traces du sort dont elle s’est servie, ça peut nous être utile pour savoir ce qui s’est passé.
— Et toi, es-tu une sorcière ? demanda Danièle. (Le pigeon tenta de remuer son aile valide. Doucement, Danièle caressa les plumes grises et chantonna une berceuse jusqu’à ce qu’il se calme.) Tu savais que j’étais en danger et tu es entrée alors que la chambre était verrouillée de l’intérieur.
Talia s’agenouilla près du corps de la colombe et préleva délicatement une plume poissée de sang.
— J’ai une amie qui s’y connaît un peu en magie. Mais ne l’appelez pas « sorcière », elle déteste ça ! (Elle glissa la plume ensanglantée dans la poche de son tablier.) Charlotte a-t-elle ajouté autre chose à propos du prince ?
— Non, pas avant de se retrouver sur les remparts. Je ne comprends pas. Armand est censé se trouver en Emrildale, il doit négocier avec…
— Il n’y est pas. (Talia examina la pièce une dernière fois, puis reporta son attention sur Danièle.) Je croyais vous avoir dit d’attendre ici pendant que je poursuivais votre demi-sœur.
Danièle leva la tête.
— Oui, c’est ce que tu as dit.
L’ombre d’un sourire étira les lèvres de Talia.
— Laissez le pigeon ! Il devrait s’en sortir. Avec toute la nourriture qui est tombée par terre, il a de quoi tenir.
— Non, il a besoin de soins. (Et elle ajouta ce qui venait seulement de lui traverser l’esprit :) D’ailleurs, où allons-nous ?
Talia ouvrit la porte des toilettes.
— Rendre visite à mon amie.
Danièle ne broncha pas.
— Dans les toilettes ?
— Exactement. (Talia entra dans le sombre boyau, puis fit signe à Danièle de la suivre. Comme celle-ci refusait toujours d’obtempérer, la jeune femme leva les yeux au ciel et ajouta :) Elle est également guérisseuse et pourra soigner votre protégé.
— Une guérisseuse qui vit dans les latrines, fit remarquer Danièle. (Comme Talia ne répondait pas, elle haussa les épaules et sortit un foulard de la malle près du mur. La jeune femme confectionna une écharpe et y déposa le pigeon, puis ajouta en marmonnant :) Et tu me trouves bizarre quand je parle aux oiseaux…
L’odeur du sang fit bientôt place à des miasmes plus fétides tandis qu’elle emboîtait le pas à Talia. La puanteur des lieux fit blêmir la jeune femme. Les gouttières canalisaient les eaux de pluie pour évacuer le contenu des cabinets par la muraille extérieure, mais cela faisait bientôt une semaine qu’il n’avait pas plu. L’encens que Danièle avait fait brûler la veille ne s’était pas révélé très efficace pour masquer les remugles nauséabonds. Elle était revenue de voyage depuis près d’un mois et son organisme ne s’était pas encore complètement réhabitué à la riche nourriture servie au château.
— Fermez la porte ! demanda Talia.
Danièle obéit. La seule lumière qui éclairait le cabinet provenait de deux étroites meurtrières au-dessus de leurs têtes. La jeune femme pouvait à peine deviner la silhouette élancée de Talia assise sur le banc à côté du trou entouré d’un rembourrage de cuir.
Talia tapota le banc.
— Mettez la main dedans !
— Pardon ?
Elle avait nettoyé des choses plus répugnantes encore pour sa belle-mère et ses demi-sœurs, mais là, ce que la jeune femme lui demandait n’avait aucun sens.
— Vous n’avez rien à craindre, l’encouragea Talia. Tout ce que vous avez… déposé est tombé deux étages plus bas et ne peut plus vous incommoder.
— Mais enfin, qui es-tu ? exigea de savoir Danièle.
— Je suis celle qui vous a sauvé la vie.
C’était la pure vérité. Le pigeon serré contre sa poitrine, Danièle se pencha et passa les doigts dans l’orifice. Le cuir usagé rempli de bourre qui l’entourait en rendait les bords plus confortables. Elle serra les dents, espérant vaguement qu’il s’agissait d’une plaisanterie, mais rien ne se produisit.
— Tâtez sous le banc, dans le coin, au fond à gauche.
Le conduit était carré et formait, avec le trou dans la planche de bois, quatre triangles de pierre irréguliers sous le banc. Précautionneusement, Danièle explora à tâtons l’endroit indiqué. Près du fond, elle rencontra du métal froid. Un levier de la grosseur de son pouce faisait saillie dans la pierre.
— Tirez-le ! ordonna Talia.
Le levier céda en silence tandis que le mur s’ouvrait derrière elles dans un craquement.
Danièle reprit son souffle, une grossière erreur étant donné la puanteur persistante. Elle tendit la main pour atteindre le panneau de bois. Quand elle le toucha, le mur se déplaça, pivotant sur des gonds bien graissés dissimulés dans la menuiserie.
Talia eut un petit rire. Derrière la paroi mobile se trouvait un puits de forme triangulaire. Danièle distinguait des barreaux de bronze scellés dans le mur de l’autre côté.
— Armand est-il au courant ? murmura Danièle, scrutant la pénombre.
— La reine l’est, ainsi que deux autres personnes. (Talia posa une main sur l’épaule de Danièle.) Allez ! Si j’avais voulu vous piéger, je vous aurais déjà jetée dans ce puits et personne n’aurait jamais connu le triste destin de Danièle Blanche-Rive.
Les épaules de la princesse se contractèrent. Elle toucha la porte et tenta de la faire pivoter, mais Talia la saisit par le coude et lui tordit le poignet pour l’immobiliser. La jeune femme ne pouvait plus se tourner sans risquer de se casser le bras.
— Tu es du côté de Charlotte, n’est-ce pas ? tenta de savoir Danièle.
— Non, je vous aide, vous. (Talia relâcha son étreinte.) Vous êtes trop confiante, princesse. Vous recevez Charlotte dans votre chambre. Vous réchappez de justesse à une tentative d’assassinat et maintenant vous suivez une étrange servante au cœur des ténèbres.
— Vous m’avez sauvé la vie, rétorqua Danièle.
— Quelqu’un qui vous sauve la vie n’est pas forcément un allié. (Talia passa devant Danièle, agrippa l’un des barreaux et mit un pied sur l’échelle.) Heureusement pour vous, j’essaie vraiment de vous maintenir en vie, alors je vous serais reconnaissante si vous vouliez bien en faire autant.
Sur ces mots, Talia s’enfonça dans l’obscurité.
— Fermez la porte derrière vous. Vous devriez entendre un déclic lorsque le loquet se mettra en place.
Danièle chercha le premier échelon. Le métal était plus chaud que ce qu’elle pensait. Obéissant aux ordres de Talia, elle allait s’engager, mais s’arrêta en se rappelant la mise en garde de la jeune femme.
— Comment sort-on d’ici ?
— Voilà qui est mieux ! lança Talia. Il y a un autre levier, à l’intérieur de la porte.
Danièle tâtonna dans le noir jusqu’à ce qu’elle repère la barre pivotante. Après avoir bien vérifié, elle s’agrippa à l’échelle pour tirer le panneau qui les condamnait à l’obscurité absolue. Elle ferma les yeux, puis les ouvrit de nouveau. Aucune différence. Elle rouvrit précipitamment le passage d’une pression sur le levier.
— Où cela mène-t-il ?
— Il n’y a qu’une façon de le savoir, princesse.
Les pieds de Talia résonnèrent légèrement sur les barreaux à mesure qu’elle descendait.
Serrant les dents, Danièle referma derrière elle et la suivit.
La descente semblait interminable. Danièle perdit le compte des barreaux au quarante-deuxième ou quarante-troisième. Le pigeon s’agita deux fois, glaçant d’effroi le cœur de la jeune femme. Et si l’oiseau tombait ? Sa robe ne cessait de s’accrocher à la pierre grossièrement taillée, et ses mains étaient raides, la peau à vif. À un moment, elle aurait juré avoir senti quelque chose détaler sous ses doigts.
— Faites attention où vous mettez les pieds !
La voix de Talia semblait distante, comme si la jeune femme n’était plus directement sous elle.
Quelques échelons encore et les pieds de Danièle touchèrent enfin la terre ferme.
— Ne bougez pas !
Il n’y avait toujours pas de lumière. Danièle garda la main sur l’échelle.
— Où sommes-nous ?
— Bien en dessous du palais. Vingt pieds de plus au nord, et vous seriez obligée de nager.
Tout à coup, un éclair blanc déchira les ténèbres et s’élargit pour révéler une entrée voûtée. Danièle protégea ses yeux. Après tant de temps passé dans le noir, la lumière lui parut aussi vive que celle du soleil au zénith. Elle cligna des yeux pour accommoder sa vision car celle-ci, brouillée, lui jouait forcément des tours !
— Princesse Danièle, sois la bienvenue !
Béatrice Blanche-Rive, reine de Lorindar, lui faisait signe de la rejoindre.
La jeune femme la regarda, interdite.
— Que faites-vous au fond de mes toilettes ? fit-elle, abasourdie.
— Eh bien, je vous attendais !
En souriant, la reine s’écarta pour la laisser passer. Danièle quitta le monde souterrain sombre et humide pour entrer dans un royaume dont le luxe égalait celui du palais.
La pièce était aussi vaste que les appartements de Danièle. Les murs lambrissés de bois cérusé blanc étaient galonnés d’or, et le sol recouvert de marbre poli ; mais si sa chambre donnait l’impression d’une pièce aérée et spacieuse, cet endroit était… un vrai capharnaüm.
À gauche, une bibliothèque laquée de noir courait le long du mur. Du sol au plafond, les étagères croulaient sous les livres dont le nombre dépassait tout ce que Danièle avait pu voir jusqu’à présent. Sur le mur opposé, des armes de toutes sortes pendaient à des crochets et des pitons capitonnés de velours. Étaient réunis épées, couteaux, arcs et arbalètes, lances et chaînes, bâtons de toutes dimensions, et bien d’autres objets que Danièle aurait été bien en peine d’identifier.
Des lampes à pétrole luisaient, encastrées dans de minuscules niches de pierre, et des disques d’argent poli incurvés diffusaient leur lumière, faisant étinceler les armes d’acier.
Placée entre une hache gigantesque et un fléau à chaîne d’où pendait une masse hérissée de pointes, une sorte de croix de bois fuselée enroulée de corde blanche attira l’attention de Danièle. Talia s’empara du manche étroit en forme de fuseau et testa la résistance de la corde. Elle eut un grognement de satisfaction, ajusta sa prise et donna un coup sec du poignet. Une bille de plomb jaillit, entraînant la corde, et alla frapper la porte d’un coup sourd. On aurait dit un fouet.
— Qu’est-ce que c’est ? interrogea Danièle.
— Talia a apporté quelques objets assez originaux dans ses bagages, commenta la reine.
— C’est une arme d’assassin, un fouet zaraque, expliqua Talia. (Elle tira un peu sur la corde pour avoir du mou, puis projeta brusquement l’extrémité de bois nue, comme un couteau.) Ce n’est pas tranchant, mais un coup à la gorge immobilisera un homme, si ça ne le tue pas. Tout dépend de la force qu’on y met, en fait.
Danièle ouvrit la bouche pour poser une question lorsqu’une étincelle de couleur attira son attention au-dessus de leurs têtes. Une carte de Lorindar tapissait le plafond. C’était une véritable splendeur, une œuvre d’art qui rivalisait avec les mosaïques de la salle du trône, très loin au-dessus d’elles. Routes, chemins et rivières sillonnaient bois et montagnes ; à l’extrémité nord-ouest de l’île, le palais, représenté par un cristal de roche, surplombait l’océan miroitant d’une eau qui semblait presque vraie.
En y regardant de plus près, Danièle discerna les petits carreaux de lapis-lazuli formant les différentes mers. Ces carrés bleus traçaient une ligne qui traversait le centre de l’île et signalait le grand abîme. En travers de ce dernier, un large cercle de paillettes d’améthyste délimitait les frontières de la Cité de Faërie. Les marécages de Colwich, au sud, étaient d’un vert sombre proche du jade. Quant aux voies de circulation, elles étaient indiquées par des lignes d’un rouge éclatant : du Chemin Côtier longeant le rivage occidental à la Voie Royale menant au sud-est, vers Port-au-Dragon. La jeune femme suivit mentalement les routes, revivant en esprit son périple au côté d’Armand.
Une ombre noire s’éloignait de la côte, au large du palais. Danièle la prit d’abord pour une araignée, mais un examen plus attentif lui révéla qu’il s’agissait d’un morceau d’ardoise poli et découpé en forme de navire.
— On dirait qu’il bouge !
Talia finissait d’enrouler la corde autour du fuseau. Elle expliqua :
— L’Épervier, probablement. Il ne devait pas partir avant une bonne heure, mais le capitaine Bonaventure a toujours été un lève-tôt, surtout lorsqu’il s’attire le courroux d’un mari ou d’un frère dans la région.
— Talia passe beaucoup de temps à contrôler les allées et venues au sein du royaume, ajouta la souveraine. (Elle prit Danièle par le bras et la conduisit gentiment à travers la pièce.) Viens, laisse-moi te montrer le reste de notre petit pied-à-terre sous le château.
Tenant toujours le pigeon, Danièle suivit la reine et passa sous l’arche dans le mur du fond. La pièce suivante était plus grande et plus somptueuse que la précédente. La princesse trébucha sur une pierre affleurante, mais la reine, d’une poigne à la fermeté inattendue, la rattrapa avant qu’elle chute.
De chaque côté de l’arche, des malles et des tonneaux de bois très anciens s’alignaient contre le mur. Des livres, encore plus nombreux, garnissaient les étagères au-dessus des coffres ; la collection constituée dans cette pièce devait être aussi importante que celle de la bibliothèque royale. Entre ces murs de pierre brute, l’air transportait des relents de pétrole et d’agents de conservation. Au sol, un épais tapis bleu et or accumulait les marques de brûlures et les salissures de toutes sortes.
À gauche, on avait suspendu un miroir plus grand que Danièle elle-même. Contrairement aux petits miroirs à main qu’elle avait vus au palais, celui-ci était aussi lisse que la surface d’une eau tranquille.
Le tain n’avait aucun défaut. Pas la moindre tache n’en altérait la surface et l’on ne parvenait pas à distinguer la réalité de son reflet. Son père aurait certainement pleuré en contemplant une telle perfection.
Le cadre avait été coulé dans un métal argenté et brillant. Danièle ne releva aucune trace de ternissure : à l’évidence, il ne s’agissait pas d’argent. Elle savait mieux que quiconque combien il était difficile de faire reluire chaque détail, chaque anfractuosité d’un tel ouvrage. De l’or blanc ? Était-il possible qu’il s’agisse de platine ? Des motifs végétaux fleuris s’enroulaient et rampaient, s’accrochant autour du miroir. Danièle tendit la main vers lui.
— C’est un véritable chef-d’œuvre de l’art du verre. D’où vient-il ?
— N’y touche pas, s’il te plaît !
Dans le reflet du miroir, Danièle vit apparaître une femme qui accourait dans la pièce, derrière la silhouette de la souveraine.
— Je suis désolée, s’excusa Danièle. Je n’ai jamais rien contemplé de tel.
Elle aurait pu en dire autant de la nouvelle venue. Même si celle-ci avait l’air légèrement plus âgée que Danièle, son visage lisse et pâle évoquait l’innocence de l’enfance. Elle portait des pantalons d’homme serrés dans des cuissardes. Un corsage bleu enveloppait ses épaules et tentait sans grand effet de dissimuler les courbes de sa poitrine. Celui-ci aurait pu remplir son office plus efficacement si la jeune femme avait pris la peine de le lacer… Un pendentif d’argent brillant en forme de flocon de neige tombait entre ses seins. Danièle s’efforça de ne pas regarder le bijou avec trop d’insistance ou, au moins, de ne pas lorgner sur son écrin plus que de raison.
La jeune femme portait aussi un délicat collier ras-du-cou composé d’une série de miroirs montés sur de fins galons brodés d’or.
— Pardonnez mon retard, lança-t-elle en reprenant son souffle. J’étais avec l’écuyer Timothée, et nous… (Ses joues s’enflammèrent.) Peu importe ! (Elle attrapa Danièle par les épaules et l’attira à elle pour l’embrasser avec effusion.) Tu dois être Danièle ! Je suis si contente de te rencontrer ! Enfin ! J’avoue qu’il est terriblement ennuyeux de n’avoir que Talia avec qui discuter…
— Écrase, Blanchette, rétorqua sèchement Talia.
Blanche lui tira la langue.
— Ne t’en fais pas pour Talia ! Elle n’est jamais contente, sauf lorsqu’elle vole quelque chose ou qu’elle réduit quelqu’un en bouillie.
— Dis donc, tu ne voudrais pas m’aider à retrouver le sourire par hasard ? proposa Talia d’un air goguenard.
Sans prêter attention à Talia, Danièle s’adressa à la nouvelle venue :
— Tu… es l’amie de Talia, n’est-ce pas ? Elle m’a parlé de toi… (Elle tendit le pigeon.) Elle m’a dit que tu pouvais l’aider.
Blanche la dévisagea.
— Mais c’est un pigeon !
— Il est venu à mon secours… S’il te plaît…
Talia se rapprocha de la reine.
— C’était Charlotte, la demi-sœur, le joli minois. Elle a tenté de tuer la princesse et a utilisé un tour de passe-passe pour se volatiliser.
— Comment ? Tu l’as laissé s’enfuir ? reprit Blanche en écho, feignant de ne pas remarquer le dépit qui se peignait sur le visage de Talia.
La reine prit la parole avant que Talia puisse répliquer.
— Princesse Danièle, permets-moi de te présenter la princesse Ermillina Curtana d’Allesandria !
— Blanche, s’il te plaît, insista la jeune femme en faisant la révérence.
Elle saisit le pigeon qu’elle déposa sur une table, juste en dessous d’une lampe à pétrole.
— Princesse ? (Danièle scruta le visage de Blanche. Il était si différent de celui de la reine dont les traits étaient allongés.) Serait-ce votre…
— Non, répondit Béatrice. Le roi Théodore et moi n’avons pas de fille. Armand est fils unique. Blanche est arrivée à Lorindar il y a quatre ans, peu de temps avant que Talia… fasse son apparition.
Blanche laissa échapper un petit rire moqueur tandis qu’elle bandait l’aile de l’oiseau.
— Avant que des marins la découvrent au beau milieu d’une cargaison de taffetas de soie, et la débarquent comme passagère clandestine, serait-il plus juste de préciser !
La souveraine soupira.
— Comme Blanche, la princesse Talia souhaitait fuir une situation plutôt… désagréable, dirons-nous.
— Princesse ? reprit Danièle. Talia aussi ?
— La princesse Talia Malak-el-Dahshat, précisa la reine.
Du coin de la pièce où elle s’était adossée, Talia esquissa une brève révérence qu’elle parvint à rendre narquoise.
— Ah… Alors si je comprends bien, vous collectionnez les princesses ? demanda Danièle qui n’était pas encore revenue de sa surprise.
Les princesses n’étaient pas censées courir en tous sens pour déjouer des tentatives d’assassinat, ni même servir des collations, et encore moins essuyer les insultes d’une demi-sœur folle de rage.
— J’ai découvert trois jeunes femmes extraordinaires, corrigea la souveraine.
Un bref silence s’installa, le temps que les paroles de la reine trouvent un écho auprès de son interlocutrice.
— Trois ?
Danièle jeta un coup d’œil autour d’elle, espérant confusément qu’une nouvelle inconnue surgirait de l’ombre pour se présenter.
La reine Béatrice sourit :
— À ton avis, qui a renseigné le cocher d’Armand sur l’endroit où il te trouverait après le bal ?
— La reine Béa voit des choses… Elle a le don de prescience, expliqua Blanche.
La jeune femme s’était emparée d’une aiguille à tricoter et en faisait une attelle pour l’aile de l’oiseau.
Danièle se retourna pour regarder la souveraine.
— Reine… Béa ?
La reine soupira, mais Blanche n’y prêta pas attention.
— C’est comme ça qu’elle a trouvé Talia sur ce navire, s’exclama Blanche gaiement. Et c’est aussi comme ça qu’elle a su que tu te rendrais au bal. Elle avait ordonné aux gardes qu’ils te laissent passer.
— Ces visions sont rares, et elles sont souvent salement floues ! précisa Béatrice.
Danièle la regarda, ahurie. Sa marâtre, la mère de Charlotte et de Stacia, l’aurait giflée puis enfermée dans le grenier pour un tel écart de langage.
— Elles se terminent généralement par une horrible migraine, conclut la reine. Je regrette, Danièle ! Je savais que quelque chose allait se produire quand je me suis réveillée ce matin, mais je ne savais pas ce que c’était. J’ai envoyé Talia assurer ta protection tandis que Blanche et moi tentions de découvrir l’origine de cette menace.
— J’ai essayé d’interroger le miroir, mais…, ajouta Blanche en haussant les épaules.
Un miroir magique ! Danièle n’en croyait pas ses oreilles. Elle eut du mal à avaler sa salive.
— Son teint a la blancheur de la neige…, murmura-t-elle. (L’histoire avait fait le tour de Lorindar plusieurs années auparavant, exactement comme sa propre histoire avait circulé le mois précédent. La belle jeune fille et sa méchante mère… Le fringant chasseur réveillant la jouvencelle en brisant le sort… La mort de la sorcière…) Tu es Blanche-Neige ? interrogea-t-elle.
Blanche acquiesça si vigoureusement que quelques mèches de cheveux tombèrent sur son visage. Retroussant les lèvres, elle souffla dessus pour les remettre en place.
— Blanche-Neige, ou Blanche, me semble beaucoup plus joli qu’Ermillina Curtana. Je déteste particulièrement ce nom.
— Blanche était la plus belle jeune fille de son royaume, commenta Béatrice.
Modeste, la jeune femme eut un léger haussement d’épaules qui fit glisser l’échancrure de son corsage.
— C’était un bien petit royaume…
— Bannie à la mort de sa mère, poursuivit la souveraine. Exilée et condamnée à la peine de mort s’il lui prenait l’envie de revenir.
— Mais pourquoi ? demanda Danièle.
— Pour avoir tué ma mère, répondit Blanche. C’était une très belle femme, mais elle était terriblement jalouse de sa beauté. Un jour, elle m’a envoyée dans les bois et payé un chasseur pour qu’il lui rapporte mon cœur. Malheureusement pour elle, cet homme est tombé amoureux de moi et nous avons vécu ensemble jusqu’à ce qu’elle nous retrouve. Ce jour-là, elle l’a assassiné et a bien failli me tuer aussi. (Blanche prit le pigeon et le rendit à Danièle.) Tiens, je te rends ton ami, dit-elle gaiement.
— Le décès de la mère de Blanche a précipité Allesandria dans la guerre civile, expliqua la reine. Trop longtemps tenu sous le charme de sa femme, le roi n’était plus capable de régner à la mort de celle-ci. Blanche était trop jeune pour reconstruire sa nation, mais son existence interdisait l’accès au trône aux membres de sa famille les plus assoiffés de pouvoir. Alors ils ont décrété qu’elle devait être pendue pour matricide.
Blanche baissa la tête. Ses cheveux d’ébène dissimulaient ses yeux tandis qu’elle regardait fixement son corsage.
— La reine Béatrice et le roi Théodore ont aidé mon cousin Laurent à monter sur le trône.
— De tous les prétendants, Laurent était celui qui ferait couler le moins de sang, précisa la souveraine. Nous avons fait notre possible pour sa cause, mais le temps qu’il prenne le pouvoir, la culpabilité de Blanche était trop profondément ancrée dans l’esprit de son peuple. Le jour de son couronnement, Laurent nous a conviés, a déguisé Blanche en servante et m’a aidée à lui faire quitter secrètement le pays.
— J’ai toujours beaucoup aimé Laurent, ajouta Blanche.
— Je suis navrée pour toi, risqua Danièle, ne sachant que dire d’autre. (Malgré tous ses défauts, sa belle-mère n’avait jamais essayé de la tuer.) Je pensais… Je pensais que ce n’était qu’une histoire, un conte…
— C’est le cas, affirma Blanche, mais cela ne veut pas dire que les faits ne sont pas vrais. Tiens, demande donc à la Belle au Bois Dormant pour voir…
Talia soupira.
— Tu sais que j’exècre ce nom, n’est-ce pas ?
— Oui, bien sûr, répondit Blanche dans un large sourire.
— La Belle au Bois Dormant ? (Danièle se tourna vers Talia. Une seule question lui vint à l’esprit :) Mais, n’es-tu pas mariée ?
— À peine, concéda Talia.
— Mais… Cette histoire… Ton prince qui te réveille d’un baiser en brisant le maléfice et…
— Les histoires sont fausses parfois, l’interrompit Talia. Blanche, as-tu réussi à retrouver Armand ?
Tout amusement disparut du visage de la jeune femme.
— Non.
Danièle sentit son estomac se contracter.
— Que lui est-il arrivé ?
— Il a disparu la nuit dernière, lui annonça doucement Béatrice.
Son regard devint vague et, à cet instant, Danièle découvrit une autre femme, âgée et lasse. La souveraine forte, pleine d’allant et de majesté, n’était plus : la reine Béatrice avait peur.
— Le temps que je comprenne qu’il était en danger, c’était déjà trop tard.
— Personne ne m’a rien dit, murmura Danièle.
En présence de sa marâtre, un tel reproche, aussi implicite soit-il, lui aurait valu d’être consignée au grenier pour le reste de la journée. Béatrice ne semblait pas… en colère, elle était triste.
— Nous devions nous assurer que tu n’étais pas mêlée à cette histoire, lança Talia en la tutoyant soudain tandis que ses paroles frappaient Danièle mieux que des poignards. La famille royale a déjà été victime de plusieurs attentats par le passé. Béatrice te faisait confiance, mais…
— Ma confiance en toi est totale, l’interrompit la reine, mais lorsqu’il s’agit de mon fils, j’ai du mal à me fier à mon propre jugement. L’affaire était d’une telle gravité… J’ai fait part des craintes de Talia au roi et il a approuvé son plan. J’en suis navrée, et tu as tous les droits d’être fâchée.
— Je ne le suis pas, répondit Danièle tout à trac.
— Tu devrais. (Béatrice se rapprocha et lui passa doucement son bras autour des épaules.) J’espère qu’un jour tu seras assez à l’aise avec nous pour donner libre cours à cette colère que tu retiens au fond de toi.
— Oui, enfin, ne la laisse pas déborder comme Talia, la pria Blanche. Ou, en tout cas, pas aussi violemment. J’ai déjà dû remplacer trois étagères ici.
Talia resta les bras croisés, scrutant Danièle comme un faucon prêt à fondre sur sa proie.
— Les chances que tu sois mise en cause étaient minces, mais nous devions en avoir le cœur net. Aujourd’hui, quand ta demi-sœur s’est présentée au palais, j’ai pensé qu’elle était venue comploter avec toi, ou qu’elle voulait te dicter les conditions de la libération d’Armand.
Après tout, Danièle ne pouvait pas leur en vouloir. Elle n’était encore qu’une étrangère ici, une parvenue qui avait osé épouser un prince. Comment ne pas la suspecter ? Elle serra le pigeon blessé contre son cœur, s’efforçant de garder un visage impassible pour dissimuler sa peine.
— C’est Blanche qui t’a aidée à revenir dans mes appartements ?
— Oui, c’est fou ce que j’arrive à faire avec mes miroirs ! répondit Blanche.
— Et je t’en suis infiniment reconnaissante. (Béatrice s’inclina légèrement en direction de Blanche, puis fixa de nouveau son attention sur Danièle.) Dès mon réveil, j’ai su qu’Armand avait des ennuis. Blanche a confirmé mon pressentiment à l’aide de ses miroirs. Théodore a dépêché immédiatement quelques soldats expérimentés pour fouiller le port où notre fils a disparu, mais ils n’y seront pas avant après-demain.
— J’ai réussi à découvrir ce qu’Armand a fait après avoir quitté le navire, lança Blanche. Alors, voilà… D’abord, il a dîné avec ses hommes, puis il s’est retiré dans ses quartiers pour la nuit. Il n’en est jamais ressorti.
— Cela signifie… ? demanda Danièle.
La jeune femme s’écarta du groupe et contempla son reflet dans le miroir de Blanche, comme si, par le simple pouvoir de sa volonté, elle pouvait le forcer à lui révéler le lieu où était retenu son mari.
— Cela signifie que, quelle que soit leur identité, ceux qui détiennent Armand sont assez puissants pour bloquer le sortilège de Blanche, expliqua Talia. Charlotte savait que le prince avait disparu. Elle est donc compromise. (La jeune femme remit à Blanche le pied du tabouret cassé et la plume ensanglantée.) Elle a utilisé sa magie sur ces deux objets.
Blanche grimaça tandis qu’elle prenait la plume.
— J’ai vraiment l’air d’un chien de chasse pour gibier magique ? (La jeune femme passa devant Danièle et effleura le miroir de sa plume en décrivant un cercle de sang à peine visible. Le cercle sécha, s’écailla et disparut aussitôt, laissant la surface du miroir aussi nette qu’avant.) Quelqu’un d’autre a jeté ces sorts. En tout cas, Charlotte n’était pas seule.
— Elle portait un collier, se souvint Danièle. Elle l’a touché juste avant que le tabouret se brise.
— Elle avait donc un ou une complice, en déduisit Talia.
— Stacia ? (Danièle fronça les sourcils.) Cela n’a aucun sens !
Charlotte serait incapable de remettre sa propre vie entre les mains de sa sœur.
Blanche semblait partager son avis :
— Je doute que tes demi-sœurs soient assez puissantes pour accomplir tout ceci sans aide. Je les ai bien observées au cours du bal et le jour de ton mariage aussi : si elles avaient détenu ce genre de pouvoir, je l’aurais senti.
— Si elles avaient détenu ce genre de pouvoir, Danièle n’aurait jamais assisté au bal, ajouta Talia.
— Alors qui était-ce ? s’enquit Danièle.
— Peut-être des sorcières, hasarda Blanche tandis que Talia affirmait au même moment :
— Je parierais sur des fées !
Blanche secoua la tête.
— Si Charlotte avait apporté une magie de fée quelconque malgré les sortilèges de protection de la muraille, je l’aurais su. Et puis, aucune fée n’oserait pratiquer la magie à l’intérieur du palais. Le traité de Malindar l’interdit.
— Et où vas-tu trouver une sorcière assez forte pour cacher la présence du prince à cette chose ? (Et, joignant le geste à la parole, elle désigna le miroir de l’index.) Dix shillings que ce sont des fées !
— Pari tenu !
— Mais pourquoi ces sortilèges n’ont-ils pas détecté le collier de Charlotte ? interrogea Danièle.
— Pour la simple et bonne raison qu’il s’agissait d’un vulgaire caillou tant qu’il n’était pas activé. Les sorcières font de la magie, les fées sont la magie ; elles sont une émanation de la magie. C’est d’ailleurs ce qui les rend très facilement repérables.
— Blanche, peux-tu utiliser ces objets pour trouver Charlotte ? demanda la reine. Si elle sait vraiment quelque chose sur mon fils, il devient encore plus urgent de la retrouver.
— Je vais essayer, répondit Blanche.
Elle saisit le pied de tabouret cassé et fit face au miroir.
Danièle considéra l’alliance à son doigt. Simple et modeste. Armand avait voulu lui offrir une de ces bagues monstrueusement chargées de diamants en gage de leur amour, mais Danièle avait tenu bon. Cet anneau d’or fin était une réplique de la bague qu’elle se rappelait avoir vue au doigt de sa mère.
Béatrice lui toucha l’épaule. Danièle se retourna et la peur et la douleur qu’elle lut sur le visage de la reine reflétaient exactement ce qui lui broyait le cœur.
— Nous trouverons Armand !
Danièle sentit sa gorge se serrer.
— Sud ! lança Blanche. Charlotte s’est enfuie vers le sud !
— Nous sommes à la frontière nord d’une nation insulaire, ironisa Talia. Pourrais-tu être un tout petit peu plus précise ?
— Impossible ! Elle est dissimulée à la vue du miroir. Même chose pour Armand.
Danièle s’éclaircit la voix :
— Ma maison… Je veux dire, la maison de mon père, se trouve au sud par rapport à nous.
Talia secoua la tête.
— Charlotte se doute bien que nous allons la poursuivre. Se cacher dans un endroit aussi évident serait le comble de la bêtise.
Danièle croisa les bras.
— Charlotte a laissé sa mère lui couper une partie du talon parce qu’elle croyait pouvoir ensuite chausser ma pantoufle et se faire passer pour moi auprès d’Armand.
— Un point pour toi, grogna Talia. Allons-y, Blanche. En route pour une petite visite à la maison Laverrie !
— Je viens aussi ! déclara Danièle.
— Charlotte a déjà tenté de t’assassiner une fois aujourd’hui, objecta Talia. Si nous la trouvons, elle…
— J’ai vécu avec Charlotte et Stacia une grande partie de mon existence, insista Danièle. Je les connais et je peux vous aider.
Talia se tourna vers la reine.
— Béa, je ne sais déjà plus où donner de la tête pour empêcher Blanchette de s’attirer des ennuis (d’un geste du pouce brusque et désinvolte, elle désigna son amie qui leva les yeux au ciel), alors s’il faut jouer la nourrice pour les deux en même temps, je ne réponds plus de rien.
Danièle croisa de nouveau les bras.
— Pardonnez-moi, Votre Majesté, mais si Armand est votre fils, il est aussi mon époux. Ma propre demi-sœur l’a peut-être enlevé. Alors la question n’est pas de savoir si je me lance à sa recherche, mais plutôt si ces deux-là viennent avec moi.
La souveraine l’étudia un long moment, à tel point que Danièle finit par penser qu’elle avait dépassé les bornes cette fois.
— Trois jeunes femmes exceptionnelles ! murmura Béatrice dans un de ses sourires indéfinissables, où se mêlaient à la fois douceur et tristesse. Danièle, je comprends pourquoi Armand était si passionné lorsqu’il me parlait de toi !
— Votre Majesté…, commença Talia.
La reine leva la main.
— Ma chère Talia, voici une jeune fille qui s’est glissée hors de chez elle trois nuits de suite pour assister au Bal de l’Hiver, au nez et à la barbe de ses demi-sœurs et de sa marâtre. En apprenant ce qui s’était passé, elles l’ont enfermée à double tour. Pourtant, lorsque Armand leur a rendu visite, elle s’est encore échappée pour le rejoindre. Tu veux vraiment que je la fasse emprisonner, ou jeter aux oubliettes pour l’empêcher de faire ce qu’elle croit être juste ? Penses-tu un instant que cela pourrait l’arrêter ?
— Moi, je saurais l’en empêcher ! marmonna Talia entre ses dents.
— Il suffit ! (Béatrice s’inclina pour déposer un baiser sur le front de Danièle, puis en fit de même pour Talia et Blanche.) Danièle doit participer à cette quête. Je le sens tout au fond de mon cœur.
Talia haussa les épaules.
— En espérant que ce que sent votre cœur ne soit pas fatal pour les nôtres. (En soupirant, la jeune femme se détourna et se dirigea vers l’arche.) Allons-y, princesse, nous devons te préparer pour cette visite.
— Trouvez mon fils ! les pria Béatrice en se retournant vers le miroir. Et prenez garde à vous !