7

Cocaïne. 140 kg. Un record ?

Le photographe fit poser les deux flics avec leur prise comme des chasseurs d’ivoire debout derrière un éléphant mort encore tout chaud. En fin de shooting, lui vint l’idée de rajouter du sens au cliché. Il demanda à Ivo Fonzi et Romain Delvès de s’agripper aux paquets de dope du dessus de la pile, signifiant ainsi que, côté coke, les flics avaient l’affaire bien en main. Sur la photo choisie pour la presse, Fonzi souriait de toutes ses dents, Delvès n’esquissait rien. Que leur duo soit mis en vedette ne manquait pas de sel. Détestation réciproque, désaccords de fond. Ne pas se foutre sur la gueule était tous les jours au programme.

La méga saisie n’était pas due au travail de fourmi de deux fins limiers. Ivo s’était fait aider par un indic aux confidences judicieuses. On ne partage pas son indic. Romain fut tenu à l’écart de la transaction. Il trouvait la pratique douteuse, mais devant l’efficacité de la manœuvre, il avait fermé les yeux, s’était contenté d’aller récupérer la came avec son acolyte.

Trois jours plus tard, ils repartirent tous les deux en guerre contre les forces du mal toute sirène hurlante sous les « On ne change pas une équipe qui gagne ! » de leurs collègues, et se jetèrent dans la gueule du loup.

Ça avait démarré avec un message. Une livraison annoncée, un lieu, une heure. Mais rien, arrivés sur place, si ce n’est qu’une grosse allemande gris anthracite démarra en laissant de sa gomme sur l’asphalte et pas le temps de la réflexion à Ivo qui d’instinct lui fila le train. Romain s’accrocha à ce qu’il put en prévision du rodéo. En vitesse pure, ils n’étaient pas au niveau, mais l’enchaînement des petits bouts de rues, des virages à angle droit, leur permit de garder le contact. Ils raclèrent des caisses garées en file, faillirent être bloqués par une camionnette venue en face qui grimpa de justesse sur le trottoir et fonça dans un muret pour éviter des crétins sortis regarder.

Ils débouchèrent dans une zone désolée qui avait dû être un espace vert, entourée de barres d’immeubles voués à la démolition. L’auto anthracite était arrêtée. Ivo Fonzi freina, s’immobilisa à bonne distance. Ils sortirent leurs flingues, entendirent soudain démarrer un moteur. Ce n’était pas la grosse allemande. Le vrombissement se rapprocha. Ils tournèrent la tête de tous les côtés pour comprendre d’où ça venait, furent heurtés à l’arrière droit avec une telle force que leur voiture fit un demi-tour.

Romain vit Ivo, la tête en sang, écroulé sur le volant et, dans le fond, une vieille caisse lancée à toute allure leur foncer dessus. Impact avant gauche. Fracas de ferraille, bris de glace. Leur voiture fit un tonneau avant de s’arrêter les quatre fers en l’air.

Romain retrouva un instant de conscience. Tout était douleur. Bouger ? Il put. Un bras. Chercha le clip de sa ceinture, appuya du bout d’un doigt. C’est celle d’Ivo qu’il déclipsa. Son corps inerte lui tomba dessus et se bloqua tête en bas, une joue contre son oreille. La dernière chose qu’il vit d’où il était fut un mec cagoulé courir vers eux et lancer ce qu’il avait à la main. C’était une bouteille avec une mèche enflammée dont Romain suivit la trajectoire sur fond de ciel bleu. Elle explosa quand elle toucha le capot. La gerbe de feu l’aveugla.