VIII.

Spartacus et le sac de l’Italie (de janvier à octobre 72 avant J.-C.)


Durant la fin de l’automne 73 et le tout début de l’hiver 72, l’armée des esclaves ne bougea pas. Sans doute Spartacus préparait-il la logistique, sans doute cherchait-il à former les combattants par une pratique assidue de l’exercice. Puis les contingents de fugitifs traversèrent de nouveau la Campanie et ils obliquèrent vers l’Adriatique. De là, en quelques mois, ils parcoururent toute l’Italie, du sud vers le nord d’abord, et ensuite en sens inverse, du nord vers le sud. Rappelons que l’Italie de cette époque correspond seulement à la partie péninsulaire du pays moderne de ce nom ; la Sicile, la Sardaigne et la plaine du Pô possédaient alors le statut de provinces. Bien entendu, les historiens se sont demandé ce que signifiaient ces mouvements en apparence contradictoires. Quoi qu’il en soit, Spartacus était alors devenu un vrai chef de guerre, avec beaucoup de qualités et quelques faiblesses1.

DE LA TYRRHÉNIENNE À L’ADRIATIQUE

Les circonstances ne furent pas toutes favorables au chef des esclaves.

L’immense armée des fugitifs, suivie à distance par les Romains, traversa de nouveau la Campanie. Puis elle se dirigea vers l’Adriatique. Elle traversa le pays des Samnites, qui correspondait aux Apennins2, et il est peu probable qu’elle y ait été accueillie avec faveur, même si la haine de Rome était partagée par les habitants de cette région et par leurs visiteurs. De telles masses d’hommes, qui ravageaient tout sur leur passage, par goût, par tradition et par nécessité, ne suscitaient jamais la sympathie des victimes.

Chacun des trois chefs, Spartacus, Oinomaos et Crixus, – nous l’avons dit – avait constitué sa propre armée, plus ou moins fournie ; troupes et officiers connurent le même destin, mais à des dates différentes. Le premier vaincu et tué fut Oinomaos, « l’Ivrogne ». Si l’on ne sait pas avec précision où et quand il est mort, on admet en général que ce fut sans doute en Campanie au début de 723 : des Romains attaquèrent ses troupes, sans doute peu nombreuses, les détruisirent, et il ne survécut pas à cet échec. Il est probable que ce désastre survint quand le propréteur Arrius tomba par surprise sur des esclaves qui festoyaient ; leur général aurait effectivement bien mérité son nom. De toute façon, Oinomaos n’avait pas été le chef d’une force très importante et il est d’ailleurs oublié par les sources4.

Le destin de Crixus, « le Frisé », est en revanche mieux connu, et il fut tout aussi dramatique5. Au moment où les esclaves quittèrent la Campanie pour prendre la route de l’Adriatique, ils se séparèrent en deux groupes, l’un suivant Spartacus, qui allait vers le nord et la montagne, les Alpes, l’autre derrière Crixus qui se dirigeait vers l’est et la mer, l’Adriatique. Il est absurde de penser que cette séparation résultait d’un conflit entre les deux chefs. Spartacus montra toujours la plus grande amitié pour son collègue. Les funérailles de cet allié, célébrées avec faste sur son ordre, prouvent que des liens solides les unissaient, et Salluste le confirme6.

S’il y eut donc séparation à l’amiable, il convient de savoir pourquoi, et la tâche n’est pas facile, car les modernes ont écrit à ce sujet tout et son contraire. Ils ont proposé, au choix, des motifs relevant de la vie quotidienne, de la politique, de la stratégie, de l’économie, de la société, etc.7.

Écartons d’abord l’explication politique : Crixus aurait voulu fonder en Italie, avec les esclaves révoltés, un nouvel État, fondé sur des principes humanistes8. Il aurait fallu qu’il soit fou pour imaginer que les Romains auraient laissé survivre une structure de ce genre à leurs portes et qu’il soit bien bizarre pour avoir des idées pareilles, plus répandues chez les cinéastes américains du XXe siècle que chez les esclaves de l’Antiquité. Elles reposent sur une vision tellement angélique des humains de ce temps qu’elle en est risible. Écartons aussi l’explication économique, bien qu’elle remonte à Theodor Mommsen, le père de l’histoire ancienne : Crixus aurait seulement voulu piller, et Spartacus aurait refusé cette sorte d’enrichissement. Nous avons vu que tous les guerriers de l’Antiquité recherchaient le butin, aussi bien les insurgés que les réguliers et, par la suite, Spartacus n’a jamais hésité devant des gains de ce genre. De plus, poursuivre cette activité imposait de rester en Italie, ce qui, comme on l’a dit, n’était pas sans dangers. Écartons également l’explication sociale : Spartacus aurait gardé les esclaves et Crixus les hommes libres9 – aucun texte ne mentionne une telle division des personnels ; il est assuré que peu d’Italiens sont entrés dans l’armée des esclaves et les auteurs anciens disent bien que Crixus a été suivi par des Gaulois et des Germains (« des » et pas « les »).

Restent plusieurs hypothèses, qui sont plus que vraisemblables et qui ne sont pas incompatibles ; bien au contraire, il faut les additionner. Les deux chefs ont peut-être eu des conceptions différentes de la guerre, le Gaulois étant plus agressif que le Thrace ; il est assuré toutefois que Spartacus n’était pas mou. Par ailleurs, Crixus a été suivi par des Gaulois et des Germains, alors que Spartacus a eu les faveurs des Thraces – il est fort possible que les chefs aient eu le désir de disposer de troupes très homogènes, ne serait-ce que pour la transmission des ordres au combat. En tout état de cause, il n’était pas bon d’organiser une bataille avec des effectifs trop nombreux, car il n’était pas possible à un général de tout voir sur le terrain, et la logistique posait toujours des problèmes. Mais le plus vraisemblable, à notre avis, est que les deux hommes ont voulu quitter l’Italie d’abord, rentrer dans leurs patries respectives ensuite, en empruntant des chemins différents, mais ils partageaient un même projet10.

Peut-on pour autant parler de « stratégie » ? En un sens restreint, peut-être, car l’objectif n’était pas de détruire l’armée romaine, mais plutôt de lui échapper. Les sources les plus fiables ne prêtent à Spartacus et à ses hommes qu’un projet, quitter l’Italie11. Il a voulu emprunter les cols des Alpes puis, par la vallée du Danube, vers l’est, retrouver la Thrace12 ; à ce moment, les Gaulois auraient pu repartir vers l’ouest, pour rentrer chez eux en suivant le cours supérieur du fleuve13. Crixus, de son côté, a tenté le voyage par mer : il s’est dirigé vers l’Adriatique. Et peut-être a-t-il envisagé de longer le littoral vers le nord ou, plus probablement, vers le sud, en recherchant des bateaux dans tous les ports jusqu’à Brindisi. De là, la côte des Balkans est à moins de 100 kilomètres des rives de l’Italie. Ce projet n’avait rien d’impossible. Rappelons un épisode étonnant mais instructif14 : entre 280 et 282 après J.-C., l’empereur Probus installa des Francs sur les bords de la mer Noire, car il voulait les punir de s’être dressés contre Rome et aussi affaiblir leur peuple. Or cette région ne leur plaisait pas et, pour quitter leur exil, ils prirent des bateaux, puis ils traversèrent la Méditerranée, non sans piller les pays riverains et, enfin, ils remontèrent l’Atlantique jusqu’à leur patrie.

L’espoir de Crixus fut brisé en premier, et le chef gaulois fut arrêté dans son projet de fuite par une sévère défaite. Ce fut sans doute le préteur Arrius15, et non le consul Gellius16, qui l’affronta à la bataille du mont Garganus, aujourd’hui le Gargano, cette sorte de bosse qui se trouve au-dessus du talon de la « botte », à l’est, sur l’Adriatique, entre Barletta et Termoli, à environ 100 kilomètres au nord du grand port de Bari. Une fois de plus, le détail de la rencontre est inconnu, mais les résultats sont éloquents. Sur 30 000 hommes engagés du côté des esclaves, 20 000 furent tués, et on compta Crixus parmi les morts17 ; en particulier, tous les Germains, ou du moins presque tous, perdirent la vie dans l’entreprise18. Les 10 000 survivants, des Gaulois, rejoignirent le camp de Spartacus.

À la suite de cette rencontre, c’est Spartacus qui organisa les funérailles de Crixus19, et cette cérémonie prouve qu’ils étaient très liés. Le chef thrace rendit les honneurs au défunt à la manière des Romains20. Pour commémorer sa mémoire, il ordonna de célébrer des sacrifices humains, ce qui rappelait le temps où la gladiature avait fait son apparition. Suivant les auteurs, on trouve des chiffres différents de victimes, 300, ce qui est le plus vraisemblable21, 40022 ou encore un nombre inconnu23.

LA MARCHE VERS LE NORD

Après ces cérémonies, Spartacus emmena les siens vers le nord. Le détail des événements n’est pas facile à établir, car nous avons deux récits, l’un de Plutarque, et l’autre d’Appien, qui ne coïncident pas toujours et qui sont même parfois contradictoires ; et les modernes n’ont pas toujours simplifié le travail de l’enquêteur24.

La masse des esclaves traversa le Picenum. Les historiens ont rarement remarqué que cette région de l’Italie, qui bordait l’Adriatique et qui s’étendait depuis le cours du fleuve Aternus au sud (à hauteur de Pescara), jusqu’à l’Aesis au nord (l’Esino actuel), était le domaine de Pompée, qui y possédait d’immenses propriétés. Ce chef romain y puisait à foison l’argent et les hommes, et c’est à cette abondance qu’il songeait quand il a dit qu’il lui suffisait de frapper du pied le sol de l’Italie pour en faire sortir des légions25. Malheureusement pour lui, et heureusement peut-être pour les fugitifs, il combattait alors en Espagne contre Sertorius, le Romain révolté.

Le pillage du Samnium et du Picenum, qui survint après le pillage de la Campanie et de la Lucanie, prouve incontestablement que Spartacus n’était pas aidé par les Italiens, surtout pas par les citadins, et qu’il ne cherchait pas à les séduire. Seuls quelques déclassés eurent envie de rejoindre les fugitifs, davantage attirés par la perspective du butin que par n’importe quelle autre considération. Un profond fossé avait toujours séparé les hommes libres des esclaves, et cet épisode n’a certainement pas contribué à les rapprocher les uns des autres. Imaginer le contraire relève de la naïveté ou d’un sentimentalisme anachronique.

Spartacus réussit à vaincre les troupes qui avaient été envoyées pour interrompre sa progression26. Et on ne sait pas avec certitude s’il a livré une27, deux28 ou trois batailles ; il paraît raisonnable de penser qu’il n’en a livré qu’une, une vraie, ce qui n’empêche pas qu’il ait pu affronter ses ennemis dans plusieurs rencontres mineures. Dans le cas où il n’y aurait eu qu’une rencontre, on admet en général, non sans raisons, qu’elle l’aurait opposé aux légats du consul Lentulus, qui avait pris position au nord, alors que Gellius était au sud. Les Romains réussirent à l’encercler, mais il sut rompre le piège et se retourner contre ses adversaires, en leur faisant subir un vrai désastre, car il s’empara de leurs bagages29. Mais, s’il a bien eu deux occasions d’en découdre, Spartacus s’est alors opposé aux deux légats, l’un d’eux étant associé à un des deux consuls, Lentulus ou Gellius. Et s’il y a eu trois batailles, il a affronté non seulement les deux consuls, mais encore leurs légats. Enfin, il est difficile de dire à quel(s) moment(s) eurent lieu cette ou ces rencontres, sur le chemin de l’aller ou sur le chemin du retour ?

Revenons toutefois à Spartacus pendant sa marche vers le nord. Au cours de l’été 72, il arriva jusqu’à Modène, où l’attendait Caius Cassius Longinus, le proconsul de Gaule Cisalpine (on appelait alors la plaine du Pô la Cis-alpine : la Gaule qui est « de ce côté-ci » des Alpes)30. Le détail de la bataille n’est pas connu, mais le résultat est sans appel : les Romains laissèrent sur le terrain 10 000 morts, au nombre desquels se trouvait le gouverneur ; 10 000 hommes, c’était l’équivalent de deux légions. Spartacus paraissait invincible : vrai chef de guerre, il était devenu un excellent tacticien et il disposait de soldats efficaces. Tite-Live dit aussi qu’il vainquit le préteur Cneius Manlius31. On ne sait pas si ce magistrat se trouvait à Modène aux côtés du proconsul ou s’il a été vaincu dans une autre bataille, ailleurs et à un autre moment.

LA MARCHE VERS LE SUD

Tout de suite après sa victoire de Modène, Spartacus décida un complet changement de direction, une conversion à 180° : il repartit vers le sud. Pourquoi ? Là aussi, de nombreuses hypothèses ont fleuri sur le terreau de la bibliographie32 ; après examen du dossier, il nous paraît raisonnable de retenir plusieurs causes qui se complètent et d’éliminer quelques interprétations hâtives.

Il est invraisemblable, comme on l’a vu, que Spartacus n’ait eu aucun projet ; M. Willing toutefois pense qu’il n’avait rien prévu et que l’idée d’un plan est une invention des modernes33. Cette critique ne mérite pas… une critique approfondie. En outre, après ce qui a été dit plus haut, on repoussera une erreur répandue : quelques auteurs ont cru que des Italiens auraient été présents dans son armée et qu’ils auraient retenu Spartacus dans la péninsule34. Nous avons vu que les hommes libres étaient très peu nombreux dans les rangs des esclaves en fuite ; de plus, dans ce cas, on n’expliquerait pas pourquoi il était parti vers le nord jusqu’à Modène. Il est tout aussi difficile d’accepter l’avis de ceux qui disent qu’il voulait rester en Italie, sans expliquer pourquoi, et sans dire comment il réussirait à tenir tête aux légions indéfiniment35 : « Spartacus ne pensa jamais à quitter l’Italie. » Mais pourquoi y rester ? Comment faire pour se défendre ? Pour la même raison, à savoir qu’il ne pouvait pas résister aux soldats romains jusqu’à la fin des temps, il est difficile de croire qu’il n’avait qu’un but, combattre Rome36. De toute façon, là encore, il ne serait pas allé jusqu’à Modène. Plus sérieux, Appien, suivi par Orose, dit que le chef des fugitifs était pris au piège, coincé entre les Apennins à l’ouest, l’Adriatique à l’est, le consul Lentulus au nord et le consul Gellius au sud37. Dans ces conditions, Spartacus aurait subi une défaite stratégique malgré ses victoires tactiques. Deux objections se dressent contre la théorie d’Appien : d’une part, Spartacus savait fort bien rompre un encerclement, et il l’a montré ; d’autre part, il a vaincu les deux consuls, ensemble ou séparément, ou encore à travers leurs légats.

Nous partons d’une hypothèse : Spartacus et les esclaves voulaient quitter l’Italie, pour fuir des ennemis qui ne leur accorderaient jamais le pardon, qui les combattraient sans relâche, jusqu’à l’anéantissement, et surtout pour avoir le bonheur de rentrer dans leurs patries respectives38. S’ils n’ont pas dépassé Modène, à notre avis du moins, c’est parce qu’il est plus difficile de franchir des cols solidement gardés que de vaincre une armée en rase campagne. En outre, Pompée allait revenir des Espagnes, où il finissait de vaincre Sertorius, et il représentait une menace sérieuse pour les fugitifs39. De plus, il est maintenant bien connu que les anciens préféraient les voyages par bateau, malgré les risques inhérents à la navigation40. Il y a plus. Contraints de revenir sur leurs pas, Spartacus et les fugitifs avaient deux raisons de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Puisqu’ils allaient de nouveau parcourir l’Italie, ils pourraient y voler de nouvelles richesses41 ; nous l’avons dit plusieurs fois, piller n’était pas sans charmes et le butin était un moteur puissant pour faire avancer les soldats. Voilà de quoi séduire les esclaves. Quant au général, il pouvait espérer rejoindre la Sicile, si les Romains ne l’en empêchaient pas. Or cette province était devenue célèbre pour ses révoltes serviles et ses esclaves indisciplinés ; il pourrait y trouver du renfort pour combattre les Romains et, mieux, leur échapper. De plus, alors qu’il était facile de fermer la sortie de l’Adriatique à hauteur de Brindisi, la voie était plus large depuis cette île, surnommée la Cilicie de l’Occident, en d’autres termes, un repaire de pirates et donc de transporteurs potentiels.

Le premier projet de Spartacus fut de prendre une nouvelle route pour ce retour et de passer par Rome42. Il est peu probable qu’il ait espéré réussir là où Hannibal avait échoué, à savoir prendre la Ville. Il ne possédait pas plus que le Carthaginois le matériel, le personnel et les compétences pour venir à bout d’un rempart solide et célèbre, le mur dit Servien, du nom du roi mythique qui l’aurait fait construire, Servius Tullius. Mais il pouvait au moins faire peur aux habitants, ravager la banlieue, et causer du tort aux propriétaires fonciers vivant dans Rome. Toutefois, le retour de Pompée l’en empêcha. Le général romain arrivait par l’ouest et risquait de le prendre soit de flanc soit de dos, deux occurrences tout-à-fait détestables pour un tacticien. Il ne restait qu’une voie, celle qui traversait le Picenum, et c’est par là que repassèrent les esclaves.

Il est possible, nous l’avons vu, que Spartacus ait vaincu au cours de ce trajet de retour un des deux consuls, sans doute Gellius qui se trouvait au sud. Quoi qu’il en soit, il prit alors contre les Romains des mesures cruelles qui, même à la guerre, n’étaient pas très courantes. Il avait déjà sacrifié 300 captifs aux Mânes de Crixus ; il fit mettre à mort tous les prisonniers restants, il n’avait plus rien à perdre : des esclaves fugitifs qui, de surcroît, avaient porté les armes contre Rome, ne pouvaient s’attendre qu’au supplice de la croix. Ces exécutions ne changeaient donc pas grand’chose pour lui et pour les siens. Il ordonna enfin que fussent égorgées toutes les bêtes de somme et brûlés tous les biens que lui et ses compagnons possédaient43. Vaincus, ils seraient anéantis ; vainqueurs, ils trouveraient d’autres richesses dans les camps de leurs ennemis. Ses hommes seraient, en outre, allégés et ils pourraient fuir avec plus de promptitude celui qui les poursuivrait, Pompée.

Une des mesures que prit alors Spartacus n’a pas été souvent commentée ; il est vrai que ce n’est pas aisé. Il annonça qu’il refuserait tout nouveau ralliement, d’esclaves assurément44. Deux explications peuvent être avancées, qui se complètent. D’une part, il éprouvait sans doute des difficultés pour ravitailler ses troupes, qui avaient tout saccagé à l’aller. D’autre part, il disposait d’effectifs suffisants pour mener une et même plusieurs batailles, puisque les armées qui combattaient sur un terrain donné rassemblaient en général seulement quelque 50 000 hommes ; au-delà, elles étaient ingérables en raison de la médiocrité des moyens de communication. Aussi est-il logique qu’il ait souhaité ne pas s’encombrer de bouches inutiles.

Ce retour ne se fit pas sans violences. Les auteurs anciens rapportent que l’Italie fut de nouveau mise à feu et à sang45 par des combattants qui se conduisaient comme des bêtes furieuses46. Remarquons toutefois que deux des plus riches régions de la péninsule, le Latium et l’Étrurie, furent épargnées. Ces pillards volaient, ce qui après tout était normal : il fallait bien assurer la logistique et reconstituer le trésor de chacun ; mais ces actes, venant d’esclaves, paraissaient inadmissibles aux Italiens. Ensuite, ils violaient, ils tuaient, commettant de vrais massacres de masse, et ils incendiaient. C’est encore et toujours la fameuse tétralogie de la guerre dont nous avons parlé plus haut.