VI

 

tout est là sans doute mais qui sait

traverser justement le là pour voir plus

que le visible l’apparence est une peau d’air

qu’un peu de lumière durcit le peintre

la dispose comme Poucet jette des pierres

blanches et c’est un chemin qu’on ne voit pas

une trace petite où reste pris un peu de sens

tu verses à pleins seaux du regard

la terre sous ce flot se retire en elle-même

des pigments de mémoire colorent sa surface

ils sont le suintement de ce dessous

qui n’existe jamais autant qu’où il paraît

n’être pas la lumière fait son lit

partout pour y coucher la ressemblance

notre solitude s’allonge à côté

la vie s’en va ainsi dans l’illusion

d’une bonne compagnie

et voilà le monde sans images où

la vue ne va que vers la vue

qu’est-ce que l’espace enfin démeublé

des formes qui le cachent on voit rouge

ou vert ou bleu peu importe

la couleur est le révélateur

qui nous souffle au visage la crudité

de notre propre respiration la même

qui dans nos yeux pénètre jusqu’au fond

cependant qu’ils plongent en elle

notre côté est l’endroit d’un envers

qui parfois vient s’y radiographier

il est rare qu’un tableau sache placer là

une surface qui est le fond dérobé de la vue