Aphrodite de Capoue, copie d’un
original grec de Scopas ou Lysippe du
IVe siècle av. J.-C. Mabre, h : 210 cm.
Museo Archeologico Nazionale, Naples.
Partageant la même ferveur populaire qu’Aphrodite, la Victoire de Samothrace est également au Louvre. Elle fut dressée à Samothrace par Démétrios Poliorketes, le roi de Macédoine, pour commémorer la bataille de Myonnisos ou la victoire à Sidé contre la flotte d’Antioche III de Syrie, vers 190 avant J.-C. Des pièces de monnaie furent également frappées à l’effigie de Niké, debout sur la proue d’un navire, sonnant la victoire au son d’un buccin qu’elle tient dans la main droite, tandis que, dans la main gauche, elle semble tenir un trophée. Tels étaient également les attributs de la statue en marbre. La proue de marbre fut découverte, exactement là où Niké, la déesse de la victoire, semble avancer. L’espace n’existe pas pour elle.
Elle circule avec tant d’aisance, sans déployer ses ailes, tandis que la brise exerce une pression facétieuse sur les plis de sa robe, très près du corps. La tête a disparu, mais nous saisissons tous, à travers ses seins glorieux, son bel abdomen, et sa progression rapide, l’allégresse qu’elle incarne.
On apprécierait davantage cette figure si on tentait de commémorer sa rapidité, par exemple, sur la proue d’un paquebot, voguant sur l’océan. A cet instant, les soucis du monde disparaissent et une sérénité absolue nous envahit, à l’écoute des voix s’opposant à l’impossible. C’est alors que l’on touche l’essence de la réelle victoire, autrement dit, la foi en la victoire des idées les plus nobles.
Telle était l’idée première de l’artiste. Ses efforts furent couronnés de succès, car il parvint à toucher le cœur de chacun. Même si la statue a subi de nombreux dommages, elle est aujourd’hui appréciée, tant par le paysan ou le touriste perdu dans le Louvre que par le chercheur qui tente de l’étudier. Ce dernier reste souvent perplexe devant la brutalité des plis de son drapé, qui agresse parfois le regard après une observation soutenue.
De face, les plis donnent envie de se déplacer sur le côté ; ils ne sont cependant toujours pas reposants, car ils insistent sur la rapidité de mouvement de la statue, apparemment passée inaperçue. Il est peu probable que de telles idées appartiennent exclusivement à la sphère de la sculpture, mais si on les accepte ainsi, à l’instar du sculpteur lui-même, on est transporté d’admiration devant le talent de cet artiste antique.
Il en est de même pour l’Apollon du Pavillon du Belvédère au Vatican et pour l’Artémis de Versailles, actuellement au Louvre, à Paris. Ce sont de véritables chefs-d’œuvre qui ont reçu, à ce titre, les hommages de foules en admiration depuis l’avènement de leur célébrité, vers le XVIe siècle. Ces œuvres étaient de loin les meilleures de toutes à l’époque, voire même jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’on recommença à s’intéresser à l’art grec, après une longue période d’abandon.
Il n’existait alors aucune autre statue capable de les égaler. Les fouilles en Grèce n’avaient pas encore révélé les trésors des périodes précédentes. Il n’est donc pas étonnant que l’admiration, d’abord exprimée par de simples hommages à ces personnages, ait vite dépassé les limites du naturel, et que les individus, espérant trouver dans l’art l’incarnation des grands idéaux que les études grecques avaient commencé à leur inculquer, pensaient y déceler des qualités qui leur manquaient, comme par exemple, la dignité.
L’Apollon du Belvédère semble observer, presque méprisant, la trajectoire d’une flèche. Regardons son visage, étudions ses traits et analysons ensuite nos propres émotions. Elles ne sont pas des plus nobles. La conception de l’Apollon n’est pas noble, contrairement à l’exécution, qui est d’une beauté transcendante.
Elle s’impose à nous au premier coup d’œil, en entrant dans le Pavillon du Belvédère où il se dresse (bien que le verbe dresser ne soit pas le plus approprié), où il marche, serait plus à propos. C’est d’un pas aisé et silencieux que ce personnage d’une beauté éthérée se meut. La lumière du soleil l’entoure, se réfléchit sur son corps svelte, et plus on le contemple, plus son charme physique nous envoûte.
Ses proportions sont inhabituelles : les jambes sont trop longues par rapport au tronc, mais cet effet était probablement recherché, afin d’insister sur le mouvement. On peut comparer l’attention que le sculpteur leur a prêtée ici à l’importance fondamentale que Praxitèle accordait aux yeux de ses personnages.
Arrivée en France sous François Ier, l’Artémis de Versailles, – souvent désignée par son nom français, La Diane à la biche, en raison de la biche qui figure à ses côtés –, mérite d’être évoquée comme comparse inestimable de l’Apollon du Belvédère. Il est certain qu’elle fut taillée à partir de blocs de marbre grec, tandis que certains soutiennent que l’Apollon du Belvédère fut taillé à partir de blocs de marbre de Carrare. Dans le cas de l’Artémis, c’est moins l’idée ou l’esprit de la composition qui attise la curiosité et les passions, que son corps et son mouvement qui suscitent l’admiration.
En tant que déesse de la forêt, elle a ceinturé sa tunique et a découvert ses jambes légèrement arrondies. La brise, chassant le pli de sa tunique sur son genou gauche, dévoile la beauté de sa taille et réussit, presque malicieusement, à révéler avec décence ce que le vêtement voulait dissimuler. Ceci est un détail astucieux et suggestif, d’autant plus qu’il n’est pas conforme à la conception d’un personnage divin. En fait, cette Artémis n’a de la déesse que le nom et n’est en réalité qu’un prétexte pour sculpter le corps d’une jolie femme.
Son drapé arbore également plus de plis agréables, peut-être afin de suggérer la brise qui l’évente. Le musée de Copenhague possède un torse d’un type semblable, révélant davantage l’attention et la dignité accordées au vêtement, et suggérant ainsi que l’Artémis de Versailles n’est pas l’original, mais une copie, idée renforcée par la qualité assez médiocre du modelage de la biche et du support étrange.