Benoît Gibson (Université d’Évora, Portugal)
ABSTRACT
Bohor is the last of the five electronic works composed by Iannis Xenakis at the studio of the Groupe de Recherches Musicales at the French Radio in Paris. It is also presented as the first piece conceived for eight channels. Relying on Xenakis’s writings and interviews, and on documents and sketches located in the Xenakis Archives, this paper contextualizes Bohor and provides elements of analysis on the relationship between the music and the composer’s graphic plan of the work. It also shows the many possibilities imagined by Xenakis over the years for the sound diffusion of Bohor.
1. TITRE
Bohor (1962) est la dernière œuvre que Xenakis a réalisée au GRM avant de claquer la porte. Le titre se réfère à l’un des chevaliers de la Table ronde à la cour du roi Arthur. Bohort, fils du roi Bohort de Gaunes et cousin de Lancelot du lac, participa à la Quête du Saint-Graal, pendant laquelle il ne se nourrit que de pain et d’eau. Grâce à son humilité et sa chasteté, il obtient, avec Perceval et Galaad, de conquérir le Graal et d’en contempler les mystères. Des trois chevaliers élus, il fut le seul survivant, et retourna à Camaalot pour témoigner et raconter les aventures du Saint-Graal (La Quête du Saint-Graal, 2006). Dans un entretien publié en 1969, Xenakis décrit Bohor comme un chevalier « très rigide », « très sévère » (Pensée et création, 1969 : 83).
Cette référence au cycle médiéval du roi Arthur fait exception dans l’œuvre de Xenakis. Hormis quelques hommages ou anagrammes, la plupart des titres d’œuvres choisis par Xenakis qui se réfèrent à un personnage ou à l’histoire renvoient à l’Antiquité. Aussi, comme pour d’autres titres d’œuvres (Delalande, 1997 : 158-164), ce fut probablement la sonorité du nom qui séduit Xenakis. Sur le choix de Bohor parmi les chevaliers de la Table ronde, Xenakis précise : « […] phonétiquement, c’était mieux, c’était plus mystérieux » (Pensée et création, 1969 : 83). On peut d’ailleurs rapprocher la sonorité de Bohor avec celle d’autres œuvres comme Terretektorh (1965- 66), Gmeeoorh (1974) ou Ikhoor (1978).
2. CONTEXTE
Selon le répertoire acousmatique du GRM (Répertoire acousmatique, 1980 : 267), la création de Bohor eut lieu le 15 décembre 1962 à la Salle des Conservatoires à Paris. Quatre œuvres figuraient au programme : Phonosophobe de Bernard Parmegiani, musique pour une action mimée qui finalement n’arriva pas (Parmegiani, 2002 : 95), Bohor de Iannis Xenakis, Points-mouvements de Claude Ballif et Animal-Animal d’Edgardo Canton.
Peu d’informations nous sont parvenues sur les circonstances de ce concert. Les principaux journaux de l’époque ne le mentionnent pas. Même un article de Maurice Fleuret paru dans France Observateur, fin décembre, donne ST/10, créée au mois de mai, comme dernière œuvre de Xenakis : « Cela se passe à l’entracte du dernier concert du Groupe de la Recherche Musicale de la RTF. On vient d’applaudir ST/10, la dernière œuvre de Xenakis, basée entièrement sur le calcul des probabilités » (Fleuret, 1962/27 décembre : 17-18).
En revanche, la diffusion de Bohor lors des Journées de Musique Contemporaine de Paris de 1968 fut largement couverte par la critique, et, dans une certaine mesure, marqua l’histoire de la musique concrète. Dans la salle du Théâtre de la Musique, Xenakis diffusa l’œuvre à un tel niveau sonore que deux amplificateurs succombèrent (Chion, 1972, cité par Couprie, 2005 : 113-114). Un mouvement d’hystérie s’installa dans la salle. Scandale, agressions sonore, souffrances auditives décrivirent l’événement dans la presse (Les journée de musique contemporaine de Paris, 1969 : 165- 188).
Lorsqu’on demande à Xenakis les raisons d’un tel niveau sonore, l’auteur s’explique : « Et là, pour Bohor en particulier, c’est parce que cela demande une pénétration de l’oreille dans le son. Et il faut donc du volume. Pour entendre tous ces minimes détails des sonorités, j’avais la sensation qu’il fallait plus de volume. Pour entrer dedans tout simplement » (Delalande, 1997 : 138).
Pierre Schæffer [P. S.], dédicataire de l’œuvre, ne partage pas le même avis. Dans un entretien avec Marc Pierret [M. P.] postérieur à cette diffusion, il reconnaît :
« M. P. — Vous aimez Bohor ?
P. S. — Je déteste Bohor, que Xenakis avait eu pourtant la gentillesse de me dédier. J’ai même pu lui dire ça en face, parce qu’il est un des rares avec qui ça soit possible. Et ça ne l’a pas tellement surpris, parce qu’il sait bien que je préfère, que je persiste à préférer la musique qu’il sait faire instinctivement à celle qu’il veut faire systématiquement.
M. P. — Est-ce vraiment Bohor, que vous détestez, ou bien la manière dont cette œuvre a été présentée au public ?
P. S. — Vous avez raison, j’exagère... Vingt minutes de fourmillements sonores, ça peut paraître long, mais enfin, si on les avait entendus pianissimo, on aurait pu se rendre compte, apprécier la démarche aléatoire des événements ». (Pierret, 1969 : 23)
Cette diffusion de Bohor eut des répercussions sur la réception de l’œuvre. Mais plus tard, d’autres feront de Bohor une œuvre de référence pour la musique du XXème siècle. C’est le cas d’Alfred Frankenstein32, critique musical américain, qui, dans son compte rendu du disque Iannis Xenakis. Electro-acoustic music33, range Bohor du côté de Pelléas, du Sacre ou de Pierrot lunaire :
« Bohor I (named after one of the knights of the Round Table) has in general more variety, color, formal ingenuity, and genius behind it than practically all the other electronic works on record put together. Its ending, with the most relentless, sustained, eighty-six-ply climax in the history of the recording industry, will get you put out of your apartment building if you live in one, but it’s worth it. Put this work alongside Pelléas, the Sacre, Pierrot Lunaire ; it’s one of the scores whereby the music of our century will be measured ». (Frankenstein, 1970 : 25)
Bohor fait suite à un ensemble d’œuvres réalisées a partir du programme informatique « ST ». Mais, selon Xenakis, l’œuvre ne repose sur aucun calcul :
« Tandis que dans Bohor, là je n’ai pas fait de calcul : j’avais déjà un certain empirisme de ce type de pensée, de ce type de construction ; ce qui m’a permis de travailler d’une manière, dirais-je, intuitive — puisque j’avais une nouvelle intuition qui s’était formée dans le feu de l’action — et qui m’a permis de faire Bohor ». (Delalande, 1997 : 39-41)
Bohor se démarque par sa durée. À sa création, elle devint l’œuvre la plus longue de Xenakis : près de 22 minutes. Sa durée contraste avec celles des œuvres électroacoustiques antérieures (Diamorphoses : ~7’, Concret P.H. : ~2’45’’, Analogique B : 2’30’’, Orient-Occident : 11’). Pour l’époque, Bohor compte aussi parmi les œuvres électroacoustiques (musique concrète) les plus longues, si l’on exclut celles qui s’appliquent à l’antenne, l’image ou la scène, ou encore celles constituées de plusieurs titres ou mouvements.
Cela s’explique en partie par l’influence qu’exercent sur Xenakis les musiques orientales. En 1961, Vladimir Nabokov invite Xenakis à participer au congrès international Orient-Occident (Tokyo East-West Music Encounter Conference) tenu au Metropolitan Festival Hall de Tokyo. Ce congrès rassemble interprètes, musicologues, compositeurs et critiques musicaux de tout premier plan. Parmi les invités, Alain Daniélou, Mantle Hood et Tran Van Khe, auxquels Xenakis fera référence dans son texte « Vers une métamusique » (Xenakis, 1971 : 56), mais aussi Alfred Frankenstein qui plus tard fera l’éloge de Bohor. Lors de ce premier séjour au Japon, Xenakis assiste à une représentation de théâtre Noh. Il est frappé par l’évolution lente de la musique et l’importance accordée aux petits détails, comme le rapporte cet entretien :
« On a perdu l’habitude de voir le petit détail qui fait la vie intérieure des choses ; et c’est probablement ce petit détail qui est l’apanage de musiques très importantes comme celles du Japon, des Indes, de la Chine. On entend pendant des heures des mélopées bâties sur de petites variations qui deviennent significatives, qui prennent de l’importance ». (Témoignage d’un créateur, 1969 : 83)
Telle est l’invitation que nous propose Xenakis dans Bohor : entrer dans le son, entendre les minimes détails des sonorités.
3. SONS
Que ce soit dans ses écrits ou ses entretiens, Xenakis donne peu de renseignements sur Bohor. Dans la notice de l’œuvre, il nous dit qu’il s’agit d’une « musique moniste de pluralité interne, convergente, se rétrécissant dans l’angle aigu de la fin34 ». Aussi, quelques croquis ou esquisses conservés dans les archives Xenakis nous renseignent sur l’origine des sons.
Certains sons de Bohor résultent de l’enregistrement des sons d’un piano. Ces sons semblent produits en jouant directement sur les cordes dans le piano avec un ou plusieurs objets. Quelques roulements suggèrent l’usage de deux objets simultanément. Les sons issus du piano se distinguent par des mouvements linéaires, souvent chromatiques, dans le registre médium, ou par des coups, qui assimilent le piano à un instrument de percussion. On reconnait aussi les sons du piano à l’écho et à la distorsion.
Xenakis utilise aussi les sons d’un orgue-à-bouche laotien : le khène. Le khène est un instrument polyphonique fait de tuyaux de bambou alignés sur deux rangées parallèles (Ex. 1). Chaque tuyau est muni d’une anche libre. On compte différentes tailles de khènes : 6, 14, 16 ou 18 tuyaux. Celui qu’utilise Xenakis est le plus répandu et comporte 16 tuyaux. L’accord du khène à 16 tuyaux suit à peu près celui d’une gamme mineure naturelle. Son registre s’étend sur deux octaves (Ex. 2).
Ex. 1. Khène à 16 tuyaux.
Ex. 2. Registre du khène à 16 tuyaux.
Dans Bohor, Xenakis improvise en jouant lui-même le khène. L’agencement des sons de l’orgue-à-bouche forme des agrégats de densités et de longueurs variables articulés par des respirations. Selon le nombre de demi-tons, ils produisent différents types de battements. Xenakis ralentit les sons du khène pour former des tenues (notes pédales) dans le registre extrême grave. Le ralentissement des sons de l’orgue-à-bouche accentue les variations de densité en délayant les attaques des accords, mais aussi, élimine certaines hauteurs à l’audition35. L’échelle résultante correspond à peu près à la gamme de si bémol mineur.
Sur plusieurs esquisses figurent les indications « Byz », « byzantin » ou « byzance ». Selon Rebecca Kim36, il s’agirait de chant byzantin. Si Xenakis a utilisé des extraits de chant byzantin, les manipulations et les transformations les rendent difficilement reconnaissables. En revanche, la voie « Byzance » inclue plusieurs sons de cloches.
L’indication « accessoires affolants », que l’on rencontre aussi sur certains documents, renvoie probablement à des accessoires ou bijoux orientaux, d’où la référence à l’Irak. Ces accessoires sont employés comme instruments de percussion. Xenakis y ajoute les sons de « grelots hindous » ou « bracelets de pied indiens ». Ce sont de petits grelots en bronze ou en cuivre attachés à la cheville des danseuses de façon à produire des rythmes en dansant. La voie Irak accueille aussi des sons de cloches et de percussions.
Pour la fin de Bohor, Xenakis utilise des bruits blancs transposés sur trois registres : original, aigu et grave. Un croquis qualifie le bruit de « son voile ».
L’origine des sons utilisés dans Bohor, notamment les références à l’Irak, l’Inde, le Laos et Byzance, montre bien l’intérêt de Xenakis pour les musiques orientales. Xenakis applique peu de traitements aux sons, mis à part le ralentissement, le montage, le mixage et l’écho.
4. ÉLÉMENTS D’ANALYSE
Le répertoire acousmatique du GRM fait état de 4 versions de Bohor. L’une d’entre-elles, réduite sur 2 pistes, a été commercialisée par Erato, puis reprise par d’autres éditeurs. À cette version s’ajoute une plus récente parue en 1997 sur disque compact37. Ces deux versions diffèrent quant à l’égalisation des voies. Lors du nouveau mixage, par exemple, Xenakis réduit (atténue) la présence des pédales graves de l’orgue, tandis qu’il renforce la présence du piano.
Les sons de Bohor sont répartis sur quatre voies dédoublées (huit pistes), identifiées par Xenakis comme : Piano, Orgue, Byzance (Byzantin) et Irak. La voie Piano comprend les pistes 1 et 2 ; la voie Orgue, les pistes 3 et 438 ; la voie Byzance, les pistes 5 et 6 ; et la voie Irak, les pistes 7 et 8. Toutes les voies n’ont pas le même poids. Les sons de la voie Irak, de par leur nature, n’ont pas la même présence que ceux des autres voies. Quant à la voie Orgue, elle se démarque naturellement à cause de son registre grave et de l’entretien continu de ses sons. Le profil dynamique donné à cette voie imprègne celui de l’œuvre. Dans cette version, Xenakis choisit de placer le moment de plus forte d’intensité au centre, entre la huitième et la neuvième minute (Ex. 3).
Ex. 3. Bohor, profil dynamique de la voie Orgue.
Xenakis traça un plan graphique de Bohor, à quatre voies39. Il y indique les repères temporels, les variations d’intensité, de même que certaines indications sur les sons. Les repères temporels sont notés à la minute. Xenakis y ajoute aussi des repères à la seconde pour marquer le début, la fin ou l’occurrence de certains sons. Quelques corrections, au stylo, laissent entendre que ces repères ont été notés à l’écoute et non pas définis par un calcul préalable. Les passages de plus forte intensité sont soulignés en rouge.
Le plan révèle aussi quelques indications sur les sons : « beau », « souffle », « silence », « cloches », « cloches spéciales », « bruit ». Si les repères temporels de ce plan de Bohor correspondent assez bien à la version commercialisée sur disque compact, les intensités diffèrent. Les exemples qui suivent ont été réalisés d’après le plan de Xenakis mais adaptés à cette nouvelle version.
Le début de Bohor est de faible densité. La voie Piano domine, soutenue quelques instants par celle de l’orgue. Les transpositions qu’effectue Xenakis produisent des consonances entre les sons de l’orgue et du piano (Ex. 4).
Ex. 4. Bohor, début : transcription des voies Piano et Orgue.
Bien qu’on trouve quelques « coups », la voie Piano dessine surtout des mouvements mélodiques (Ex. 5).
Ex. 5. Bohor, 2’25’ : transcription de la voie Piano.
Très tôt, Xenakis atténue la voie Orgue. Quant aux autres voies, elles émergent progressivement. Les mouvements mélodiques du piano cessent à partir de la troisième minute (3’05’’). Ils sont remplacés par des « coups rares », d’intensités variables. La voie Byzance prend alors le dessus. À l’endroit du plan où Xenakis indique « beau », certains sons de cloches à hauteurs fixes se démarquent (Ex. 6) (Ex. 7).
Ex. 6. Bohor, 3’44’’ : transcription des sons de cloche de la voie Byzance.
Ex. 7. Bohor, 2’- 4’ : plan graphique.
Xenakis fait évoluer le son par le jeu des intensités et des densités. La voie Irak émerge peu à peu à partir de la troisième minute pour atteindre un premier sommet d’intensité vers la fin de la quatrième minute. Puis la voie Piano est reléguée en arrière plan alors que les sons de l’orgue refont surface.
Le crescendo qui précède le moment de plus forte intensité (9’03’’) est marqué par la répétition, à la voie Orgue, d’un agrégat fixe sur des durées variables (Ex. 8) (Ex. 9).
Ex. 8. Bohor, 8’33’’ – 9’00’’ : transcription de la voie Orgue.
Ex. 9. Bohor, 8’-9’ : plan graphique.
Le moment de « convergence dans l’angle aigu de la fin » se produit entre les minutes 18 et 19. Les sons des quatre voies se transforment en bruit (ou silence). D’abord une partie de la voie Irak se change en bruit tandis que l’autre continue les sons de cloches. Puis suivent les voies Piano, Orgue, Byzance et l’autre moitié de la voie Irak (Ex. 10).
Ex. 10. Bohor, 18’-20’’ : plan graphique.
Bohor déploie une trame continue dont les sons se répètent parfois, mais varient sans cesse. Xenakis ne cherche pas à opposer des sonorités contrastantes. Les processus d’émergence ou de dominance des voies s’effectuent progressivement.
5. PROJECTION SPATIALE
On donne Bohor comme première œuvre conçue pour huit canaux (quadruple stéréophonie). Lors de la création, le dispositif de diffusion comprenait 4 canaux stéréophoniques circulaires (Répertoire acousmatique, 1980 : 67). Selon l’éditeur, la diffusion de Bohor prévoit huit haut-parleurs placés autour du public. Cette disposition des voies dédoublées forme une symétrie par rapport au centre. Les voies Piano (1, 2) et Orgue (3, 4), placées en croix, séparent les voies Byzance (5, 6) et Irak (7, 8) (Ex. 11).
Ex. 11. Bohor : distribution spatiale des sources sonores (Éditions Salabert).
Bohor n’est pas la seule œuvre où Xenakis dispose des sources sonores autour du public. Les schémas d’Analogique A et B (Ex. 12) et de Persephassa (Ex. 13), par exemple, montrent également une disposition spatiale qui encercle le public.
Il arrive que les salles ne permettent pas une disposition circulaire des sources sonores. Une esquisse, datée de 1983, maintient les mêmes rapports de symétrie entre les voies disposées cette fois dans un espace rectangulaire (Ex. 14). Le même schéma a été repris en février 84. Seul change l’ordre des haut-parleurs (Ex. 15).
Ex. 12. Analogique A et B : schéma de distribution spatiale des sources sonores et du public. A, B, C, D : quatre groupes de haut-parleurs correspondant aux quatre pistes synchrones. A’, B’, C’, D’ : quatre groupes complémentaires reliés aux premiers (Éditions Salabert).
Ex. 13. Persephassa : disposition des 6 percussionnistes (Éditions Salabert).
Ex. 14. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 18]
Ex. 15. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 15]
D’autres schémas, toujours symétriques par rapport au centre, présentent les pistes dans un ordre différent, en gardant les voies Byzance et Irak côte à côte (Ex. 16).
Ex. 16. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 16]
Mais Xenakis n’a pas toujours opté pour une disposition des voies symétrique par rapport au centre. C’est le cas du schéma représenté par l’Ex. 1740.
Ex. 17. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 3]
Une autre esquisse, datée de 84, présente une disposition encore différente. Les voies Orgue et Irak sont symétriques par rapport au centre, tandis que les voies Piano et Byzance sont placées en angle41 (Ex. 18).
Ex. 18. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 14]
Enfin, on trouve sur le programme d’un spectacle audiovisuel donné dans le cadre du V Ciclo de música clásica de la universidad politécnica de Madrid en 1986, tracé au crayon, une disposition asymétrique des voies (Ex. 19). Cette disposition reprend celle de l’Ex. 17, mais adaptée à un espace rectangulaire. Dans cet exemple, les chiffres arabes entre parenthèses indiquent les numéros de piste.
Ex. 19. Bohor : esquisse de spatialisation [OM 33/11, f. 26]
Tous ces exemples témoignent des recherches de Xenakis sur la spatialisation des voies de Bohor et reflètent ses préoccupations sur l’espace. Elles se poursuivront dans d’autres œuvres comme Terretektorh (1965-66) ou Nomos Gamma (1967-68), pour grand orchestre, où les instrumentiste sont dispersés dans le public. À la suite de Bohor, Xenakis imagine aussi d’autres types de projection spatiale, comme en témoigne ce paragraphe ajouté au chapitre « musique stochastique markovienne » de Musiques formelles :
Dans tout ce chapitre nulle mention n’a été faite de la spatialisation du son. En effet, le sujet était lié à la conception fondamentale d’un complexe sonore et de son évolution en soi. Pourtant rien n’empêche d’élargir la technique exposée dans ce chapitre et de « sauter » dans l’espace. Nous pouvons par exemple imaginer des protocoles de trames attachés à tel ou tel point de l’espace avec des probabilités de transitions, avec des couplages espaces-sons, etc… La méthode est prête, l’application générale est possible avec les enrichissements en retour qu’elle peut créer. (Xenakis, 1981 : 131)42.
6. BIBLIOGRAPHIE
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Xenakis, I. (1976). Musique. Architecture, Tournai : Casterman.
Xenakis, I. (1981). Musiques Formelles, Paris : Éditions Stock.
31 Je remercie Mâkhi Xenakis de m’avoir autorisé à consulter les Archives Xenakis, et la Fundação para a Ciência e a Tecnologia pour leur soutien.
32 Alfred Frankenstein (1906-1981).
33 Nonesuch H-71246.
34 Archives Xenakis, Dossiers Écrits 9/16.
35 Ces hauteurs réapparaissent lorsque que l’on accélère la vitesse de lecture de Bohor.
36 Kim, Rebecca : “Iannis Xenakis’s Bohor 1962”. http://music.columbia.edu/masterpieces/notes/xenakis/index.html
37 Xenakis. Electronic Music, EMF INA/GRM, EMF CD 003.
38 À l’origine, la voie Piano comprenait les pistes 1 et 3 ; la voie Orgue, les pistes 2 et 4.
39 Archives Xenakis, Dossiers Œuvres Musicales 33/11, f. 10.
40 Cette esquisse est probablement plus ancienne puisque les voies Piano sont associées aux pistes 1 et 3.
41 Sogetsu fait référence à un immeuble à Tokyo au Japon.
42 Ce paragraphe ne figure pas dans la version originale de ce texte.