Correspondance (II)
La troisième lettre fut la bonne. Merci la Poste : le téléphone, le fax ou Internet ne surpasseront jamais en beauté romanesque le bon vieux danger de la liaison épistolaire.
« Chère Alice,
Je t’attendrai tous les soirs à sept heures, sur un banc, place Dauphine. Viens ou ne viens pas, mais j’y serai, tous les soirs, dès ce soir.
Marc. »
Je t’ai attendue lundi, sous la pluie. Je t’ai attendue mardi, sous la pluie. Mercredi il n’a pas plu, tu es venue. (On dirait une chanson d’Yves Duteil.)
— Tu es venue ?
— Oui, on dirait.
— Pourquoi tu n’es pas venue lundi et mardi ?
— Il pleuvait…
— Je ne sais pas ce qui me retient de… t’offrir un parapluie.
Tu as souri. Fantômette cachée derrière une chevelure annonciatrice de plaisirs abscons. Manga au visage clair avec des lèvres qui me souriaient sans peser le pour et le contre. Je t’ai pris la main comme un objet précieux. Puis il y a eu un silence gêné de circonstance, que j’ai voulu briser :
— Alice, je crois que c’est grave…
Mais tu m’en as empêché :
— Chut…
Puis tu t’es penchée pour m’embrasser les lèvres. Pas possible, je ne rêvais pas ? Quelque chose d’aussi délicat pouvait encore m’arriver ?
J’ai voulu parler à nouveau :
— Alice, il est encore temps de reculer, vite, parce qu’après, il sera trop tard et moi, je vais t’aimer très fort, et tu ne me connais pas, je deviens très pénible dans ces cas-là…
Mais cette fois c’est ta langue qui m’a interrompu et tous les violons de tous les plus beaux films d’amour crachent un misérable grincement à côté de la symphonie qui résonna dans ma tête.
Et si vous me trouvez ridicule, je vous emmerde.