XXXVII

Un cynique à l’eau de rose

Je suis assis là, comme tous les soirs, au fond du même café, à chercher une solution. J’ai beau me répéter que je suis mort, je continue tout de même de vivre. J’ai failli mourir souvent : écrasé par une voiture (mais je l’ai évitée de justesse), tombé d’un immeuble (mais je me suis rattrapé aux branches), contaminé par un virus (mais j’ai mis une capote). Quel dommage. Mourir m’aurait pas mal arrangé. Avant ma descente aux enfers, la mort me faisait peur. Aujourd’hui elle me délivrerait. Je ne parviens même pas à comprendre pourquoi les gens sont si tristes de mourir. La mort nous réserve plus de surprises que la vie. Désormais j’attends le jour de ma mort avec impatience. Je serais ravi de quitter ce monde et de savoir enfin ce qu’il y a derrière. Ceux qui ont peur de la mort ne sont pas des gens curieux.

Mon problème, c’est que tu es la solution. Ce sont les gens les plus cyniques et les plus pessimistes qui tombent le plus violemment amoureux, car c’est bon pour ce qu’ils ont. Mon cynisme avait hâte d’être démenti. Ceux qui critiquent l’amour sont bien sûr ceux qui en ont le plus besoin : au fond de tout Valmont il y a un indécrottable romantique qui ne demande qu’à sortir sa mandoline.

Et voilà, ça y est, ça recommence, le piège se referme, la machination se met en branle. J’ai de nouveau des envies de grande maison avec jardin ensoleillé, ou bien le chant de la pluie sur le toit en fin de journée, envie de cueillir un bouquet de violettes, solitude avec elle, loin de la ville pour faire l’amour encore et encore, jusqu’à en crever de joie, en pleurer de plaisir, caresses pour se consoler d’être si bien ensemble, melon glacé et jambon de Parme, Florence, Milan, s’il y a le temps…