Correspondance (IV)
Une semaine plus tard.
Dernière lettre à Alice :
« Mon amour,
Ce week-end avec Anne n’a rien donné. N’en parlons plus. Comme toi, je voulais être fixé, être certain d’avoir fait le bon choix. Pardon de t’avoir fait cela. Je voulais aussi que tu sentes à quel point j’ai souffert pendant tes vacances. C’est idiot, je le sais. Parce que tu ne sauras jamais à quel point tu m’as fait mal.
Alice, nous sommes faits l’un pour l’autre. C’est effrayant. Tout est beau avec toi, même moi. Mais j’ai peur de ta peur. Il est insupportable que je ne sois pas le seul homme de ta vie. Je hais ton passé, qui encombre mon avenir.
J’aimerais que toute cette douleur serve à quelque chose. Pourquoi ne me fais-tu pas confiance ? Parce que je suis fou ? ça ne compte pas comme reproche car tu es folle aussi. Tu crois qu’on s’aime uniquement parce que c’est compliqué ? En ce cas il vaut mieux se quitter. Je préfère être malheureux sans toi qu’avec toi.
Notre amour est ineffaçable, il est incompréhensible que tu ne t’en rendes pas compte. Je suis ton futur. Je suis là, j’existe, tu ne peux pas continuer à vivre comme si je n’existais pas. Désolé. Comme disent les Inconnus : “C’est ton Destin”.
Nous n’avons pas le droit de fuir le bonheur. La plupart des gens n’ont pas notre chance. Quand ils se plaisent, ils ne tombent pas amoureux. Ou quand ils sont amoureux, ça ne marche pas au lit. Ou quand ça marche au lit, ils n’ont rien à se dire après. Nous, on a tout, sauf qu’on n’a rien puisqu’on n’est pas ensemble.
Ce que nous faisons est impardonnable. Cessons de nous torturer. Il est criminel de ne pas se dépêcher d’être heureux quand on en a enfin l’occasion. Nous sommes des monstres envers nous-mêmes. Allons-nous continuer longtemps comme ça ? Pour faire plaisir à qui ? C’est ignoble de faire autant de peine à soi-même et aux autres, pour rien. Personne ne nous reprochera d’avoir saisi notre chance.
Ceci sera vraiment ma dernière lettre. Je n’en peux plus de jouer au chat et à la souris. Je suis abattu, fourbu, à tes pieds, attendant le coup de grâce. A partir d’un certain niveau de douleur, on perd tout orgueil. Je ne t’écris pas pour te demander de venir : je t’écris pour te prévenir que je serai toujours là. Un geste de toi et nous fondons un élevage d’autruches. Pas de geste de toi et je suis toujours là, quelque part, sur la même planète que toi, à t’attendre. Je t’aime à la folie, je n’ai envie que de toi, je ne pense qu’à toi, je t’appartiens corps et âme.
Ton Marc qui a pleuré en écrivant ceci. »