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[fin 1908-début 1909]

1 heure

Madame,

 

Je vous remercie de tout mon cœur de votre belle et bonne lettre et viens vous demander au contraire de laisser faire à partir de maintenant tout le bruit que vous pourrez. J’avais compté en effet sans une oppression si vive qu’elle m’empêche d’essayer de dormir. Le bruit ne me gênera donc en rien (et me débarrassera d’autant pour un jour où je pourrais me reposer6). Je suis bien triste de vous savoir malade. Si le lit ne vous ennuie pas trop je crois qu’il exerce par lui-même sur les reins une action très sédative. Mais peut-être vous ennuyez-vous (quoique il me semble [un mot sauté : difficile ?] de s’ennuyer avec vous). Ne pourrais-je vous envoyer des livres. Dites-moi ce qui vous distrairait, je serais si heureux. Ne parlez pas de voisins ennuyeux, mais de voisins si charmants (alliance de mots en principe contradictoire puisque Montesquiou7 prétend que ce qu’il y a de plus horrible c’est 1o les voisins 2o l’odeur des bureaux de poste) qu’ils laissent le constant regret tantalien de ne pouvoir profiter de leur voisinage.

Veuillez me rappeler Madame au souvenir du Docteur et agréer mes respectueux et reconnaissants hommages.

MARCEL PROUST

 

Malgré les tristes jours, des fleurs vous feraient-elles plaisir. Et « quelles » comme dit Verlaine ?


6 M. et Mme Williams faisant des travaux, Proust souffre évidemment du bruit.

7 Le comte Robert de Montesquiou-Fézensac (1855-1921) fut un homme de lettres. Ami de Proust, à qui ce dandy inspira le personnage du baron de Charlus.