Holbein est l’un des plus grands portraitistes. Avant de devenir le peintre d’Henri VIII, de sa cour et de ses nombreuses femmes, cet artiste, observateur et témoin de son temps, a non seulement représenté les bourgeois de Bâle, et les marchands allemands, mais aussi les plus importants humanistes du XVIe siècle : Thomas More, Erasme, l’astronome Kratzer, l’archevêque Warham et la noblesse internationale. Son champ d’activité fait ainsi de lui un artiste européen. Son art séduit tout d’abord par cette précision de miniaturiste à laquelle le grand format confère une impressionnante monumentalité. Sa palette embrasse la peinture aussi bien que le dessin, l’art du livre, le vitrail, des esquisses de bijoux et d’objets décoratifs, ainsi que des fresques en trompe-l’œil sur les façades de maisons.
Cependant, Holbein déjoue la réalité apparemment objective du tableau par un triple procédé : d’ingénieux détails, la confrontation de plusieurs dimensions temporelles et l’utilisation simultanée de différents médiums comme l’image et le texte. Son œuvre se caractérise par une ambiguïté de forme et de contenu. Par ailleurs, elle constitue un véritable « document visuel » qui rend compte, à travers le portrait de nombreuses personnalités, du contexte intellectuel du XVIe siècle.
Le tableau des Ambassadeurs, avec sa spectaculaire anamorphose, sera utilisé comme paradigme et clef de lecture de toute l’œuvre de Holbein. Les deux points de vue sur le crâne en anamorphose au premier plan - le premier pour le défigurer, le second pour le redresser - ne sont pas seulement des phénomènes de perception : ils définissent aussi une nouvelle approche de l’image.
Ils créent une distance par rapport à la représentation picturale, distance qui nous incite à la réflexion. L’univers pictural devient un jeu sur la forme et le mot, dont le décodage verbal met en évidence une intention morale.