35. Portrait de Thomas Cromwell, 1532-1533.
Huile sur panneau de bois (chêne),
78,4 x 64,4 cm. Offert par Henry Clay Frick,
Frick Collection, New York.
Et Erasme de rappeler : « Que l’on se souvienne toujours que l’on doit toucher les livres sacrés seulement lorsque les mains sont propres, c’est-à-dire avec un cœur pur. »
La jeunesse des mains de Warham est donc une métaphore de sa droiture.
Pour le spectateur attentif aux ombres, la croix de procession qui projette une ombre sur le lourd rideau de brocart constitue un autre indice à déchiffrer. En effet, la présence de cette ombre est d’autant plus inattendue que la silhouette de Warham n’en projette pas elle-même. A l’endroit où on s’attendrait à la trouver, apparaît un plissé dans le rideau, avec un cartellino. L’ombre portée de la croix se situe à hauteur d’yeux du personnage, révélant la nature divine du regard.
Le dernier exemple du rôle de l’ombre portée chez Holbein est fourni par La Devise d’Erasme. L’image est inspirée d’une médaille et d’une bague d’Erasme, représentant le Terminus en buste avec l’inscription horizontale : « concedo nulli » (« Je ne cède à personne »). Aux contemporains qui lui reprochaient sa présomption, Erasme répliquait que « ce n’était pas lui qui parlait mais le Dieu antique de la frontière », rappelant que « la dernière heure est proche ». Erasme reconnaissait ainsi au tableau d’Holbein un certain pouvoir d’expression, chose d’autant plus surprenante que l’humaniste s’était toujours montré sceptique à l’égard de la peinture : contrairement à l’écrit, l’image, dans la tradition platonicienne, dissimule la vérité de par sa nature sensible.
Cependant, ce tableau, dans la mesure où il s’exprime ici à la première personne, s’apparente à un véritable objet de culte. La distance entre l’observateur et la toile est donc brouillée. Nous avons déjà constaté, d’ailleurs, en étudiant l’anamorphose du crâne, que la rupture de la frontière esthétique est également propre à Holbein.
Le Terminus, mi-homme mi-sculpture, se situe à la rencontre entre le clair et l’obscur, la vie et la mort. Une bande de lumière l’éclaire d’en haut et anime sa figure sur un fond ombragé. L’homme tourne son regard vers cette source de lumière surnaturelle.
Les portraits de Gisze et de Warham, ainsi que le Terminus d’Erasme, illustrent donc l’importance, tant formelle que fondamentale, du jeu sur l’ombre et la lumière. En ce sens, Les Ambassadeurs ne constituent nullement un cas isolé dans l’œuvre de Holbein.
Un des acquis principaux de l’invention de la perspective à la Renaissance est l’ouverture de l’arrière-plan. Cependant, Holbein préfère mettre l’accent sur le premier plan, dans Les Ambassadeurs avec la figure de l’anamorphose, ou dans le Portrait de la famille Meyer avec le tapis ondulant.
Dans ce tableau de l’autel du bourgmestre de Bâle, qui représente Jacob Meyer Zum Hasen (au Lapin), les membres de la famille sont réunis autour de la Vierge pour implorer sa protection.