Des bruits assourdissants résonnent dans sa tête, Délila se cache sous les couvertures, ramenant son coussin sur elle, mais rien n’y fait, c’est comme si on frappait… Elle se redresse d’un bond, réalisant que ce qu’elle entend depuis un moment, c’est quelqu’un qui toque à la porte. Elle quitte le lit en enfilant sa robe de chambre en soie et descend jusqu’à l’entrée. Elle pose sa main sur la poignée et ouvre la porte avant de pousser un cri. Tout se passe très vite, ne laissant même pas à Délila le temps de réagir. Quelqu’un la saisit et la conduit à l’écart du soleil qui était en train de lui brûler littéralement la peau.
Comment a-t-elle pu oublier sa condition ?
Elle tente de reprendre ses esprits au milieu de la cuisine et lève ses yeux sur celui qui l’a sauvée d’une mort certaine.
Sulli. À moitié vêtu.
– Tu es en train de guérir, informe-t-il. Mais qu’est-ce qu’il t’a pris ?
Elle a oublié. En se réveillant, Délila ne se souvenait plus des horribles évènements de la veille.
– Le soleil est ton ennemi, tâche de t’en souvenir !
– Puis-je entrer ? demande Anaïs.
Sulli n’adresse aucun regard à l’intruse, laissant son attention sur Délila qui semble désorientée.
– Viens, Anaïs, autorise la journaliste en se demandant si l’odeur du sang de sa meilleure amie sera une tentation.
Elle aimerait décrocher ses yeux du torse séduisant du vampire, mais n’y parvient pas. Elle aimerait lui hurler de s’en aller, mais là encore, elle n’y arrive pas. Sans son intervention, elle ignore ce qu’il serait advenu. Aurait-elle brûlé ? Elle ne sait pas comment cela se passe et il faut absolument qu’elle comble ses lacunes.
– Oh, Délila ! articule Anaïs avant de la prendre dans ses bras, mettant ainsi fin à sa contemplation de Sulli. Comment te sens-tu ?
– Ça va, assure-t-elle en s’écartant de son amie.
– Je peux te laisser ? questionne Sulli. Tu ne vas pas lui sauter dessus ?
Délila le fixe méchamment. De quel droit doute-t-il d’elle ainsi ? Comme si elle allait se nourrir d’Anaïs !
– J’aimerais effectivement que tu dégages !
Le vampire serre les poings avant de disparaître telle une bourrasque.
– J’ai vu juste, comprend Anaïs.
– De quoi parles-tu ? Tu veux un café ?
La jeune femme se dirige vers la cafetière et prépare un café dans le silence, jusqu’à ce qu’elle pivote pour regarder Anaïs.
– Il t’a transformée, lance cette dernière.
Bastian l’avait effectivement informée qu’il pensait qu’Anaïs avait compris ce qu’il se passait, il avait vu juste. Délila n’opte donc pas pour un mensonge et acquiesce d’un hochement de tête avant de fondre en larmes.
Sans peur, Anaïs se précipite sur son amie pour la consoler. Elle brûle d’envie de connaître les détails de sa transformation, mais ne pose aucune question, persuadée que cela serait trop douloureux à revivre pour Délila.
Elles restent ainsi, dans les bras l’une de l’autre, un long moment, jusqu’à ce que Délila prenne l’initiative de briser l’étreinte.
– Tu es sûre que ça va ? s’inquiète Anaïs.
– Je ne voulais pas devenir comme lui, peste-t-elle.
– Tu veux qu’on en parle ?
– Il n’y a rien à dire. Il ne m’a pas laissé le choix et m’a tuée.
– Je suis désolée.
– Je ne lui pardonnerai jamais.
Anaïs aimerait l’aider à aller mieux, mais ignore comment s’y prendre. Son amie semble tellement fragile en cet instant. Sa transformation a dû la fatiguer, à moins qu’elle ne l’ait complètement détruite.
– Ton ami le vampire devait m’appeler, et comme il ne l’a pas fait, je suis venue. J’ai pris ma journée. Que veux-tu faire ?
– Mes options sont assez restreintes.
– On peut parler si tu veux.
– Avec Sulli qui écoute tout ce que je dis ? Non, merci.
– Tu es fâchée après lui, et je te comprends, mais il me semblait que…
– Fâchée est un euphémisme ! Je suis enragée ! Il a balayé ma vie du revers de la main ! Il a bousillé mes rêves sans aucune possibilité de retour ! Il m’a tout pris. Et tu veux que je te dise… je suis obligée de me nourrir sur lui, mon compagnon. Je déteste cette situation ! Je déteste devoir rester ici ! Je déteste ce putain de vampire ! hurle-t-elle.
– Ouah !
– S’il ne le savait pas encore, maintenant c’est fait ! Il veut écouter ce que je raconte, il ne va pas être déçu, je te le garantis !
Délila ouvre l’un des tiroirs de la cuisine et en sort un calepin et un stylo. Elle inscrit quelques mots que Sulli ne pourra jamais connaître. C’est son seul moyen pour discuter avec son amie sans être espionnée.
Demande-moi de passer la soirée avec toi.
Elle le montre à Anaïs qui comprend instantanément la raison qui pousse Délila à agir ainsi.
– Toi, tu as besoin de te changer les idées ! Ça te dirait de passer la soirée avec moi ? On pourrait aller se promener.
– Ce serait super, mais je ne crois pas que j’aurai le droit de me balader en ville.
– On restera chez moi.
– Merci, ce serait vraiment… une bouffée d’air.
Anaïs s’empare du calepin et inscrit une question à son amie :
Que vas-tu faire ce soir ?
Délila esquisse un sourire avant de répondre :
J’irai chez moi pour voir Bastian.
Les yeux d’Anaïs s’écarquillent. Qui est Bastian ? Son ami vampire sans doute. Et que fait-il chez elle ? Elle le pensait ici, au château.
Devant sa stupéfaction, Délila répond à son amie :
Sulli l’a fichu dehors et je lui ai donné mes clefs.
Anaïs lui fait les gros yeux, pensant déjà connaître la raison de cette proposition.
– Tu me raconteras, réclame Anaïs.
– Je te dirai tout ce que tu veux ce soir !
La jeune femme répond par une moue boudeuse, sachant pertinemment qu’elle ne verra pas Délila et qu’elle ne saura rien.
– Je vais demander une carte SIM à mon bourreau, et je t’appelle plus tard pour qu’on organise notre soirée. J’ai hâte d’y être ! J’ai besoin de parler.
– Ouais ! J’imagine, soupire Anaïs avant de rouler des yeux.
– Quoi ?
Comment se fait-il que tu aies tant envie de retrouver Bastian ?
Délila sourit, mais ne répond rien, se contentant de hausser les épaules.
– Bon, j’attends ton appel ! déclare Anaïs avant de gagner la porte d’entrée.
– Compte sur moi, assure Délila en lui emboîtant le pas.
– Ne reste pas là, tu vas encore te blesser.
La nouvelle-née s’écarte pour ne pas sentir les rayons du soleil sur sa peau alors qu’Anaïs s’en va après un signe de la main.
Désirant une nouvelle carte SIM et l’autorisation de sortir ce soir afin de ne pas voir Sulli débarquer chez elle fou de rage, Délila monte à la chambre du vampire. Elle essaye de se maîtriser, sachant qu’elle ne doit pas hurler ou s’énerver si elle veut obtenir ce qu’elle désire. Elle frappe à la porte et entre lorsque Sulli le lui dit.
– J’ai quelque chose à te demander, l’informe-t-elle en s’adossant au chambranle de la porte.
Il ricane, presque hautain.
Délila a l’impression de le revoir lorsqu’il s’en prenait sciemment à elle avant de l’hypnotiser, à l’apogée de sa méchanceté.
Elle imagine sans le moindre doute que c’est lié à elle et son rejet. Mais comment pouvait-elle réagir autrement ? À ses yeux, ce qu’il a fait est impardonnable.
– J’ai besoin d’une nouvelle carte SIM.
– Je t’en dois une, tu l’auras.
– Aujourd’hui ?
Il soupire devant son insistance.
– Je ne peux pas sortir en pleine journée, et je n’ai pas envie de faire plaisir à une femelle qui me déteste.
– Libre à toi. Je me débrouillerai.
Délila tente de se contenir du mieux qu’elle peut, ne voulant pas exploser de rage devant lui.
– Je voudrais passer la soirée avec Anaïs si tu es d’accord.
– Pourquoi tu me le demandes ?
– J’en sais rien, j’imagine que…
– Je n’ai aucune autorisation à te donner, que ce soit en tant que créateur ou compagnon. J’aimerais que l’on discute ce soir, mais fais comme tu veux.
– C’est trop tôt. Et je vois mon amie, ce soir.
Sans rien ajouter, elle quitte la chambre, elle ne s’était pas imaginé que cela puisse être aussi facile. Elle en est toutefois bien contente.
Ne pensant qu’à la perspective de rejoindre Bastian dans la soirée, Délila passe une agréable journée, même si elle se sent seule et perdue. Elle se console en pensant à ce soir, à tout ce qu’elle va apprendre, notamment à fermer son esprit à Sulli.
Ce qui la rendra indépendante de lui. Libre.
Elle pourra faire tout ce dont elle a envie et penser sans avoir peur qu’il l’espionne. Enfin, elle retrouvera son jardin secret… Et elle sait exactement ce qu’elle fera quand elle maîtrisera cette nouvelle compétence.
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