Si Délila était encore humaine, elle n’arriverait plus à respirer. Jose la serre vraiment trop fort pour son corps de nouvelle-née et ses longs ongles dans sa gorge sont faits pour lui déplaire. Elle est juste terrorisée et ne peut effectuer le moindre mouvement.
– Lâche-la ! intime Sulli.
– Sinon quoi ? Tu n’es pas en position de négocier, réplique Josephte.
– Lilith veut la voir morte, informe Rosalie, radieuse, et je vais lui faire ce plaisir.
Quand Rosalie s’approche de Délila, Sulli lui bondit à nouveau dessus, l’empêchant de l’atteindre. Il la frappe au visage quand Jose retient son attention.
– Libère Rosalie ou je brise le cou de ta femelle.
Écœuré de devoir renoncer et se plier à ses règles, il obéit et lâche Rosalie, qui époussète sa longue robe noire en se levant.
– Tu n’as pas le choix ! Ton destin est d’être malheureux… peut-être qu’un jour elle jettera à nouveau son dévolu sur toi, ricane Rosalie, satisfaite.
– Je maudis ce jour qui n’arrivera jamais, crache le vampire.
Il reporte ensuite son attention sur Délila. Elle est en proie aux trois vampires et, seul, il n’arrivera pas à la secourir sans risquer que l’un d’eux la tue. Mais il ne les laissera pas l’emmener.
– Tue-la devant lui, décide Narcisse, jubilant extérieurement.
Rosalie soulève sa robe et attrape le pieu en bois dissimulé dans sa botte. Elle s’amuse avec sous le regard ahuri de Sullivan et s’apprête à l’enfoncer dans la poitrine de Délila, lorsque celle-ci est tirée en arrière après la disparition de Josephte. Médusée, Rosalie constate qu’on a coupé la tête à sa compère pour sauver la nouvelle-née. En levant les yeux, elle perçoit que l’agresseur n’est autre que Bastian.
– Pourquoi ? demande-t-elle, attristée, les larmes aux yeux.
L’action du vampire est un réel mystère pour elle qui le croyait faisant partie des leurs.
– Tu vas trop loin, Rosalie. Délila est mon amie, répond Bastian.
Déçue plus qu’en colère, elle est incapable de savoir quoi dire ni comment réagir. Elle pose ses yeux sur Narcisse qui semble aussi bouleversé qu’elle.
– Allez-vous-en maintenant, réclame Bastian.
Rosalie croise le regard de Sullivan, satisfait. À cet instant, elle hait celui qu’elle avait appris à apprécier… à aimer. Elle le tient pour responsable de la mort de Jose, sa chère amie et confidente depuis des décennies. Elle le maudit. Son regard ne reflète que la haine, et gonflée par cette rage, elle se jette sur le vampire arrogant pour lui planter le pieu dans la poitrine avant de disparaître, suivie par Narcisse.
Sullivan s’écroule instantanément, ne sentant même pas la douleur, juste une terrible sensation de froid l’envahir.
– Sulli ! s’écrie Délila avant de se jeter sur le sol auprès de lui.
Les larmes roulent sur ses joues alors qu’elle pose sa main sur le pieu pour l’extraire de sa poitrine. Elle le jette ensuite sur le bitume, sous les yeux impuissants de Bastian qui réalise l’attachement de la femelle qu’il aime à son créateur.
– Regarde-moi, réclame-t-elle, paniquée.
Il n’effectue aucun mouvement, ses yeux sont clos, il semble… mort.
– Bastian ? Que puis-je faire ?
L’intéressé s’approche, puis s’accroupit.
– Il va reprendre connaissance, ne t’inquiète pas.
Elle sait qu’il ne peut pas mourir d’un pieu dans le cœur pour avoir déjà essayé ce procédé avec lui, néanmoins, elle ne peut s’empêcher d’avoir peur pour lui.
– Je pourrais peut-être lui donner du sang, suggère-t-elle.
– Quand s’est-il nourri pour la dernière fois ?
Délila rive ses yeux à ceux de Bastian, se sentant piégée, constatant qu’elle ne peut plus reculer et doit dire la vérité. Pour le bien de Sullivan.
– La nuit dernière, répond-elle en baissant les yeux.
– Je vois, marmonne-t-il, déçu. Il n’a pas besoin de ton sang dans ce cas.
Bastian se redresse et s’en va sans rien dire de plus.
– Que fais-tu ? Attends ! le retient-elle en se redressant à son tour.
– Tu n’as pas appelé, peste-t-il en pivotant, tu n’as même pas répondu à mon appel ! Et pourquoi ? Parce que tu étais en compagnie de ton mec !
– Arrête ça ! J’allais chez Anaïs, assure-t-elle en s’approchant de lui. Bastian, écoute-moi, réclame-t-elle alors qu’il s’éloigne encore.
Il s’immobilise finalement et accepte d’entendre son explication.
Elle lui raconte la vérité sur ce soir et sur la veille, quand Sulli s’est nourri d’elle et elle de lui.
Le vampire est horrifié de l’apprendre, pas parce qu’il déteste l’idée qu’elle boive le sang d’un autre – bien que ce soit vrai, mais dans son cas, c’est plus par nécessité que par choix –, mais bien parce qu’elle lui a menti. Elle l’a quitté la nuit dernière pour aller se nourrir et n’a pas eu le courage ou la décence de le lui dire.
Anxieuse, Délila attend la réaction de son amant.
– Délila, articule difficilement Sulli.
Revenant brusquement sur Terre, la jeune femme se souvient de l’agression et retourne au chevet de Sulli, alors que Bastian choisit de quitter les lieux.
– Tu vas bien ? questionne-t-elle en s’accroupissant.
– Ça va.
Elle regarde l’endroit où a été enfoncé le pieu ; la plaie est guérie. Elle aide alors le vampire à se relever.
– Où est Bastian ? demande-t-il en regardant autour de lui.
– Il est parti.
Cette réponse le conforte dans ses suspicions, elles sont fondées. Sans quoi, son ancien ami serait resté.
– Tu souhaites toujours aller chez ta copine ?
– On va rentrer, décide-t-elle, je vais la prévenir.
Elle attrape son téléphone dans sa poche, constate que Bastian a mis fin à la communication et appelle Anaïs pour l’informer qu’elle ne viendra pas.
– Pourquoi ? demande-t-elle, déçue.
– Sulli et moi on s’est fait attaquer par des vampires.
– Oh mon Dieu ! Vous allez bien ?
– Oui, je te raconterai tout. Mais là, il a besoin de se reposer, et moi d’apprendre à me défendre.
– Je comprends. À très vite.
– Oui.
Délila met fin à la communication en réalisant que ce qu’elle dit est faux : elle a déjà appris à se défendre, avec Bastian, au moment où elle était la proie des chasseurs. Mais ce soir, elle était si tétanisée qu’elle n’a pas pu mettre ses cours en pratique. Sulli a raison, elle ignore tous des dangers qui rôde, elle est si naïve en se croyant invulnérable alors qu’elle ne l’est pas.
Ils retournent au château en quelques secondes grâce à leur vitesse vampirique. Cette fois, hors de question de prendre de risque, surtout qu’il y aura des représailles, ils en sont conscients l’un et l’autre.
Délila s’assoit sur le canapé après avoir retiré sa veste, encore sous le choc des évènements de la soirée. Il va falloir qu’elle mette de l’ordre dans ses idées, surtout en ce qui concerne Bastian.
– Est-ce que tu vas bien ? s’intéresse Sulli en s’asseyant auprès d’elle.
– Ça ira, ne t’en fais pas.
Justement non, il s’inquiète pour elle. Il pose sa main sur la sienne qu’il serre, sans se heurter à un refus. Au contraire, la jeune femme semble apprécier le contact.
– Ils reviendront, articule-t-elle.
– On les recevra.
– Lilith pourrait les accompagner.
– Eh bien, qu’elle vienne ! Je ne laisserai personne te faire de mal.
– Tu dis ça, mais regarde ce soir… j’aurais pu me faire tuer.
– N’y pense plus.
Il s’approche jusqu’à la frôler et la prend dans ses bras, caressant affectueusement ses cheveux.
Pour la première fois depuis longtemps, Sulli se sent bien. Il entrevoit l’espoir que tout ne soit pas fini avec sa compagne. Il dépose un baiser sur sa tête, continue de caresser son dos, la sentant s’abandonner contre lui.
Puis il pense à Bastian ; bien sûr, il n’est pas certain de la relation qu’entretient le vampire avec Délila, mais si c’est lui qu’elle va voir toutes les nuits, il doit bouillir de rage de s’être fait repousser ainsi ce soir. Il sourit, satisfait, en y repensant.
– Tu dors, ma belle ? souffle-t-il en effleurant son visage de ses lèvres.
– Non.
– Tu te remets, comprend-il.
– Il faut que tu m’apprennes à me défendre.
– Bien sûr.
Elle se redresse pour le regarder, restant toutefois très proche de lui.
– Bastian l’a fait quand tu es parti, mais j’étais humaine… et c’était différent, raconte-t-elle en repensant au baiser qu’elle a volé à son entraîneur lors de l’un des cours.
Elle se sent morose en se remémorant le chagrin dans ses yeux avant qu’il ne s’en aille, sans doute déçu par son comportement.
– En tant qu’humaine, commence Sulli, la sortant de ses pensées, il est impossible de se défendre face à un ou plusieurs vampires, par contre, maintenant réalisable.
– Ce n’est pas l’impression que j’ai eue ce soir !
– C’est parce que tu ne savais pas comment t’y prendre, et moi non plus, d’ailleurs. On oublie tout quand la vie d’une personne chère est en jeu.
Oh ça, elle l’a déjà remarqué. Il lui conte de belles paroles alors qu’il n’a pas su se maîtriser au moment le plus crucial, et il lui a pris sa vie, même si quelque part elle n’est pas réellement morte puisqu’encore de ce monde.
– Je vais t’expliquer deux ou trois choses.
Sullivan lui parle de sa vitesse vampirique et de sa manière de l’utiliser pour se sortir des situations périlleuses. Mais pas seulement, de sa force aussi, dont elle pourrait tirer avantage. Elle est capable d’extraire un cœur mort de vampire de sa cage thoracique. Elle déglutit en s’imaginant la scène, toutefois, elle est contente de l’apprendre, car elle n’imaginait pas se promener partout avec un pieu sur elle.
Après ce qui s’apparente à une leçon théorique de défense, le vampire caresse délicatement le visage de sa compagne, souhaitant qu’elle comprenne à quel point elle compte pour lui. Lentement, il approche son visage du sien, et quand leurs lèvres se frôlent, Délila s’écarte brusquement.
– Mais enfin, que fais-tu ?
Elle se met sur ses jambes pour s’éloigner du canapé alors que Sulli la regarde, incrédule.
– Ce n’est pas parce que j’étais inquiète pour toi ce soir que ça efface tout ! Rien n’a changé, je suis toujours en colère. Je t’en veux pour ce que tu m’as fait ! Je ne te le pardonnerai pas !
– Tu n’essayes même pas, peste-t-il, fâché et humilié qu’elle ait pu le repousser.
Il a raison sur ce point et Délila le reconnaît volontiers : elle n’essaye pas. Mais c’est simplement parce qu’elle n’en éprouve aucune envie. Sa colère envers lui la dévore plus qu’elle ne devrait. Elle avait confiance en Sulli, foi en lui, et il n’a pas hésité à la trahir. Comment pourrait-elle lui pardonner cela ? Ou ne serait-ce qu’oublier ?
Elle n’y parviendra jamais.
Délila lui jette un regard de glace avant de monter se réfugier dans sa chambre.
Elle fait bien claquer la porte pour qu’il comprenne sa désapprobation et qu’il ne vienne pas jeter de l’huile sur le feu.
Après une vingtaine de minutes, la jeune femme se sent plus calme, elle saisit alors son téléphone et appelle Bastian. Ça sonne, mais il ne décroche pas, et elle tombe sur le répondeur. Chacune de ses tentatives a le même scénario. Elle est alors persuadée qu’il lui en veut, ce qui serait plutôt logique. Toutefois, elle doit lui expliquer qu’elle n’était qu’inquiète pour son créateur et que cela ne remet pas en question ce qu’ils partagent, mais si le vampire s’obstine à ne pas décrocher son téléphone, elle ne le pourra pas. Il est hors de question pour elle de quitter le château, elle a bien trop peur de croiser le chemin de ses deux agresseurs encore vivants.
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