Chapitre 14

 

 

 

Délila inspire comme si elle était encore humaine en gravissant les marches des escaliers. Une fois au second étage, elle se demande si l’idée est finalement bonne, puis elle se surprend à espérer que Sulli soit absent.

Rassemblant son courage, elle marche jusqu’à la porte de la chambre du vampire. Sentant que si elle ne le fait pas sur le champ elle ne le fera jamais, elle frappe à la porte.

Rien.

Se pourrait-il qu’on l’ait entendu ? Que le vampire ne soit pas là ? Elle ne ressent pas sa présence, mais en même temps, elle n’arrive pas à savoir lorsque l’un de ses congénères est proche ou non.

Elle frappe à nouveau et obtient le silence pour seule réponse.

Désirant en avoir le cœur net, elle pose sa main sur la poignée et ouvre la porte, jetant un rapide coup d’œil dans la pièce pour constater que son flair lui fait défaut : le vampire est bien présent ! Figé telle une statue de marbre devant la fenêtre qui donne sur l’avant du château, il l’a donc vue arriver.

Ne pouvant plus reculer, Délila ferme la porte après être entrée.

–    Sulli ? l’appelle-t-elle d’une voix tremblante.

Il ne répond pas.

Elle décide alors de s’approcher, désirant poser sa main sur son bras pour le faire pivoter, mais craignant sa réaction si elle le touche.

–    Parle-moi, réclame-t-elle.

–    Tu m’as trahi, murmure-t-il en faisant volte-face, les traits ravagés par le chagrin comme jamais elle ne l’avait vu.

Cette vision se fraye un chemin jusqu’à son cœur, qui se brise en mille morceaux.

–    Je te demande pardon, articule-t-elle avec difficultés, ce n’était pas mon intention.

Il garde le silence, lui donnant l’impression de réfléchir à ces mots alors qu’il n’en est rien. Sulli tente de maîtriser sa colère et de rester calme. Il ne tolère pas la trahison.

–    Quand comptais-tu me dire que tu te tapais mon ancien ami ?

Elle déglutit à cette question posée calmement, mais aux effets tranchants.

–    Je ne sais plus où j’en suis, confie-t-elle.

–    J’ai plutôt l’impression du contraire.

Elle aimerait pouvoir lui expliquer les choses comme elle les ressent, mais les mots refusent de sortir de sa gorge nouée, et elle a la sensation qu’il n’a aucune envie de converser avec elle ou d’écouter ses excuses.

Pleurnicharde d’humaine ! s’insulte-t-elle.

–    Je veux que tu t’en ailles. Tu n’as vraiment rien à faire ici.

Elle tente de retenir les larmes qui désirent s’échapper, ne voulant pas lui laisser le plaisir d’entrevoir le mal qu’il lui cause en cet instant.

–    Sulli… murmure-t-elle douloureusement.

Elle tend sa main vers lui, le suppliant intérieurement de faire un geste vers elle, mais il fait volte-face, lui tournant à nouveau le dos.

–    Je fais un gros effort pour ne pas m’énerver…

La jeune femme en a conscience, mais elle refuse que cela se termine ainsi. Il doit comprendre pourquoi elle s’est tournée vers Bastian, même si la vérité lui fait mal, il doit savoir que la colère qu’elle éprouve pour lui occulte son amour, mais qu’il est toujours présent. Elle doit le lui dire.

–    Je te supplie de m’écouter. Après, si tu le veux toujours, je partirai.

Il serre les poings devant son entêtement qui pourrait lui coûter cher, mais elle n’a jamais reculé devant lui, alors pourquoi l’aurait-elle fait ce soir ?

–    Tu m’as laissée et je n’avais personne vers qui me tourner, commence-t-elle, contente de voir qu’il la laisse parler.

Mais elle se rend vite compte que c’était une erreur quand le vampire virevolte pour bondir sur elle, la plaquant fermement contre le mur, trois mètres derrière elle.

–    Je t’ai dit de PARTIR ! hurle-t-il.

Cette fois, elle n’arrive plus à retenir ses larmes, mais cela n’émeut pas le vampire dont les yeux brûlent de colère. Délila réalise alors que son incartade avec Bastian lui a vraiment fait mal.

–    Pardonne-moi, réclame-t-elle en levant une main vers lui pour effleurer ce visage qu’elle affectionne.

Sullivan la repousse, ne souhaitant avoir aucun contact avec elle. Mais comme la jeune femme ne semble pas décidée à s’en aller, il compte l’y aider. Il s’écarte d’elle, seulement d’un mètre, incapable de lire en elle pour savoir ce qu’elle pense. A-t-elle peur ? Ce n’est pas ce que ses yeux reflètent en tout cas. Il semble qu’elle soit sincèrement désolée, mais il ignore pourquoi. Que veut-elle exactement ? Qu’espère-t-elle en venant ici ? Toutefois, il ne posera aucune question, décidé à se protéger d’elle, de celle qui lui a fait tant de mal. Quand il repense à ses années avec la démone, ce n’était rien en comparaison avec ce que Délila lui a fait subir. En quelques mois, elle a su le briser complètement, le détruire comme jamais personne n’y était parvenu, pas même Lilith en une centaine d’années.

Mais c’est fini. Il va y mettre un terme dès à présent, sans aucune chance de retour en arrière.

Pas de rédemption pour les félons ! Et la traîtresse va l’apprendre à cet instant, à ses dépens. Rien ne l’atteindra, lui, car il n’est plus maître de sa colère.

–    Tu n’es qu’une salope ! Tu veux qu’on discute ? On va le faire. Je vais te dire tout le bien que je pense de toi ! décide-t-il.

Délila n’arrive pas à retenir davantage ses larmes et n’essaye même plus.

–    Je te faisais confiance, je t’aimais comme jamais je n’avais aimé de toute mon existence. Je t’aurais tout donné, Délila. Je te croyais quand tu me jurais qu’il ne se passait rien avec Bastian. Je voulais sincèrement me remettre avec toi, réparer le mal que je t’ai fait… C’est dégueulasse ! Ce que tu m’as fait c’est… indigne de toi. Je ne veux plus te voir. Je ne te fais plus confiance et ne souhaite plus mettre ma vie en danger pour protéger la tienne.

La jeune femme ne réplique rien, pleurant maintenant à chaudes larmes, se laissant glisser le long du mur, incapable de rester debout.

–    Par… don, hoquette-t-elle.

–    Même pas dans une autre vie, peste-t-il avant de sortir de la pièce avec précipitation, claquant la porte au passage.

La jeune femme, complètement anéantie, pleure de plus belle.

Elle ignorait à quoi s’attendre en venant ici pour parler à Sulli, mais pas à cela, c’est certain.

Il vient de lui briser le cœur.

Encore.

Il se passe plus de quatre heures avant qu’elle ne réussisse à se mettre sur ses jambes et à quitter la propriété, rentrant chez elle à pied, malgré le danger qui l’importe peu en cet instant. Tout ce qui l’inquiète, c’est le ravage qu’ont fait les mots de Sulli sur son visage et la réaction de Bastian quand il le saura.

Elle n’imagine pas supporter une autre scène, un autre affrontement. Elle aspire au calme et à l’apaisement du sommeil.

  

 

 

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