Chapitre 15

 

 

 

Délila pousse la porte de chez elle avec appréhension, et elle sent qu’elle avait raison de s’inquiéter quand la voix de Bastian retentit, pleine de reproches :

–    Mais enfin, où étais-tu ? J’ai appelé sur ton téléphone et tu n’as pas répondu, j’ai même demandé à… Délila, est-ce que ça va ? s’inquiète-t-il soudain en percevant sa mine affligée.

–    J’ai vu Sulli, annonce-t-elle.

–    Il a été odieux, comprend-il.

Elle acquiesce d’un hochement de tête.

Bastian parcourt alors la distance les séparant et la serre dans ses bras.

–    Je suis désolé, ma jolie.

Il l’est sans doute, d’après elle, mais aussi et surtout rassuré que son créateur soit sorti de sa vie une bonne fois pour toutes.

–    Dis-toi que c’est un mal pour un bien. Maintenant, tu es libre de faire ce qu’il te plaît.

Ce qui n’est pas fait pour lui déplaire !

–    Tu veux m’en parler ou on discute de ton rendez-vous avec ton patron ?

Elle s’écarte légèrement de lui pour lui dire que l’idée plaît à Claude et qu’elle doit écrire le premier chapitre avant qu’il en parle au grand chef.

–    Je suis content pour toi. J’espère que tu te sentiras mieux avec ce nouveau projet.

Elle y réfléchit un instant et le pense vraiment, tout devrait s’arranger dorénavant, et pas seulement à cause de son nouveau projet, mais bien parce que Sulli a définitivement tourné la page avec elle.

Elle peut se concentrer sur sa vie et faire les choses dont elle a envie.

–    Est-ce que tu vas venir vivre ici… avec moi ? questionne-t-il timidement. Ou peut-être que veux-tu que je parte ?

–    Non ! Tu peux rester.

–    Et toi ?

–    Je vais rester aussi, répond-elle en esquissant un sourire.

Elle n’a de toute façon pas le choix, Sulli ne désire sans doute plus la voir au château, d’ailleurs qu’y ferait-elle maintenant que tout est terminé ?

–    Tu veux qu’on aille récupérer tes affaires ?

–    Pas pour le moment. Je ne veux pas tomber sur lui.

–    Je peux y aller seul.

–    Non, je… ne veux rien oublier.

–    Très bien. Dans ce cas, quand tu te sentiras prête, je donnerai rendez-vous à Sulli en prétextant vouloir discuter et tu profiteras de son absence pour y aller.

–    Merci.

Bastian caresse tendrement son visage. Il est content de la tournure que prennent les choses, même si rien n’est encore certain en ce qui concerne leur avenir. Il ignore ce que veut réellement Délila, elle a été si éprouvée dernièrement qu’il lui laisse le temps de se remettre, espérant qu’elle perdra ses manières et réactions d’humaines.

–    Tu comptes te mettre à écrire maintenant ?

–    J’aimerais bien.

–    D’accord, je vais m’installer devant la télé. Figure-toi que ça fait des siècles que je ne l’ai pas regardée !

Elle lui lance un regard amusé, qui le fait sourire et avouer qu’il exagère un peu.

Après avoir déposé un baiser sur ses lèvres, il s’empare de la télécommande et s’allonge sur le canapé avant de redécouvrir les joies du zapping.

Délila ne peut s’empêcher de sourire en l’observant, puis elle lève les yeux au ciel lorsqu’il laisse une chaîne diffusant un combat de catch. Elle s’assoit alors au bureau dans le coin de la pièce et ouvre son ordinateur en se demandant par quoi elle va commencer. La soirée où elle a rencontré Sulli ? Ou faire un premier chapitre sur sa vie avant de croiser le chemin du vampire ?

Elle opte finalement pour une vie sans vampire, une vie où tout était simple, une vie où elle vivait… tout simplement. Durant ce premier chapitre, elle met à plat tout le bien-être qu’elle ressentait, l’amour qu’elle éprouvait pour son métier, sa joie de sortir boire un verre avec ses collègues et amis, et son antipathie pour son exécrable patron qu’elle trouvait bien trop décidé à récolter les lauriers du travail de son équipe éditoriale.

Comme les choses ont bien changé depuis !

Cependant, elle refuse d’y penser. Cette nuit, c’est sa vie passée qu’elle raconte, sa vie avant qu’un vampire n’y entre et détruise tout sur son passage, à commencer par son cœur.

Bastian rit plus d’une fois en regardant l’écran plat, il avait oublié à quel point c’est divertissant. Il lance aussi plusieurs coups d’œil à la jeune femme qui frappe inlassablement les touches du clavier, la devinant très inspirée. Il espère sincèrement que son projet aboutira, car il la veut heureuse et épanouie, ce qu’elle n’est pas en ce moment. Il aimerait l’aider, mais ignore comment s’y prendre, alors il choisit de laisser faire le temps et de répondre présent si elle lui demande quelque chose.

Le vampire est heureux qu’elle revienne vivre ici, chez elle, avec lui. Ainsi, il n’aura plus à la partager – d’une certaine manière – avec l’un de ses congénères, pour qui il n’éprouve plus aucun sentiment amical. Sulli aime peut-être la jeune femme, mais il passe son temps à la mettre en danger – malgré lui, il le sait, mais c’est tout de même intolérable. Délila mérite d’être heureuse et en paix, et non traquée par une démone qui ne souhaite que nuire à Sulli. Toute cette histoire ne concerne pas Délila, et Bastian a bien l’intention de faire en sorte que cela continue.

Quand il remarque la jeune femme adossée à son siège, il se risque à l’interroger, pensant ne pas la déranger :

–    Tu as terminé ton premier chapitre ?

–    Oui. J’ai… j’ai raconté comment était ma vie avant que je ne rencontre Sulli.

–    C’est une bonne manière de commencer. Pourrais-je le lire ?

Elle tourne la tête pour le regarder, surprise par sa requête. Elle ne pensait pas qu’il s’intéresserait réellement à ce qu’elle écrirait, à sa vie passée.

–    Avec plaisir, répond-elle. Mais je dois encore le retravailler.

–    Fais à ton aise, mon cœur, dit-il avant de lui décrocher un magnifique sourire.

Satisfaite, la jeune femme replonge dans ce premier chapitre qui, elle l'espère, sera prometteur. Elle prend aussi quelques minutes pour rédiger un synopsis afin que le directeur du Journal sache de quoi parlera son histoire.

Puis, à l’aube, le couple se glisse entre les draps du grand lit de l’unique chambre. Très porté sur le sexe, Bastian engage rapidement les préliminaires, faisant chavirer celle qu’il affectionne jusqu’à ce qu’elle se laisse aller entre ses bras puissants.

Délila se donne à son amant avec plaisir, leur étreinte efface tous ses mauvais souvenirs, toutes les horribles choses qui se déroulent en elle et dans sa vie en ce moment… elle oublie tout. Son seul regret, c’est que cela ne soit que temporaire. Quand le vampire la prend dans ses bras pour s’endormir, elle se sent de nouveau mal… Elle n’arrive pas à expliquer ce qu’il se passe en elle, et le met sur le compte de sa nouvelle nature. Elle donnerait cher pour faire disparaître ce mal-être qui la ronge quotidiennement.

 

Les jours se suivent et se ressemblent. Délila passe ses nuits à écrire, et Bastian à découvrir de nouveaux programmes intéressants à la télévision. Il se passionne pour le catch, mais aussi pour les séries américaines, riant en voyant ce que les réalisateurs font des vampires.

Une semaine plus tard, Délila annonce enfin la bonne nouvelle à son amant : Claude a été emballé par son premier chapitre et l’a fait lire au directeur, qui lui accorde une rubrique hebdomadaire pour son histoire, ignorant bien sûr que c’est une autobiographie, pensant publier une simple fiction.

–    Je suis fière de toi, assure Bastian en la serrant dans ses bras.

–    Je vais continuer d’écrire, informe-t-elle avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

Le vampire la regarde, elle lui semble si heureuse en ce moment, il est content pour elle. Il espère que rien ne viendra miner son moral maintenant.

–    Oh ! gémit Délila.

–    Que se passe-t-il ? s’inquiète Bastian en s’approchant d’elle qui a les yeux rivés sur son écran d’ordinateur.

–    J’ai un mail d’Anaïs, elle veut savoir si j’ai trouvé un moyen d’être présente à son mariage.

Elle lui raconte qu’elle est son témoin et que la cérémonie a lieu en pleine journée.

Bastian semble désolé de l’entendre, surtout quand elle le supplie de trouver une solution pour qu’elle y assiste.

–    Je n’en connais aucune, mon cœur, répond-il en posant ses mains sur ses épaules, mais je peux essayer de t’aider.

–    Comment ? questionne-t-elle en se levant, l’obligeant ainsi à la lâcher.

–    Tu te souviens de la sorcière que je suis allé voir…

–    Bradie, l’interrompt-elle.

–    Je pourrais lui demander une incantation pour te permettre de supporter le soleil un moment.

La nouvelle-née se jette dans les bras du vampire en le remerciant, mais elle perd son sourire quand il lui annonce qu’il sera absent une bonne partie de la nuit, le temps du voyage.

–    Tu survivras à mon absence ? s’amuse-t-il.

Elle retrouve un léger sourire, lui assure que cela ira, car elle travaillera sur son chapitre suivant.

–    Alors j’irai demain.

La jeune femme acquiesce, même si elle appréhende de se retrouver seule. Il ne l’a pas laissée une seule fois depuis qu’elle s’est réinstallée chez elle.

 

 

 

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