Sullivan fait les cent pas dans sa chambre, se demandant pourquoi il a été aussi peu intelligent en engageant autant de frais dans les rénovations du château. Jamais il n’aurait dû croire en l’amour. Ce n’est qu’un leurre, il devrait le savoir depuis le temps. Il fait le serment que plus jamais on ne l’y prendra, ferme son cœur pour toujours et décide de reprendre sa vie au moment où il l’a arrêtée pour les yeux bleus d’une belle blonde.
Il soupire en sentant l’odeur de l’un de ses congénères, il n’a pourtant vu personne traverser la cour. À quoi doit-il s’attendre ? Des plaintes ou des représailles ?
– Nous avons des choses à nous dire tous les deux ! crie une voix qu’il a appris à détester.
C’est donc la seconde option, l’heure de la vengeance a sonné.
Sulli se retourne, déviant ses yeux de la cheminée éteinte pour les poser sur Lilith, superbement vêtue, belle comme un ange, fidèle à son image.
– Que veux-tu ?
– Pourquoi Jose ? demande-t-elle simplement.
La démone se déplace dans la grande chambre en admirant le changement qu’elle apprécie instantanément.
– C’est joli chez toi, j’aime beaucoup ce que tu as fait du château, il était temps. Bon, alors ?
– Je n’y suis pour rien, mais je suis sûre que Rosalie te l’a raconté.
– C’est Bastian, je sais. Je verrai ça avec lui. Cependant, c’est encore pour ton humaine, soupire-t-elle.
– Elle n’est plus humaine, vocifère-t-il, en colère contre lui-même.
– Ah oui, j’en ai eu vent aussi. Tu m’as menti lors de mon dernier passage ici.
– Ce ne serait pas la première fois, ricane-t-il moqueur.
– Que s’est-il passé pour cette… ta… enfin, la fille.
– À ton avis ? peste-t-il. Tu as très bien manœuvré, tu as eu ce que tu voulais, je l’ai transformée.
– Le problème vois-tu, Sulli, c’est que tu es amoureux d’elle. Tu…
– Ferme-la, Lilith ! Tu ne sais même pas de quoi tu parles !
– Où est ta protégée en ce moment ? J’ai son joli cou à briser et un magnifique pieu à enfoncer dans son cœur.
– Tu ne lui feras rien du tout.
– Ah oui, et pourquoi ça ?
– Parce que je te l’interdis. Elle ne fait plus partie de ma vie, tu as obtenu ce que tu voulais, alors laisse-la tranquille.
– Soit. Je vais te proposer un marché.
Le vampire soupire, persuadé qu’il ne va pas aimer ce qu’il va entendre. Mais il est néanmoins prêt à l’écouter.
– Je laisse la vie sauve à ta… progéniture…
Sulli déteste le mot qu’elle emploie, persuadé qu’elle le fait exprès, insinuant ainsi dans son esprit que la relation qu’il a… avait, avec Délila, était comme incestueuse.
– … à la condition que tu te remettes avec moi.
Le vampire la regarde d’abord avec étonnement avant de se mettre à rire du ridicule de la situation.
– Jamais, répond-il.
– En es-tu vraiment sûr ?
Le regard perçant de la démone lui fait froid dans le dos, il imagine très bien de quelle façon elle pourrait faire de la vie de Délila un enfer. Il refuse. Il s’en est déjà chargé, et ne souhaite pas d’alourdir la peine de la jeune femme.
– J’accepte, se résigne-t-il.
– Parfait ! Maintenant tu es à moi.
Sulli la laisse s’imaginer des choses, sachant pertinemment qu’il ne lui appartient pas et qu’il ne retombera jamais amoureux d’elle. L’était-il vraiment dans le passé ? Tout lui porte à croire que non, elle a dû le manipuler, il ne voit que cela.
– Approche, réclame-t-elle.
– Je suis très bien où je suis.
La démone fait alors quelques pas vers lui, puis plaque ses mains sur son pull moulant parfaitement ses pectoraux.
– Tu es toujours aussi sexy, souffle-t-elle en faisant glisser ses paumes jusqu’à son ventre.
Le vampire soupire, désirant la repousser mais bien conscient de ce que cela engendrerait. Il ne doit pas la contredire s’il ne souhaite pas voir ses menaces mises à exécution. Mais quand elle glisse ses mains chaudes sous son pull, caressant sa peau, c’en est trop pour lui : il la chasse.
– Que crois-tu faire ? peste-t-elle.
– Je ne veux pas de tes mains sur moi.
– Bien.
Satisfait qu’elle comprenne, Sulli s’apprête à sortir de la chambre quand elle le retient avec ces mots :
– Je n’aime pas qu’un homme ne comble pas mes désirs, alors si tu refuses de coopérer, je t’y contraindrai.
Le vampire s’arrête et fait volte-face pour la regarder.
– Fais-moi l’amour, mon chéri, minaude-t-elle en baissant la bretelle de sa robe blanche.
Il est conscient qu’il n’y parviendra pas, ne ressentant aucune envie d’elle naître en lui, mais a-t-il le choix ?
– Ce sera une façon de sceller notre accord, sans cela, je le déclarerai caduc !
Sullivan serre les poings en constatant qu’elle est prête à tout pour parvenir à ses fins.
La manipulatrice s’approche alors du mâle convoité, souriant, dévoilant une rangée de belles dents blanches. Elle est bien décidée à obtenir de lui ce qu’elle veut, mais le vampire ne semble pas enchanté par cette idée.
– Tu vas y mettre du tien, Sulli, sinon je risquerais de vraiment m’énerver. Je veux me sentir aimer, unique à tes yeux…
Il esquisse un sourire en pensant que pour se faire, il lui faudrait s’imaginer avec une autre femme, et la démone se méprend sur la nature de ce sourire, pensant qu’il lui est destiné.
– Je suis ravie de m’être bien fait comprendre.
Le vampire choisit de fermer les yeux afin de se concentrer sur l’image de Délila, pendant que Lilith le libère de ses vêtements. Elle caresse le mâle qui lui appartient, mais n’est pas satisfaite du peu d’entrain dont il fait preuve.
– Ouvre les yeux, intime-t-elle en faisant glisser sa robe le long de son corps.
Il obéit à contrecœur, insatisfait de devoir regarder une femme pour laquelle il n’éprouve rien. Il n’a jamais été porté sur le sexe, alors se retrouver dans cette situation avec elle qu’il répugne lui donne la nausée. Il n’arrive même pas à comprendre comment, à un moment donné, il a pu être attiré par la fille de son créateur.
Lui dévoilant rapidement sa nudité, Lilith fait ensuite glisser ses mains douces sur sa peau. Elle n’éprouve aucune attirance particulière pour le vampire, son seul le désir est de le voir souffrir à cause d’elle. Sulli a eu la mauvaise idée de tomber amoureux d’une autre femme qu’elle, pour cela, il sera puni éternellement.
La démone ne trouvera le repos que lorsque sa conquête sera morte. En attendant, elle ne veut en aucun cas voir cet homme heureux.
Elle le caresse, l’obligeant à en faire autant, puis l’attire sur le lit bien qu’il ait essayé de résister, ne souhaitant pas passer à l’acte ici, considérant cette chambre comme appartenant à Délila et lui. Mais Lilith est bien trop heureuse de pouvoir tout briser qu’elle refuse de changer de pièce et l’oblige à lui faire l’amour sur ce lit.
Aucune envie ne naît en Sulli, mais il est contraint de faire semblant, au moins un peu, pour que la femme qu’il tient dans ses bras la laisse tranquille. Ce sacrifice en vaut la peine si celle dont il est amoureux a une vie tranquille.
Ne désirant pas faire durer ce supplice trop longtemps, Sulli s’arrange pour y mettre rapidement un terme avant de quitter le lit, écœuré, pour se réfugier dans la salle de bain où il prend une douche.
Le vampire se savonne, se frotte avidement pour faire disparaître les traces de la démone sur sa peau, l’eau ruisselant en pluie sur son corps meurtri, se mêlant à ses larmes de tristesse. Comment a-t-il pu en arriver là ? Il n’a jamais été aussi malheureux ni aussi faible. Il n’arrive pas à se réconcilier avec la femme qu’il aime, sentant qu’il l’a perdue à jamais. La seule chose qu’il peut faire pour elle est de lui assurer une vie sans encombre, sans craindre les agissements de Lilith. C’est sa seule consolation.
Lorsqu’il a réussi à faire taire son chagrin, il sort de la douche et enroule une serviette autour de sa taille. Il passe sa main dans ses cheveux, désirant voir à quoi il ressemble dans le miroir, mais ne pouvant s’apercevoir. Il pense à investir dans un magic reflet, miroir reflétant les vampires. Il pourrait en offrir un à Délila, sans préciser d’où il vient, et en prendrait pour lui aussi. Ce n’est pas toujours facile de se raser sans regarder ce que l’on fait, même s’il est vrai qu’il a des décennies d’entraînement, mais cela lui manque de ne plus voir à quoi il ressemble.
– Tu n’es qu’une déception ! s’énerve Lilith en entrant dans la salle de bain.
Ravi de l’entendre. Dégage !
– Je vais t’apprendre à te moquer de moi ainsi !
Rugissante de colère, Lilith lève sa main, dirigeant sa paume sur Sulli. Ses yeux de feu brillent de flammes incandescentes alors qu’elle s’approche.
Il se recule jusqu’à se retrouver adossé au lavabo, pétrifié comme jamais devant cette main de feu qu’elle lui dévoile. Quelques secondes plus tard, elle la pose sur sa peau, le faisant hurler de douleur. La main de Lilith, imbibée de feu, est littéralement en train de lui brûler la chair. Il sait que si elle poursuit indéfiniment, il finira par en mourir.
Elle la retire, satisfaite de la terreur qu’elle lit dans les yeux du vampire, qui réalise réellement à qui il a affaire et de la blessure profonde qu’elle lui a infligée.
– Ne t’avise plus jamais de te moquer de moi. En aucun cas tu n’es avec moi pour sauver la vie de ta protégée. Suis-je claire ?
– Oui, articule-t-il avec difficultés.
– J’imagine que la dernière fois que tu t’es nourri, c’était sur elle.
– Oui.
– Sais-tu qu’à sa mort le lien vous unissant, faisant d’elle ta compagne, a été brisé ?
Évidemment, il se l’est pris en pleine figure par celui qu’il croyait être son ami et qui lui a volé la femme qu’il aime.
– J’attends !
– Oui.
– Parfait. Rejoins-moi dans la chambre.
Lilith quitte la pièce, satisfaite et souriante, alors que Sulli se laisse tomber sur le sol carrelé et attend que son corps se guérisse de lui-même. Il ignore ce qui l’attend dans la pièce à côté, mais connaissant la démone, il est certain qu’il ne va pas aimer. C’est elle qui lui a brisé le cœur il y a des décennies, c’est elle qui s’est joué de lui, et pourtant, c’est lui qui souffre à l’heure actuelle, subissant les foudres de la vengeance d’une femme qui n’a aucune raison, aucun droit, d’être aussi en colère. Elle ne l’a jamais aimé. C’est juste une histoire de jalousie. Elle est jalouse qu’il ait trouvé le bonheur auprès d’une autre, qu’il ne se morfonde plus pour la femme indigne qu’elle est…
Sulli se demande vraiment comment il va s’en sortir.
Lorsque la brûlure sur son torse a disparu, il se redresse, se passe de l’eau sur le visage et retrouve la sorcière – ainsi la nomme Délila – dans l’autre pièce.
– Je vais te délivrer d’elle, promet Lilith d’une voix compatissante.
Comme si elle savait ce que signifie ce mot !
– Aurais-tu une baignoire dans ce château ?
Sulli refuse d’imaginer pourquoi elle émet une telle requête, il serait bien loin de la réalité de toute façon.
– Dans la chambre d’à côté.
Elle lui ordonne alors de le conduire à cette pièce, ce qu’il fait, interdisant à son esprit d’anticiper les intentions de la démone.
La salle de bain est moins spacieuse que celle que Sulli s’est fait aménager dans la chambre, néanmoins, la grande baignoire ravit Lilith qui préfère ne pas salir le parquet ou les draps du lit qui seraient irrémédiablement fichus avec ce qu’elle s’apprête à faire.
– Tu n’auras pas besoin de ça, dit-elle en lui retirant la serviette qu’il porte.
Instinctivement, Sulli pose ses mains sur l’objet de sa virilité.
– Ton corps n’a aucun secret pour moi, ricane-t-elle en le voyant se cacher. Rentre là-dedans.
De son long doigt fin, elle lui désigne la baignoire. Sulli obéit, sachant très bien que s’il ne se montre pas docile, elle usera de ses pouvoirs sur lui et il n’a pas envie de souffrir encore. Il a dépassé son seuil de douleur ces derniers temps.
– Tu te sentiras mieux après, l’informe-t-elle en s’agenouillant à côté de la baignoire.
Elle caresse son visage où sa barbe est plus longue que d’habitude, comme si elle se souciait réellement de lui, mais il sait que c’est impossible.
Lilith n’a toujours pensé qu’à elle et il en sera constamment ainsi.
De nouveau, il perçoit des flammes dans ses yeux de feu. Sulli s’attend à ce qu’elle réitère son attaque précédente, mais il est bien loin du compte.
La mi-démone mi-vampire pose sa paume sur le torse du vampire, le brûlant comme précédemment, puis se redresse en se reculant, gardant sa main levée dans sa direction, étendant ainsi son champ d’action. Elle ne brûle pas seulement quelques centimètres de sa peau, mais toute sa peau, jusqu’à le faire saigner.
Sulli, qui serre les dents depuis quelques secondes, n’en peut plus et hurle de douleur. Il aimerait se soustraire à la magie de la démone, mais celle-ci est trop puissante et le maintient en place, le paralysant totalement.
Le vampire n’a jamais autant souffert de toute sa vie, au-delà des brûlures, il y a le sang qui quitte son corps, ses muscles qui s’atrophient, ses cellules qui meurent…
C’est la pire torture qui soit pour un vampire, le meilleur moyen de donner la mort…
Sulli est à la limite de l’inconscience quand Lilith met fin au supplice. Elle s’agenouille de nouveau auprès de lui, et passe précautionneusement sa main dans ses cheveux noirs.
– Ça va aller maintenant, murmure-t-elle.
Sulli est incapable de réfléchir ou d’émettre le moindre son ou mouvement, il se sent comme mort… Il aimerait l’être pour ne plus souffrir, pour ne plus avoir à vivre sans la femme qu’il aime.
Lilith fait apparaître ses crocs de vampire, puis mord dans son poignet avant de le tendre à Sulli qui n’en veut pas, souhaitant quitter ce monde au plus vite et sachant que s’il ne se nourrit pas d’elle, c’est ce qui lui arrivera dans les prochaines heures.
– Bois mon sang, exige-t-elle en lui collant le poignet sur la bouche.
Le refusant obstinément, Sulli se laisse glisser dans l’inconscience…
customer73262 Jimenez <customer73262@librairiedialogues.fr>