Délila a terminé la rédaction de son nouveau chapitre et décide de profiter de l’absence de Bastian pour aller chercher ses affaires chez Sulli. Elle n’imagine pas croiser le vampire, et même si c’est le cas, il ne se passera sans doute rien. Tout est clair, tout est fini.
Elle enfile une veste dont elle n’a pas besoin et sort de son appartement, se rendant chez Sulli à pied, guidée par sa vitesse vampirique.
Une fois devant le château, elle espère qu’il n’est pas là, mais ne s’attarde pas en réflexions et pousse la grille. La jeune femme se hâte ensuite de gagner la porte et d’entrer dans la demeure. Elle n’entend aucun bruit. Tant mieux.
Elle monte au premier étage et se glisse discrètement dans la chambre qu’elle occupait. Rien n’a bougé. Elle se hâte alors de remplir ses deux sacs de voyage, désirant repartir aussi facilement qu’elle est arrivée. Mais quand elle quitte la pièce, un sac dans chaque main, elle se fige. Sulli se tient devant elle, il est livide et semble sans vie ; s’il était humain, elle jurerait qu’il est malade. Mais il n’est pas seul, Lilith se tient à côté de lui, accrochée à son bras, souriante.
Délila ravale la boule qui se forme dans sa gorge. Elle ignore ce qui l’attend mais réalise que le vampire a retrouvé l’amour de vie, même s’il aurait bien besoin de se nourrir.
– Oh, Délila ! s’exclame Lilith. Tu viens nous dire bonjour ?
– Je suis venue récupérer mes affaires, répond-elle simplement avant de faire volte-face et de partir, sans encombre.
Elle n’y croyait pas.
La jeune femme est soulagée quand elle se retrouve dans la rue piétonne, loin du château, de Sulli, et surtout de Lilith. D’ailleurs, elle ne comprend pas comment Sulli a pu retomber dans ses filets après tout ce qu’elle lui a fait. Il doit sincèrement l’aimer. Dommage que cette sorcière en soit indigne !
Puis, en franchissant la porte de son appartement, une autre pensée se fraye un chemin en elle. Si Sulli est auprès de la démone, qui lui viendra en aide si elle décide d’attaquer ? Personne. Bastian n’est même pas là cette nuit !
Elle prend peur en imaginant que Lilith pourrait très facilement pénétrer chez elle et la tuer. Elle déglutit, décidant qu’elle doit agir si elle veut se protéger de cette créature. C’est alors que son esprit saugrenu pense à Antoine Tringle qui voulait installer une protection chez elle, une protection visant à empêcher l’accès de son appartement aux créatures de la nuit. Dont Lilith. C’est exactement ce qu’il lui faut. Elle doit se protéger de cette femme qui est la cause de son état, et qui ne s’arrêtera sans doute pas avant d’en avoir fini définitivement avec elle.
Sans réfléchir davantage, elle s’empare de son téléphone pour joindre son pire ennemi : Antoine Tringle.
– Dites-moi que je rêve ? Délila Nagar ! dit son interlocuteur après avoir décroché.
– J’ai besoin d’aide, murmure-t-elle
– Du genre ?
– La protection dont vous m’aviez parlé.
Il ne répond rien, comme s’il réfléchissait. Délila a terriblement peur qu’il refuse, alors elle insiste :
– Une démone est en ville et elle en a après moi.
– Lilith, annonce Antoine sans surprise.
Le chasseur connaît bien l’histoire de Délila maintenant, et au loin, il a eu le temps de trouver les puzzles manquants.
– Je serai là dans une demi-heure.
– Dans si longtemps ?
– Tentez de rester en vie jusque-là, conseille-t-il avant de raccrocher.
Elle pose le téléphone sur le meuble de la cuisine, étonnée qu’Antoine Tringle se remette à la vouvoyer. Peut-être qu’il n’est plus en colère contre elle et ne souhaite plus lui extorquer ses informations.
C’est alors qu’elle se souvient de l’enfer qu’elle a subi à cause de cet homme. Mais que lui a-t-il pris de l’appeler à la rescousse ? Elle est en train de penser qu’elle a commis une belle erreur. Mais avait-elle le choix ? Il vaut mieux avoir Tringle en ennemi plutôt que Lilith.
Elle essayera de se montrer coopérative et tout devrait bien se passer. Par contre s’il lui demande où vit son vampire que dira-t-elle ? Elle ne peut pas le livrer, cela reviendrait à livrer Lilith, celle avec qui elle ne veut pas d’ennui. Elle est coincée.
Pire encore, c’est un chasseur de vampire qui va venir chez elle, et elle est une vampire !
Une seule solution s’impose à elle, elle devra être coopérative jusqu’à ce qu’il installe la barrière, ensuite elle n’aura d’autre choix que de le tuer.
Elle soupire de son imbécillité. Dans quoi s’est-elle encore fourrée ?
Un peu plus d’une demi-heure plus tard, on frappe à la porte de Délila. La jeune femme est terrorisée à l’idée que ce soit Lilith, puis se rassure en pensant qu’elle n’aurait pas pris la peine de s’annoncer.
Sachant qu’elle doit garder ses distances avec le chasseur afin qu’il ne s’aperçoive pas de sa nature, elle reste cachée dans la cuisine en l’autorisant à entrer. Et là, elle se réprimande, oubliant qu’elle a aussi deux vampires à ses trousses et qu’elle pourrait leur avoir ouvert la porte de chez elle. Heureusement, c’est le chasseur qu’elle aperçoit ; elle se sent soulagée, mais il n’est pas seul, Yvan le suit.
– Vous êtes toujours vivante, constate Antoine. Vous vous souvenez d’Yvan ?
– Oui.
– Vous pouvez sortir de votre cachette.
– Je ne me cache pas.
Yvan referme la porte derrière lui en disant à la jeune femme qu’il connaît son histoire et la raison de leur présence ici cette nuit.
– On va vous poser cette protection, assure Antoine, ça ne prendra que quelques secondes.
Yvan sort un paquet de gros sel de son sac à dos, puis une fiole dont la jeune femme ignore le contenu.
– Une fois que ce sera fait, il faudra nous dire où trouver votre maître.
– Je l’ignore, il est parti depuis un moment. C’est en allant récupérer mes affaires chez une amie que j’ai vu la démone ce soir.
Elle désigne ses sacs pour appuyer son léger mensonge.
Antoine acquiesce d’un hochement de tête avant de lui demander ce que Lilith a contre elle.
Obligée de raconter une histoire proche de la vérité, Délila invente de s’être amourachée d’un homme qui appartenait à Lilith, racontant comment la jeune femme voit ses relations, de la façon dont Sulli le lui a conté.
Paraissant convaincu, Antoine ne la questionne pas davantage. Il laisse couler le sel devant sa porte alors qu’Yvan s’approche de Délila qui ne peut pas reculer.
– J’ai besoin d’eau, réclame-t-il en lui tendant un verre.
Elle le saisit sans effleurer ses doigts et le remplit avec celle du robinet avant de le lui rendre.
– Vous avez teint vos cheveux ?
Lui aussi se met à la vouvoyer ! Elle est surprise.
– J’avais envie de changement, répond-elle simplement.
– Ça vous va très bien.
Elle se force à sourire pour masquer sa peur alors qu’Yvan va donner le verre à son collègue.
Délila les regarde faire. Antoine répand du sel devant les fenêtres alors qu’Yvan y ajoute quelques gouttes d’eau. Elle ignore ce qu’ils font réellement, ni si cela fonctionnera, mais elle aimerait qu’ils aillent plus vite.
Yvan revient près d’elle pour qu’elle remplisse à nouveau le verre. Elle obéit.
– Vous me semblez bien nerveuse, constate-t-il en saisissant l’objet.
– J’ai une demi-démone à mes trousses, rappelle-t-elle.
Il esquisse un sourire en posant le verre sur le plan de travail, puis attrape une mèche de cheveux de la jeune femme qui tente d’échapper à ce contact sans y parvenir.
– Je t’ai toujours trouvée attirante.
Le voilà qui use de nouveau de familiarité avec elle. Elle déteste cet homme qui ne lui inspire rien de bon.
– Ça te dirait de passer un moment avec moi dans la chambre pendant qu’Antoine s’occupe de protéger ton appart ?
Quelle horreur ! Cette proposition la répugne.
– Pas vraiment, réplique-t-elle en tentant de garder le contrôle d’elle-même afin de ne pas lui dévoiler sa peur.
– Ne fais pas ta timide…
Il fait glisser son doigt jusqu’à son visage, caressant sa peau.
Délila a envie de le mordre, mais se retient. Elle aimerait bien le repousser, mais il ne vaut mieux pas qu’elle le mène à avoir des soupçons sur sa nature, alors elle joue la femme apeurée. Il y aura bien un moment où Antoine le sommera d’arrêter.
Il caresse ses lèvres, alors qu’elle garde obstinément la bouche fermée, son cou, faisant glisser ses doigts entre ses seins. À cet instant, elle veut le repousser, mais comme Antoine revient dans la pièce, elle ne fait rien, pensant qu’il viendra à son secours. Toutefois, il n’agit pas, ayant toutefois bien vu ce qu’il se passait. Alors Délila repousse la main du chasseur.
– Comment comptes-tu régler l’installation de la barrière ? demande Yvan sans se formaliser de son geste.
– Par chèque, répond-elle naïvement.
– Je ne prends pas les chèques, intervient Antoine en pénétrant dans la pièce. En tout cas pas les tiens, tu régleras en nature.
– Je n’ai pas d’espèce sur moi, rétorque-t-elle bien qu’elle soit certaine qu’il ne fasse pas allusion à ce mode de paiement.
Yvan et Antoine se mettent à rire. Délila se sent perdue.
Yvan se rue sur elle, plaquant une main sur sa bouche pour l’empêcher de crier, et de l’autre il arrache le chemisier qu’elle porte, dévoilant un soutien-gorge noir en dentelle.
Antoine se joint à eux et se plaque derrière Délila, saisissant ses seins dans ses mains robustes alors qu’Yvan commence à ouvrir son pantalon.
Délila souhaite agir, mais sa force n’étant pas développée, elle ne parvient pas à repousser ses deux assaillants ; elle essaye alors de joindre mentalement Sulli, mais se heurte à un mur, comprenant ainsi qu’il n’existe plus aucun lien entre eux. Elle ne tente même pas avec Bastian, qui n’arrivera jamais à temps pour la sauver.
Soudain, Antoine s’écarte d’elle en jurant. Yvan stoppe alors l’ouverture de son pantalon pour regarder son acolyte.
– Son cœur ne bat pas, révèle Antoine.
– Tu es une vampire ! crie Yvan avant de se rhabiller, se ruant ensuite sur son sac à dos.
Antoine aussi prend ses distances, pour aller chercher un pieu.
Délila resserre les pans de son chemisier contre sa poitrine, se sentant perdue, ne sachant que dire ou que faire. Vampire certes, mais elle n’a pas la force nécessaire pour les combattre tous les deux. Cela dit elle n’a pas décidé de mourir sans au moins essayer.
Yvan reste en retrait, pointant une arme sur elle. Elle imagine qu’il s’agit de balles en bois qu’il lui enverra dans le cœur si elle bouge, alors qu’Antoine, pieu en main, s’approche d’elle.
Délila s’interdit de faiblir et s’oblige à se défendre, à affronter la situation. Alors qu’elle saisit un couteau de cuisine, sa porte d’entrée s’ouvre. Tous les regards se braquent sur l’intruse : Lilith.
La journaliste ferme les yeux durant quelques secondes, sentant sa fin proche.
– Je viens voir Bastian, annonce-t-elle comme si ce qu’il se déroulait dans la pièce était normal.
– Il n’est pas là, répond simplement Délila.
– Et eux ? Qui sont-ils ? Des amis à toi ?
– À ton avis… peste-t-elle.
Si la démone s’amuse à la tutoyer à chaque fois qu’elle la croise, eh bien, elle en fera autant !
– On dirait que non.
L’instant suivant, les deux hommes sont écorchés vifs, puis leur nuque se brise sans que Lilith n’ait eu à se déplacer.
Totalement ahurie, Délila n’arrive pas à articuler le moindre mot.
– T’en voilà débarrassée, informe Lilith, satisfaite.
Elle s’approche ensuite des deux hommes morts gisants sur le sol, lève ses bras au plafond pour les redescendre avec rapidité sur les corps qui disparaissent instantanément.
Toujours sous le choc des évènements, Délila n’arrive ni à parler ni à bouger.
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