Chapitre 18

 

 

 

Lilith s’assoit à la table de la cuisine après avoir fermé la porte d’entrée. Elle laisse un moment à celle qu’elle qualifie « d’humaine » pour se ressaisir, puis l’invite à la rejoindre.

Délila, qui a encore du mal à réaliser ce qu’il vient de se passer, est incapable de réfléchir. Les chasseurs sont morts, ce qui est une bonne chose en soi. D’ailleurs, elle a finalement bien fait d’appeler Tringle à la rescousse, car cette fois, elle en est définitivement débarrassée. Mais Lilith… Sa présence la perturbe.

Elle finit par rejoindre la démone à la table et s’assoit, plus parce que ses jambes ne la soutiennent plus que par envie.

–    Bastian vit ici avec toi, commence la superbe blonde manucurée.

–    Oui.

–    Vous êtes amants, affirme-t-elle plus qu’elle ne la questionne.

–    Oui.

La nouvelle semble ravir la jeune femme qui sourit béatement ; Délila imagine qu’ainsi elle ne doit plus craindre qu’elle coure après son homme.

–    Où est-il allé ? Ce n’est pas prudent de laisser sa protégée seule.

–    Rendre visite à une sorcière, mais…

–    Ton état n’est pas réversible, l’interrompt la démone.

–    Je le sais parfaitement, c’est juste que… ça n’a aucune importance. Que veux-tu ?

Lilith croit au contraire que cela à une grande importance et insiste pour savoir, mais Délila ne dit rien, alors la démone en vient au motif de sa venue.

–    Je suis là pour la mort de Josephte.

–    Je n’y suis pour rien.

–    Tu ne lui as pas retiré la vie, mais tu n’es pas étrangère à sa mort. Rassure-toi, je ne châtierai pas.

Délila méprise cette femme qui croit avoir le droit de vie ou de mort sur autrui, tout cela parce qu’elle est puissante, et elle a eu une piqûre de rappel il n’y a pas longtemps.

–    Je suis contente que tu aies enfin trouvé un mâle à toi.

La jeune femme imagine que Lilith ne fera pas payer à Bastian la mort de Jose, parce qu’il est en couple avec elle. Ce qui semble logique, puisque cela sert les intérêts de la démone. Tant que Délila est avec Bastian, elle n’a rien à craindre et peut s’amuser avec Sulli autant que bon lui semble.

–    Quelle est cette chose que tu désires ? Dis-moi, réclame la démone. Je te l’offrirai en gage de paix.

–    Nous ne sommes pas amies, peste Délila en resserrant les pans de son chemisier sur sa poitrine, alors inutile de faire semblant !

Du bout de son doigt braqué sur l’impétueuse, Lilith répare les boutons endommagés, laissant Délila stupéfaite.

–    Quand j’étais petite, je faisais un peu n’importe quoi avec mes pouvoirs. La vaisselle, ranger ma chambre, le ménage, réparer mes vêtements ou jouets cassés… Ils sont sans limites. Qu’elle est la chose que Bastian est allé chercher chez une sorcière ?

–    Très bien, soupire Délila, réalisant que pour se débarrasser de cette sorcière, elle devra lui confier son désir. Ma meilleure amie se marie dans deux semaines et c’est en pleine journée…

–    Tu veux y assister, comprend Lilith.

–    Je suis sa demoiselle d’honneur.

–    Donne-moi trois petits verres.

Délila obéit sans se poser de questions. Si la démone peut l’aider, alors pourquoi pas. Quelque part, ce sera en réparation du mal qu’elle lui a fait. D’ailleurs, elle imagine ne plus rien avoir à craindre d’elle, du moins tant qu’elle sera avec Bastian, ou avec n’importe quel homme qui n’est pas Sulli.

Elle dépose trois petits verres sur la table en reprenant sa place, désireuse de poser une question à cette femme dont les pouvoirs sont sans limites.

–    Tu as un objet tranchant ? Un couteau ou…

Délila se lève à nouveau pour lui donner un couteau, celui qu’elle tenait en main quand les chasseurs ont décidé de la tuer.

Lilith s’ouvre un doigt et laisse couler le sang dans un verre, puis le second et enfin le troisième.

–    Est-ce que tu peux tomber enceinte ? l’interroge Délila.

Lilith arrête ce qu’elle fait pour observer la jeune femme dont le côté humain ressort plus grandement que celui vampire, sans doute combat-elle sa nature réelle pour garder sa part d’humanité.

–    Oui, répond Lilith. Mon côté démone me le permet.

–    Tu as des enfants ?

–    Non. J’ai toujours pris mes précautions. Je n’en veux pas.

–    Moi j’en veux. C’était mon plus cher désir d’humaine.

–    Mais tu ne l’es plus, réplique-t-elle en reprenant son activité.

–    Existe-t-il un sort ou quelque chose qui me le permettrait ? insiste-t-elle néanmoins.

Lilith reprend une pause pour la considérer un long moment avant de répondre :

–    C’est possible, en effet. Mais pas sans un sacrifice en retour.

–    Tu…

–    Silence ! l’interrompt-elle. Laisse-moi finir ça.

Délila se cale alors sur sa chaise, regardant la démone faire sans pour autant la voir, rêvant à un possible enfant. Elle pourrait tomber enceinte… Elle laisse son imagination prendre le dessus et se surprend à songer à faire un enfant avec Sulli. Elle se réprimande, espérant que la diablesse face à elle ne peut pas lire ses pensées, sinon elle subira sa foudre.

Lilith profère des paroles dans une langue que Délila ne connaît pas avant de lui dire que c’est terminé.

–    Je peux aller au soleil ? s’étonne Délila.

–    Non, idiote. Pour ça tu devras boire mon sang.

Elle lui désigne les trois verres, lui expliquant qu’elle pourra supporter le soleil à trois reprises. Cependant, elle lui explique qu’elle ne doit pas se nourrir avant de boire son sang à elle, sans quoi l’effet sera amoindri. Pas de sang d’un autre dans ses veines avant ou après avoir avalé le sien.

Délila a bien compris et espère sincèrement que cela marchera.

–    Mets ça au réfrigérateur, tu pourras essayer dès demain !

La jeune femme obéit en murmurant un mot de remerciement. Ensuite, elle remet sur la table son désir d’être mère.

–    Tu ne peux ni concevoir ni alimenter ton enfant, alors il faut que tu aies recours à la magie. Celle-ci, je ne la pratique pas, mais ma mère si.

La démone lui explique que sa mère, Illeana, est d’accord pour aider les personnes, qu’elles soient humaines ou vampires, contre un sacrifice.

–    Quel genre de sacrifice ?

–    L’âme pour un humain. Dans ton cas, je conseillerai l’abandon de ta part d’humanité.

Délila perçoit la satisfaction dans les yeux de Lilith. L’obliger à renoncer à son humanité, c’est l’obliger à accepter et à être pleinement ce qu’elle est : une vampire, ce qu’elle refuse catégoriquement.

–    Et je pourrais tomber enceinte ?

–    Une fois seulement. Pour un autre enfant, il faudra un autre sacrifice.

–    Comment ça se passe ?

–    Ma mère lie le sang des deux parents. Il te faudra un échantillon du sang de celui que tu choisis comme père, et une mèche de ses cheveux.

Cela semble simple, mais pourquoi exiger un tel sacrifice ? Et si une démone est capable de le faire, alors une sorcière le pourra sans doute.

–    Je dois réfléchir, articule seulement Délila.

–    C’est évident. De plus, Bastian doit donner son accord.

–    Pourquoi ?

–    Si celui que tu choisis comme père n’est pas consentant, ça augmente le risque que tu fasses une fausse couche.

–    Parce qu’en plus ce n’est pas un procédé sûr ?

–    Évidemment que non ! Tu n’es qu’une âme dans un corps mort.

Ce retour à la réalité fait très mal à Délila, qui réalise qu’elle n’aura finalement jamais d’enfant.

Lilith finit par se lever en conseillant à la jeune femme de ne jamais briser son couple, celle-ci cerne très bien le sous-entendu.

La démone sort de l’appartement en s’amusant du sel étalé sur le sol. Apparemment, cela n’aurait pas pu l’interdire d’entrer.

Après son départ, Délila tente de respirer, même si elle n’y arrive plus. Elle voudrait comprendre ce qu’il vient de se passer. Mais tout ce qui lui vient, c’est qu’elle doit garder ses distances avec Sulli, car la sorcière a été très claire quant à ses pouvoirs, ses capacités à la détruire…

 

Enchaîné sur une chaise dans sa propre chambre ! Sulli jure, incapable de se libérer malgré sa force et ses pouvoirs car Lilith a fait en sorte de le maintenir emprisonné. Il ignore où elle est, mais imagine qu’elle règle son cas à Bastian pour la mort de Jose. Tout ce qu’il espère, c’est qu’elle tiendra sa promesse et qu’elle ne s’en prendra pas à Délila.

Quand il pense qu’il subit l’enfer juste pour la protéger, elle, cette femme qui l’a complètement brisé, mais qu’il a brisée aussi. Il n’arrive pas à décrire ce qu’il a ressenti un peu plus tôt en la voyant. Elle a récupéré toutes ses affaires, ce qui signifie que tout est bel et bien fini. Mais elle l’a vu avec Lilith, et il aurait voulu que non. Que jamais elle ne soupçonne qu’il s’est remis avec elle après tout le mal qu’elle leur a fait. Néanmoins, elle doit le penser, et il aimerait rétablir la vérité.

Ses sens se mettent en alarme quand il entend un bruit et sent la présence d’un vampire. Sans doute sa tortionnaire qui revient. Un peu plus tôt dans la soirée, elle l’a vidé de son sang et obligé à boire le sien alors qu’il ne le voulait pas, désirant mourir, quitter ce monde et ne plus souffrir. Son souhait n’a pas été exaucé. La démone l’a obligé à se nourrir sur elle, jusqu’à ce qu’il ait la force de la repousser, mais c’était trop tard, il avait déjà bu assez pour ne plus fleurter avec la mort.

La porte de sa chambre s’ouvre, toutefois ce n'est pas pour dévoiler Lilith, mais bien les ennuis.

Rosalie et Narcisse.

–    Contre qui as-tu perdu ? s’amuse Rosalie.

Ta salope de copine !

–    On est là pour te faire payer le meurtre de Jose, informe Narcisse puisqu’il ne répond pas à son amie.

–    Je vous en prie, faite.

Sulli est content de les voir, car avec beaucoup de chance, cette entrevue se finira par sa mort. Il faut juste que les deux vampires aient le temps d’agir avant le retour de Lilith. D’ailleurs, il ne leur parle pas de sa présence qui risquerait de les faire changer d’avis. Il ne se défend même pas en rappelant que c’est Bastian qui a retiré le cœur de la cage thoracique de leur amie. Non, il attend la mort, espérant qu’elle ne le loupera pas cette fois-ci.

Il est tellement épuisé. Comme s’il avait combattu indéfiniment… Il aspire maintenant au repos éternel, et tant pis s’il n’y a rien pour les vampires après la mort. Il veut juste disparaître, ne plus souffrir, ne plus être torturé. Il se demande d’ailleurs ce qui est le plus douloureux : les sévices que lui fait subir Lilith, ou vivre sans la femme qu’il aime.

Les deux vampires discutent entre eux de la meilleure façon d’en finir avec Sulli, et remercie le ciel qu’il soit enchaîné, sans se demander toutefois qui en est responsable. Narcisse décide de lui trancher la tête, ce qui semble plus réalisable que de lui arracher le cœur. Il part alors en quête d’un objet contondant.

–    Où est ta femelle ? questionne Rosalie à Sulli.

Le vampire ne répond pas.

–    Sois certain que je m’occuperai aussi de son cas !

Ça, il aimerait que non, et compte sur Bastian pour la protéger de la furie de la femelle vampire.

Narcisse ne tarde pas à remonter avec un couteau de cuisine. Sulli espère que cela suffira, ne voulant pas souffrir lors de sa mort.

Alors que l’arrogant Narcisse, vêtu en femme, s’apprête à couper la tête de Sulli, un cri strident retentit.

–    NON !

Lilith.

Sulli voit tous ses espoirs s’envoler.

–    Lilith ? s’étonne Rosalie. Mais que fais-tu là ?

–    Je gère la situation. Range ça, toi ! ordonne-t-elle à Narcisse qui obéit.

–    On veut venger Jose, explique Rosalie.

–    Je m’en charge.

–    De quelle manière ?

–    Je vais rester un moment en ville, le temps de régler cette histoire. J’apprécierais que toi et ton ami ne vous mêliez pas de mes affaires.

–    On va s’occuper de Bastian et de la copine de Sulli.

–    Je m’en suis déjà chargée. Vous pouvez retourner à vos vies.

Sulli sent ses muscles se contracter à ces mots. Qu’a-t-elle fait ? Toutefois, il ne le lui demandera pas, préférant attendre que les deux indésirables soient partis.

Quand Narcisse remonte, il s’entretient avec Rosalie et Lilith, puis cette dernière revient dans la chambre annonçant leur départ à Sulli.

–    Qu’as-tu fait de Bastian et Délila ?

–    Ils ne craignent rien tant que tu es à moi et elle à lui.

Elle détache le vampire, l’informant de son envie de lui appartenir à nouveau.

Lui, qui ne souhaite que mourir pour être délivré d’elle, ignore comment s’en sortir, comment lui échapper…

 

 

 

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