Chapitre 20

 

 

 

C’est quelques jours plus tard que Délila décide de boire ce qui est censé l’aider à supporter le soleil. Elle se prépare d’abord, puis avale le sang de la démone qui a un délicieux goût sucré. N’ayant pas oublié les recommandations de Lilith, elle ne s’est pas nourrie depuis deux jours, mais n’est pas affamée. Elle est bien.

Elle n’a rien dit à Bastian sur ses intentions, le vampire dort comme un loir alors qu’il est à peine midi. Délila ouvre le volet du salon et regarde les rayons du soleil filtrer dans la pièce. Elle tend son bras pour les toucher sans jamais y parvenir, les sentant toutefois sur sa peau sans que celle-ci ne réagisse. Elle en a presque les larmes aux yeux en assistant à ce spectacle divin.

Rapidement, elle note sur une feuille qu’elle est sortie et que le soleil n’est pas son ennemi aujourd’hui. Puis, elle imprime son nouveau chapitre et s’en va au Journal.

Délila marche dans la rue, parmi les passants humains, heureuse de pouvoir sentir le soleil sur sa peau. Elle le doit à Lilith et elle compte bien la remercier, mais aussi lui demander d’autres verres de son sang ensorcelé. Elle veut pouvoir sortir au grand jour…

La jeune femme salue les agents de sécurité avant de pénétrer dans le bâtiment et se rend directement au bureau de sa meilleure amie.

Anaïs est stupéfaite en voyant Délila.

–    Comment tu fais ? Dois-je fermer les volets ?

–    J’apporte mon nouveau chapitre, informe-t-elle fièrement en agitant la liasse de feuilles. Et non, pas besoin des ténèbres, aujourd’hui je suis une créature du soleil.

–    Comment est-ce possible ? la questionne Anaïs, suspicieuse.

Délila s’assoit en face d’elle en lui parlant des pouvoirs bénéfiques du sang de Lilith quand il est ensorcelé. C’est vrai qu’elle ignore tout de ce procédé, mais elle l’aime déjà.

–    Tu lui fais trop confiance ! Imagine que son effet cesse maintenant !

Bien sûr qu’elle y a pensé, mais Lilith la veut loin de Sulli, et cet élixir est un moyen d’obtenir ce qu’elle désire, donc Délila ne croit pas qu’elle ait triché avec elle.

–    Allons voir Claude avec ton chapitre et on discutera ensuite.

–    Discuter ? Je veux t’emmener prendre l’air, faire les boutiques !

–    OK.

Les deux amies rient ensemble avant de se rendre au bureau de Claude, qui est stupéfait de voir Délila. Pour ne pas rentrer dans les détails maintenant, Anaïs se contente de lui dire qu’elle a eu recours à de la magie.

–    Parfait, répond le patron en prenant les feuilles, encore étonné que quelque part une magie puisse rendre les vampires invincibles au soleil.

–    Je passe l’après-midi avec Délila, on ira faire les boutiques, informe Anaïs à son fiancé.

–    D’accord.

–    Tu viendras à notre mariage alors ? s’enquiert Anaïs.

–    Pourquoi crois-tu que j’ai demandé cette faveur à Lilith ?

–    Oh, c’est super ! J’ai ma demoiselle d’honneur ! se réjouit Anaïs en enlaçant son amie.

–    Je t’avais dit que je trouverais un moyen.

–    T’es la meilleure ! Bon, je vais ranger mes affaires et…

–    Retrouve-moi au bureau de Drew, je vais lui dire bonjour.

–    Ah, ben… bon courage alors.

Délila croise les doigts avant de se rendre au bureau de son collègue, qu’elle sait en colère contre elle mais qu’elle espère calmer, même si Anaïs n’a jamais réussi, malgré la vérité.

La jeune femme pousse la porte et regarde son ami en train de travailler, plongé dans son article. Il ne lève même pas les yeux sur elle, n’ayant senti aucune présence, entendu aucun bruit. C’est seulement quand Délila ferme la porte qu’il lève la tête.

–    Bonjour, dit-elle en gardant ses distances pour voir comment il va réagir.

Tout d’abord stupéfait, il ne dit rien, puis lui demande pourquoi elle est là.

–    Je suis passée saluer un ami.

–    Tu es… une vampire, il paraît.

–    Oui.

Il secoue la tête, déçu, mais pas par ce qu’elle est devenue – il connaît l’histoire de sa transformation –, parce qu’elle fréquentait des vampires alors que sa fiancée a justement été assassinée par ces carnassiers.

–    Comment as-tu pu devenir la maîtresse d’un buveur de sang ? demande-t-il en haussant le ton, en colère.

–    Anaïs t’a raconté, je ne savais pas ce qu’il était à ce moment-là…

–    Mais quand tu as su, tu aurais dû t’enfuir.

–    C’est peut-être idiot de ma part, sans doute d’ailleurs quand on voit le résultat de mes choix, mais je l’aimais.

–    L’amour ne justifie pas tout.

–    J’en ai bien conscience, réplique-t-elle en s’approchant de lui, mais c’est ma seule excuse.

Drew garde le silence. Elle aura beau se justifier et essayer de lui faire comprendre le pourquoi du comment, rien n’y fera, il ne tolérera jamais une telle attitude. Être amie avec un vampire, à la limite, mais devenir sa maîtresse… Non, jamais !

–    J’imagine bien que c’est difficile à comprendre pour toi, mais quand tu aimes quelqu’un autant que j’ai pu l’aimer, tu ne vois pas ses mauvais côtés, tu ne vois que…

–    Est-ce que tu l’aimes encore ? Es-tu toujours avec lui ?

Délila ne répond pas de suite, il est censé savoir puisqu’Anaïs lui a révélé tout de sa vie. Mais il a sans doute besoin de l’entendre de sa bouche, alors elle avoue.

–    On n’est plus ensemble, ma transformation a brisé notre couple. Mais… effectivement, je…

–    Tu l’aimes encore, finit-il à sa place en voyant le mal qu’elle a à prononcer ces mots.

–    Je suis avec un autre vampire, croit-elle bon de préciser.

–    Anaïs m’a dit.

–    Je ne le fais pas contre toi ou contre la mémoire de Peggy. Dis-toi qu’ils ne sont pas tous pareils, c’est comme chez les humains, il y a des bons et des méchants.

Il acquiesce, même s’il déteste cette race, il reconnaît qu’elle a raison.

–    Dans quel camp es-tu ?

–    Je suis une vampire qui n’aime pas ce qu’elle est, et je m’accroche à ma part d’humanité autant que je peux.

Drew ne répond rien.

–    Je n’ai pas choisi mon état, je ne voulais pas devenir comme ça, confie Délila en s’asseyant sur le bureau à quelques centimètres de son collègue.

–    Comment le vis-tu ?

–    En fait, je crois que j’essaye de ne pas y penser. J’ai du mal à réaliser que je ne pourrais jamais avoir d’enfant, que je suis morte…

Drew aimerait la consoler, mais que dire ? Elle a raison sur tous les points et il déteste les vampires ; il ne lui serait d’aucun secours. Le journaliste veut bien croire qu’elle n’ait pas demandé à devenir une morte-vivante, mais elle continue à les fréquenter, malgré tout, et ça, il ne peut pas le tolérer, en respect pour la mémoire de feu Peggy.

–    Le jour où tu auras sorti les vampires de ta vie tu pourras compter sur moi ; pour le moment, je préfère que tu t’en ailles.

En le disant, il espère qu’elle le comprendra, ainsi que son point de vue.

–    Je sais que tu as souffert à cause d’eux, et j’en suis désolée.

Il remarque qu’elle ne s’identifie pas aux vampires, et qu’elle rejette sa nature comme elle le lui a confié. Cependant, malgré tout, elle les côtoie et il n’arrive pas à en comprendre la raison.

Délila pose sa main sur l’épaule de son ami avant de quitter la pièce pour rejoindre Anaïs dans son bureau.

D’emblée, elle l’interroge, alors la journaliste lui raconte sa discussion avec Drew. Ensuite, les filles quittent le bâtiment pour faire du shopping. Délila n’a envie que d’une seule chose : se sentir humaine. Et avec son amie, elle y parvient.

 

Quand Bastian se lève, il constate qu’il est seul dans l’appartement, et sachant que le soleil n’est pas encore couché, il est étonné par l’absence de Délila. Toutefois, cela prend un sens quand il trouve son petit mot. Il secoue la tête. Il aurait voulu que Lilith ne lui donne pas ce moyen de supporter le soleil et qu’elle se mêle de ses affaires, chose qu’elle ne fait pour ainsi dire jamais.

Il en a marre que Délila dénigre ce qu’elle est. Il convient qu’elle n’a pas choisi d’être transformée et qu’elle le reprochera éternellement à Sulli – une aubaine pour lui –, mais il veut qu’elle se comporte comme une vampire, et non plus comme une humaine.

C’est pourquoi il n’a rien fait de ce qu’il lui a raconté la nuit dernière. Il n’est pas allé voir Bradie. Il refuse qu’elle puisse supporter le soleil grâce à de la sorcellerie ou qu’elle donne naissance à un enfant encore grâce à ça. Un vampire ne doit pas voir le soleil et ne peut pas concevoir. Qu’elle s’y fasse !

Il lui a promis qu’il engendrerait une progéniture avec elle, mais c’était plus pour la calmer qu’autre chose, il ne réalisera jamais son rêve. D’abord, parce qu’il a inventé que Bradie soutenait que c’était impossible ; ensuite, parce qu’il ne la laissera jamais approcher Illeana. Il faudra que la fausse humaine se fasse une raison et arrête de se prendre pour ce qu’elle n’est plus.

Bastian saisit son téléphone et appelle la jeune femme qui fait battre son cœur.

–    Tu as eu mon mot ? demande-t-elle d’emblée.

–    Oui. Comment se passe ta journée ?

Délila s’extasie en lui racontant ce qu’elle fait : les boutiques.

–    Je n’arriverais plus à dormir, ça fait trop longtemps que j’attendais d’essayer le remède de Lilith, et ça fonctionne !

Profites-en bien !

–    Tant mieux.

Bastian pense à détruire les verres restant dans le réfrigérateur, mais quand il entend Délila se réjouir de pouvoir être présente au mariage de son amie, il y renonce.

–    Tu pourrais même m’accompagner, il en reste deux.

–    Je…

Jamais il n’avait pensé qu’elle pourrait en avoir envie au point de le lui proposer.

–    Je ne sais pas, on en reparlera.

–    D’accord.

–    Amuse-toi bien, mon cœur, et ne dépense pas trop d’argent.

–    Rassure-toi, je suis raisonnable, conclut-elle avant de raccrocher.

Cet appel le laisse perplexe. Elle lui a semblé si heureuse qu’il décide de lui laisser jusqu’au mariage de son amie pour se faire à l’idée qu’elle n’est plus humaine, soit dix jours. Après, il utilisera l’électrochoc s’il le faut.

 

 

 

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