Délila n’a aucun mal à se rendre dans la rue indiquée par Bradie, mais en a un peu plus à chercher l’immeuble où vit Sulli.
La rue est parsemée de bâtiments luxueux, des appartements sans le moindre doute, aucun bureau dans cet endroit. Tout est sombre et désert, peu propice pour s'attarder. D’ailleurs, elle ne le souhaite pas, mais le doit pourtant pour trouver où est la nouvelle demeure du vampire. Elle regarde chaque nom écrit à côté des sonnettes de chaque bâtiment, jusqu’à trouver enfin celui qu’elle cherche « Sullivan Lancaster ». La jeune femme inspire un air dont elle n’a pas besoin et s’engage dans le hall du grand bâtiment.
Tout est propre et joliment décoré, sans doute tenu par une personne très riche. Elle cherche l’ascenseur des yeux avant d’y monter, appuyant sur le bouton indiquant le dernier étage, comme c’est écrit à côté du nom de la personne qu’elle souhaite voir.
Lors de l’ascension, elle appréhende, et c’est davantage le cas à chaque étage passé. Elle ignore comment il réagira en la voyant. Il lui a dévoilé ses sentiments, elle le sait toujours amoureux d’elle, mais elle sait aussi qu’il souhaite tourner la page sur son passé, ayant beaucoup souffert à cause de Lilith, mais d’elle également…
De plus, elle le sait maintenant responsable de la mort de Peggy, de la détresse de Drew… Comment va-t-elle gérer cela ? Parviendra-t-elle à garder son sang-froid devant cet assassin ? Parce que c’est bien ce qu’il est, c’est ce qu’elle ressent depuis qu’elle est sortie de chez Drew.
Mais pas seulement.
Tous les vampires ne sont que des menteurs. Plus jamais elle ne voudra avoir affaire à l’un de cette race quand elle sera redevenue humaine. Mais pour cela, Sulli doit accepter de l’aider. Il faut donc qu’elle le manipule pour parvenir à ses fins.
Un léger bruit retentit quand l’ascenseur s’arrête, la porte s’ouvrant sur le dernier étage du bâtiment.
Délila rassemble son courage et sort de la cabine. Deux pas plus tard, elle se retrouve devant la seule porte de ce trentième étage.
Cependant, elle ne parvient pas à frapper, incapable de savoir si elle parviendra à se maîtriser une fois face au vampire.
Elle reste plantée devant la porte, hésitante, durant ce qui lui semble être une éternité avant qu’elle ne s'ouvre d’elle-même.
– Tu comptes rester derrière cette porte toute la nuit ? résonne la voix de Sulli.
Elle aurait dû se douter qu’il s’apercevrait de sa présence, peut-être même avant qu’elle n’entre dans le hall de la résidence.
Tentant de cacher son malaise, elle entre et referme la porte. La pièce est très sombre, mais elle y voit parfaitement. Elle est très grande et tout le mur en face d’elle est en verre, donnant une vue imprenable sur la ville, ce qui doit poser des problèmes en pleine journée. Elle est dans ce qui ressemble à un salon, meublé de gros canapés en cuir, de fauteuils, d’une table basse, d’une télévision, de quelques tapis et d’un bar.
– Comment m’as-tu trouvé ? questionne Sulli.
Toujours aussi beau, encore plus que dans son souvenir en fait. Mais elle se sent imperméable à son charme.
– Je viens te demander ton aide, l’informe-t-elle sans répondre à sa question.
Le vampire lui fait signe de s’asseoir, mais elle refuse, préférant rester debout. Elle souhaite juste lui formuler sa requête et s’en aller avec une réponse positive.
Puisse cela être si simple !
– Je t’écoute, accepte-t-il en gardant ses distances.
Délila reste immobile, près de la porte, prête à partir quand elle en aura fini avec lui.
– Il y a un moyen d’inverser le processus pour que je redevienne humaine. Acceptes-tu de m’aider ?
Sulli reste un instant interdit. Jamais il ne s’était attendu à quelque chose d’aussi important. Toutefois, il aimerait comprendre qui lui a mis une telle idée en tête et pourquoi. Il sait pertinemment qu’aucun retour en arrière n’est possible. C’est trop tard.
– C’est n’importe quoi, répond-il calmement. Qui t’a mis…
– C’est possible ! l’interrompt-elle en faisant deux pas dans sa direction, mais j’ai besoin de ton aide pour ça.
– Ah oui et pourquoi ? questionne-t-il amusé bien qu’interloqué.
– Toi seul peux défaire ce que tu as fait.
Il secoue la tête, en constatant qu’elle croit dur comme fer à ce qu’elle raconte, la chute n’en sera que plus douloureuse.
– Qui t’a raconté ça ?
– Bradie.
– Bradie ? C’est qui ?
– La sorcière que Bastian est allé voir quand…
Elle se tait, de toute façon, elle n’a pas besoin d’en dire davantage, Sulli a déjà compris. Il n’a pas oublié que son ancien ami avait été demander l’aide d’une sorcière pour empêcher que la malédiction ne se réalise, il avait juste oublié son nom.
– C’est lui qui t’a mis en contact avec elle ?
– Non.
– Alors comment se fait-il que tu la connaisses ? Comment…
– Ce n’est pas important, le coupe-t-elle. Elle dit que c’est possible avec l’aide de mon créateur, car ce n’est pas une véritable transformation.
– Une véritable transformation ? Mais bien sûr que si, hausse-t-il la voix, je t’ai vidée de ton sang. Tu étais morte, et sans la malédiction pesant sur toi et moi, tu ne serais jamais devenue une vampire.
– Sans la malédiction, je ne serais pas morte, peste-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine.
Sullivan constate qu’il est impossible de discuter avec elle, puisqu’elle a décidé que les mots de Bradie étaient parole d’évangile et que rien ne lui fera changer d’avis. Par contre, ce qu’il se demande, c’est pourquoi la sorcière lui a fait croire quelque chose d’aussi énorme. Quels sont ses intérêts ?
– Que veut-elle en échange de… de quoi d’ailleurs ?
– Elle veut me rendre mon statut d’humaine. C’est tout.
– Tu veux me faire croire que par gentillesse, elle va… comment tu dis ? Inverser le processus ?
– C’est plus compliqué. C’est… c’est un ami qui lui a parlé de mon état et de ma difficulté à le vivre. Il souhaite m’aider et aussi des choses pour lui.
– Qui est cet ami ?
– Qu’est-ce que ça peut te faire ? Je veux juste savoir si tu acceptes de m’aider.
– À quoi bon ? Peux-tu me le dire ? Jamais tu ne pourras revenir en arrière ! s’énerve-t-il devant sa naïveté, contrarié que la sorcière profite d’elle aussi impunément.
– Tu refuses ! comprend-elle ahurie. J’aurais dû m’en douter !
– Délila !
– Venant d’un assassin, à quoi devais-je m’attendre ? Pas à ton aide, c’est certain !
– Assassin ? murmure-t-il choqué.
– Tu as tué Peggy, hurle-t-elle sans retenir ses larmes.
Peggy ? Il ignore à qui elle fait allusion.
– Tu as détruit la vie de Drew ! À cause de toi il est malheureux, brisé et hait les vampires ! Je comprends qu’il ait envie de se venger de toi, rage-t-elle en faisant volteface.
Drew ? Qui est-ce ? Il veut se venger de lui ? C’est bon à savoir, même s’il reste encore beaucoup de zones d’ombres.
Il se place entre Délila et la porte, ne souhaitant pas qu’elle s’en aille dans son état.
– Ne pars pas, réclame-t-il en posant ses mains sur ses épaules.
Elle le repousse violemment, ne désirant aucun contact avec cet homme, lui en voulant pour ce qu’il a infligé à Peggy et à elle – même si elle s’était calmée dernièrement.
– Tu refuses de m’aider, larmoie-t-elle. Tu n’es qu’un monstre à abattre. Un monstre auquel je ne veux jamais plus avoir à faire !
Sullivan n’esquisse aucun mouvement lorsqu’elle le pousse pour quitter l’appartement en faisant claquer la porte.
Le vampire est anéanti par les mots cruels et blessants qu’elle a proférés, même si elle n’a pas tort. Dans la bouche de la femme qu’il aime, cela lui fait infiniment mal.
Mais ce n’est pas le pire. Une sorcière et son ami Drew se jouent d’elle. Mais pourquoi ? En y réfléchissant davantage, il en déduit que puisqu’il a tué la fiancée du dit-homme, c’est donc de lui dont il doit vouloir se venger. En se servant de Délila ? Comment l’humain saurait-il qu’elle s’est transformée à cause de lui ? Délila aurait pu le lui dire. Sulli est en train de réaliser que les raisons qui poussent Délila à croire qu’elle peut redevenir humaine ne sont pas honorables. Son ami se joue d’elle pour l’atteindre lui.
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