Bastian a passé la journée suivante sur le canapé, n’ayant pas osé déranger Délila, et là encore, il préfère aller chasser plutôt que de la rejoindre, doutant de la réaction de la jeune femme.
La nouvelle-née entend la porte d’entrée et sait instinctivement que Bastian est parti, qu’elle est seule. Elle en profite pour se glisser sous la douche. Elle n’avait aucune envie de quitter sa chambre tant qu’il était là, ne voulant de la présence de personne, et encore moins de leur fausse sollicitude.
Elle se coiffe sans regarder son reflet dans le miroir offert par Sulli et se rend dans sa pièce à vivre, regardant sa cuisine qui ne lui servira plus jamais à rien. Elle ne l’a pas vidée depuis qu’elle ne mange plus, pensant bêtement qu’elle pourrait revenir en arrière. Aujourd’hui, elle se rend compte qu’elle ne faisait que se bercer d’illusions, et qu’à cause de sa naïveté ou de son trop grand désir de redevenir humaine, elle a failli faire tuer Sulli. Il était pourtant méfiant, mais elle ne l’a pas écouté et l’a laissé se jeter dans la gueule du loup, pour elle. Cela en dit long sur les sentiments qu’il lui porte et elle s’en veut soudainement de ne pas les mériter. Elle a été incapable d’être franche avec lui quand il voulait savoir pourquoi elle avait quitté son lit.
Elle attrape un sac-poubelle, décidée à jeter tout ce qui lui rappelle la vie qu’elle aimait : sa vie humaine. Quand elle s’apprête à jeter ses paquets de gâteaux, on frappe à la porte. Elle laisse alors tomber le sac et va ouvrir sans regarder par le judas. Elle se retrouve face à une femme magnifique, qu’elle ne connaît pas mais qui lui rappelle vaguement une démone machiavélique.
– Bonjour mademoiselle. J’ai vu Sullivan quitter votre appartement la nuit dernière, puis-je m’entretenir avec vous ?
– Je vous en prie.
Délila la laisse entrer, sachant pertinemment à qui elle a affaire.
– Je suis Illeana Tepes, et vous êtes…
– Délila Nagar, se présente-t-elle, pas du tout surprise par l’identité de l’invitée.
Elle lui raconte qu’elle est à la recherche de sa fille, Lilith, et que puisqu’elle était à Montréal avec Sullivan, et qu’elle-même le connaît, elle imagine qu’elle pourrait en savoir plus sur les faits et gestes de son enfant.
– Lilith m’a maudite, c’est à cause d’elle que je suis devenue vampire.
– À cause ? Vous n’aimez pas votre condition d’immortelle ?
– Non.
– J’en suis navrée. Que pouvez-vous me dire d’autre sur ma fille ?
– Je ne l’ai vue que deux fois. Celle où elle m’a jeté une malédiction, et une autre où elle m’a sauvé la vie.
Délila lui raconte dans les moindres détails comment s’est passé le soir où elle a vu sa vie défiler, son heure arriver, et ce à cause de deux chasseurs.
– Où est ma fille ? questionne Illeana à la fin de son récit.
– Je ne sais pas, ment Délila avec conviction. Quand je suis allée au château pour la voir…
Elle lui parle de son sang qui l’a aidée à supporter le soleil avant de poursuivre sur sa visite au château.
– … Sulli m’a dit qu’elle était rentrée chez elle.
– Elle n’est pas revenue.
Cela, elle le sait, puisqu’elle a été tuée, mais ne compte pas le dire à la puissante démone déchue qu’elle a en face d’elle. Elle est certes polie et agréable, mais elle n’en reste pas moins une créature démoniaque. Pire que Lilith, si elle en croit Sulli.
– Je ne sais rien de plus, l’informe Délila.
– Conduisez-moi au château de Sulli.
Surprise, la jeune femme lui explique qu’il ne lui appartient plus, qu’il l’a vendu et s’en est allé. Là encore, elle ne dévoile pas toute la vérité, prétextant ne pas savoir où il s’est établi.
– Emmenez-moi, s’il vous plaît, insiste la démone.
N’y voyant aucun mal, Délila l’y conduit.
Comme elle le pensait, et bien que la grille ne soit pas verrouillée, la porte d’entrée est fermée.
– C’est magnifique comme endroit, lance Illeana avant d’utiliser la magie pour ouvrir la porte.
Les deux femmes se glissent à l’intérieur de la demeure que la démone visite sans gêne. Délila ressent un pincement au cœur une fois dans la chambre qui appartenait à Sulli.
Après une courte visite, elles retournent à l’extérieur où Illeana parle de Vlad à Délila.
– Mon époux est inconscient. On dirait qu’il est mort.
La jeune femme ne répond rien, percevant la peine dans la voix et le regard de son interlocutrice.
– Je sais que Lilith est morte.
Cette fois, Délila n’arrive pas à cacher sa surprise. Comment peut-elle en être certaine ?
Illeana lui parle alors du lien qui unit Vlad et sa fille et des conséquences pour son époux si on s’attaque à son enfant.
Délila le savait pour l’avoir entendu dans la bouche de Sulli, mais il ne dit rien à la femme triste en face d’elle.
– Dites-moi où est ma fille.
– Je l’ignore.
Un silence pesant s’installe durant lequel Illeana marche dans la propriété, suivie par Délila qui ne sait pas comment agir avec cette femme.
– Quel est votre plus cher désir ? demande-t-elle soudain en s’immobilisant pour la regarder.
D’abord, Délila ne répond rien, puis elle lui avoue que c’est de redevenir une humaine.
– La jeunesse éternelle ? L’immortalité ? La beauté ? Aucun besoin ? Vous n’aimez pas ?
– Non, répond-elle sincèrement.
– Qu’est-ce qui peut être plus important que tous les avantages que je viens de vous citer ?
– Je veux des enfants.
– Ah…
Puis plus rien. De nouveau un silence pesant pendant lequel la démone semble réfléchir.
– J’ai la possibilité d’exaucer votre désir, je le ferai si vous me dites où trouver le corps de ma fille.
Délila refuse de se laisser bercer d’illusion à nouveau et traite la démone de menteuse prête à tout pour parvenir à ses fins.
– On vous a déçue, réplique-t-elle sans hausser le ton. Je peux le comprendre, mais ne me traitez pas de fourbe. Je ne le suis pas !
– Parce que vous pouvez réellement…
– Oui, je le peux. Je suis une démone, ma chère, rien ne m’est impossible et je vous le prouverai. Retrouvons-nous demain, à la même heure et au même endroit. Venez avec mes informations et votre désir sera exaucé.
En un claquement de doigts, la démone disparaît, laissant Délila seule avec ses interrogations. Est-elle réellement capable de faire ce qu’elle prétend ?
Même si c’est vrai, elle ne peut pas lui révéler l’endroit où est le corps mort de sa fille, car elle l’ignore. Le seul à pouvoir la renseigner, c’est Sulli. Et c’est chez lui qu’elle va directement.
Cette fois, elle n’attend pas indéfiniment derrière sa porte en hésitant à frapper, mais toque aussitôt.
– Quelle surprise ! s’étonne le vampire en lui ouvrant la porte.
– Il faut qu’on discute.
Pensant qu’il va enfin obtenir la réponse à sa question, il la laisse entrer, mais il déchante très vite quand elle lui parle de la visite d’Illeana.
– Que te voulait-elle ?
– Je vais te la faire courte. J’ai… encore besoin de toi.
Il hausse un sourcil, diablement sexy, pas certain de vouloir à nouveau se mêler de ses affaires.
– Ce n’est pas dangereux, précise-t-elle.
– Dis toujours…
– Déjà… je suis désolée de t’avoir entraîné dans un piège, mais je ne savais pas que…
– C’est bon, laisse tomber. Je savais très bien dans quoi je mettais les pieds, et si tu veux tout savoir, je t’ai suivie en toute connaissance de cause.
– Tu savais que Drew mentait ? s’étonne-t-elle.
– Bien sûr.
– Et tu ne m’as rien dit !
– Tu m’aurais cru ? J’ai essayé, tu sais.
– Je suis encore plus désolée.
– Que veux-tu cette fois ?
Peut-elle seulement le lui dire ? Lui réclamer encore qu’il l’aide ? Cela pourrait mal finir pour lui. Si Illeana décidait de se venger de lui, ou si elle parvenait à ses fins et que Lilith revenait ?
Elle décide de le lui dire et de voir ce qu’il répond.
– Illeana peut-elle me rendre mon humanité ?
– Ne recommence pas avec ça ! soupire-t-il.
– Réponds !
Il garde le silence un moment avant de prononcer le seul mot qu’elle espérait :
– Oui.
Elle sourit. Ne sachant pas si elle pouvait réellement y croire, elle n’osait pas se réjouir pleinement ; maintenant, elle le peut.
Quand elle retrouve l’usage de la parole, elle lui raconte sa rencontre avec la démone et ce qu’elle veut en échange de quoi elle exaucera le rêve de Délila.
– Je veux retrouver ma vie d’humaine et tu es le seul à pouvoir m’y aider, termine-t-elle.
– D’accord. Je vais te dire où est Lilith et ce qu'il lui est arrivé.
La jeune femme est étonnée que cela soit si simple, elle s’attendait à devoir le convaincre des heures durant.
– Mais je voudrais que tu répondes à la question que je t’ai posée par deux fois.
– Je le ferai.
Il acquiesce d’un hochement de tête, puis s’approche d’elle. En posant ses mains sur ses épaules, il lui demande de s’introduire dans son esprit pour qu’elle voie par elle-même ce qu’il a fait de leur ennemie.
Sulli aurait souhaité lui cacher sa manière de procéder – le sexe – pour arriver à ses fins, ne voulant pas qu’elle le voie avec une femme dans une posture si intime, mais il préfère le lui montrer, presque certain qu’elle aurait voulu savoir comment il s’y était pris.
– Bastian était avec toi ? s’étonne-t-elle à la fin de la vision. Il savait !
Le vampire n’a pas besoin d’acquiescer.
– Merci, articule-t-elle simplement après quelques minutes. Je pense que… tu devrais partir. Quand Illeana saura, elle…
– Je partirai, la coupe-t-il.
Étonnée, elle le fixe, ne s’attendant pas vraiment à ce qu’il accepte. Décidément, elle va de surprise en surprise avec lui ce soir.
– Où iras-tu ? Je la revois demain soir.
– Ne t’en fais pas.
Il caresse délicatement son doux visage pour le graver en lui à jamais. Il va lui rendre ce qu’il lui a pris et disparaître pour la laisser vivre sa vie.
– Je suis partie parce que j’ignorais comment réagir… Je sais bien qu’il n’y a pas d’avenir possible entre nous, mais… je t’aime.
Elle ferme les yeux une courte seconde, laissant perler une larme au coin de son œil. Elle a osé être franche avec lui, lui dire ce qu’il voulait savoir.
Sullivan caresse sa joue du bout des doigts, avant de tracer le contour de ses lèvres. Il la désire, et savoir qu’ils ne pourront plus jamais se voir ou se parler ne fait qu’augmenter ce besoin qu’il ressent de la posséder.
Il passe sa main libre dans son dos pour la plaquer contre lui et abaisse son visage jusqu’à ce que leurs lèvres se touchent. Ils s’embrassent.
Ressentant l’urgence dans son corps, Sulli entreprend de déshabiller la jeune femme, qui se laisse faire jusqu’à se retrouver complètement nue dans ses bras. Il l’imite ensuite, sans quitter sa bouche, et la conduit dans sa chambre.
Il n’aura pas vécu longtemps ici, mais elle est la seule femme qu’il a mise dans son lit. La seule qui compte pour lui.
Rapidement, il glisse dans son corps humide et lui fait l’amour avec beaucoup de tendresse, redoublant d’attentions, sachant que cette fois sera bien la dernière fois.
C’est sans doute pour cela qu’aucun des deux amants ne met fin à la passion qui les unit, restant dans les bras l’un de l’autre, sans cesser de s’embrasser, de se caresser, ou seulement de s’effleurer.
Délila passe même la journée avec Sulli, souhaitant profiter de l’homme qu’elle aime au maximum avant que leur destin ne bascule à jamais. Une longue journée où leur unique occupation est de satisfaire les désirs de l’autre.
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