BINSWANGER LUDWIG (1881-1966)
Psychiatre suisse. A rallié la psychanalyse grâce à Jung, son directeur de thèse (1906), au grand hôpital psychiatrique de Zurich. En mars 1907, il rencontre pour la première fois à Vienne, en compagnie de Jung, Freud : ainsi débute une amitié de 32 ans entre les deux hommes. En 1910, il reprend la clinique psychiatrique créée par son grand-père, située au bord du lac de Constance, en Suisse. Il devient pionnier dans l'expérimentation des méthodes psychothérapeutiques, comme la cure psychanalytique en milieu hospitalier psychiatrique.
Il cherche alors à dépasser la psychanalyse, en tant que théorie fondée sur la biologie des pulsions, réduisant l'homme au simple homo natura. La psychanalyse aboutit à une pratique fondée sur la relation sujetobjet (voir « Transfert »), qui enferme le sujet perturbé dans le passé de son enfance.
Sa créativité thérapeutique le mène alors à chercher une voie commune aux deux disciplines, la psychanalyse et la psychiatrie, par le biais de la philosophie des phénomènes de la conscience* : la phénoménologie de Husserl. En 1920, avec Psychanalyse et psychiatrie clinique, Binswanger pose les fondements d'une nouvelle école thérapeutique, fondée sur la philosophie de Husserl. Il importe à Binswanger de comprendre le sujet* dans sa singularité d’« être-au-monde », avec ses structures innées qui préexistent à son histoire personnelle.
Dans la rencontre de deux consciences subjectives singulières (le psychiatre et le patient) s'expriment les schémas imaginaires du patient : ils sont la manifestation de ses structures innées ; ce sont là des expressions en image verbale ou gestuelle. Dans le cas d’Ellen West, ces schémas imaginaires font apparaître une distorsion entre « disparaître sous la terre » et « s'élever comme un oiseau », et tout son être-au-monde est l'expression d'une distorsion entre ces deux dynamiques.
En 1942, Binswanger publie Formes fondamentales et connaissances de l'existence humaine (non traduit en français), au centre duquel se trouve l'espace de rencontre du « Je » et du « Tu », encore appelé la « nostrité ». C'est la période heideggerienne avec l'étude de Sein und Zeit (Être et temps), qui aboutit à la Daseinsanalyse (Analyse existentielle). Cette nouvelle orientation thérapeutique est présentée en 1950 à Paris.
Il consacrera les années suivantes à la description de la structuration des mondes des sujets perturbés, leurs manières de se construire et/ ou de se déconstruire. Cette période est désignée par les spécialistes de Binswanger comme le retour à Husserl, avec les ouvrages Mélancolie et manie (1960) et Délire (1965). Le cas de Suzanne Urban illustre une manière d'apparaître d'une structure schizophrène, qui se déconstruit à la tâche de soigner son mari malade, pour se fondre dans un monde de délire. Ses schémas imaginaires font apparaître une structure de « martyrologie » : elle est ballottée entre son dévouement excessif envers les membres de sa famille et ses délires de persécution croissants voulant « que l'on (ou elle-même) tue les membres de sa famille pour les délivrer de leurs souffrances ».
Fin 1962, Binswanger reçoit Caycedo qui, en 1960, par son travail sur les phénomènes de la conscience, pose les fondements de la sophrologie. À partir du travail de Binswanger, Caycedo a rattaché la méthode sophrologique à la phénoménologie. Et c'est Binswanger qui a poussé Caycedo à voyager en Inde à la découverte du yoga*.
Corrélats : Caycedo – Heidegger – historique de la sophrologie – Husserl – phénoménologie – sophro-thérapie.