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Mais comment puis-je réussir à percevoir la mélodie dans sa durée ? Comme saisir le rapport entre ce qui n'est déjà plus et ce qui n'est pas encore ? Pour saisir cette mélodie dans sa durée, il est nécessaire que les trois dimensions du temps, passé, présent et futur s'interpénètrent au moment où je perçois les sons. Pour Husserl, nous vivons toujours dans les trois dimensions du temps à la fois, mais le présent vivant est pour lui prioritaire : le passé et le futur n'ont qu'un statut d'arrièreplan. Le présent est toujours « ma » position, le centre autour duquel les deux autres dimensions se déploient. « Être » et « être présent » sont équivalents ; mais le présent est entouré par le passé et le futur qui lui permettent d'être présent. En effet, lorsque je perçois une note, je me situe sans en avoir conscience entre un passé que je retiens spontanément (rétention), dont les notes ne sont plus pour moi perceptibles, et un futur que j'anticipe spontanément (protention), dont je ne sais pas exactement à quoi ressembleront les notes et si la mélodie s'interrompra brutalement ou non. Sans en être conscient, je retiens donc dans le présent la note précédente que je relie à celle à laquelle je suis spontanément attentif ici et maintenant et j'attends sans m'en apercevoir la suivante. La rétention n'est pas l'acte mental que nous appelons « souvenir », qui nous permet d'entrer dans l'horizon du passé pour revivre ou reproduire par l'imagination une expérience non présente. Rétention et protention nous situent à partir du présent vivant (auquel je suis plus ou moins attentif, dans lequel je suis plus ou moins ancré) dans les trois dimensions du temps (tridimensionnalité). Cette conscience du temps qui dure est donc un présent élargi vers le passé et le futur par une succession de rétentions et protentions. Toute conscience est donc temporalité, parce qu'elle doit son unité au temps.