La première bonne raison :
60 millions d’individus
revenus de la mort

« Et si l’on est convaincu qu’une chose n’existe pas, on ne la voit pas. »

Ervin László
INREES, Paris, le 25 mai 2011

 

Juste après mon arrêt cardiaque, je suis sorti de mon corps. J’étais au plafond et j’ai tout vu ; j’ai assisté à tous les détails de ma réanimation. Je voulais hurler aux personnes qui tentaient de me faire revenir à la vie de me laisser tranquille, de me laisser filer, mais ils ne pouvaient pas m’entendre. J’étais formidablement bien et je n’avais pas du tout le désir de revenir dans mon corps. Je suis ensuite passé dans un tunnel. Je baignais dans une lumière d’amour inconditionnel et mon bonheur était d’une puissance indicible. J’ai revu toute ma vie dans ses moindres détails et en accéléré. J’ai ressenti le bien et le mal que j’avais fait aux autres. J’ai rencontré un être de lumière d’une bonté infinie qui m’a demandé ce que j’avais fait de ma vie et ce que j’avais fait pour les autres. Mes parents décédés sont venus m’accueillir pour me dire qu’il fallait que je revienne dans mon corps car je ne pouvais malheureusement pas rester avec eux alors que je le souhaitais ardemment. Ils m’ont montré une frontière qui était une limite que je ne devais pas franchir. Au moment où j’ai réintégré mon corps, toutes mes douleurs terrestres sont revenues et j’étais terriblement triste de quitter cette merveilleuse lumière. Je suis maintenant très heureux car je sais qu’il y a une vie après la mort et qu’un jour je serai de nouveau dans cette lumière d’amour. Je sais aussi que, sur cette terre, le plus important est de savoir aimer et aider les autres. Cette expérience a bouleversé ma vie. Plus rien ne sera jamais comme avant.”

Les voyages vers l’au-delà

En vingt-cinq ans de réanimation, j’ai pu rassembler plusieurs centaines de témoignages de patients revenus d’une mort clinique. Le discours reconstitué dans les lignes précédentes est une synthèse condensée de ces différents récits ; une sorte de résumé regroupant les principales caractéristiques de ces singuliers voyages dans l’au-delà. La séquence événementielle décrite est presque toujours la même et ceci indépendamment des cultures, des philosophies, des lieux de vie ou des religions.

 

Il n’existe aucun facteur prédictif pour vivre l’expérience ; ni l’âge ni le sexe ni le niveau social ni les croyances ne permettent de dégager des prédispositions particulières pour connaitre cet extraordinaire événement. Pourtant, aucune histoire ne se ressemble vraiment car chacun exprime son vécu avec sa sensibilité et sa culture. Toutefois, les nombreux éléments récurrents que j’ai pu recueillir laissent penser que l’itinéraire est, à peu de choses près, toujours le même. C’est comme si on demandait à un jeune Esquimau, à une vieille Américaine ou à un quinquagénaire Sénégalais de raconter un voyage à Venise ; leurs histoires seraient fort différentes mais au total, on s’apercevrait assez rapidement qu’ils sont tous les trois partis visiter la même ville. Par exemple, un enfant victime d’un arrêt cardiaque dit avoir vu « un grand monsieur qui s’éclairait tout seul » pour décrire l’être de lumière. Certains rencontrent Jésus-Christ, d’autres Bouddha, la Vierge Marie ou encore le prophète Mahomet ; la divinité aperçue dans la lumière se métamorphose en fonction des croyances et des religions. Un élément est retrouvé dans cent pour cent des cas : pour ceux qui ont connu la chose, la vie se poursuit après la mort et l’au-delà existe. Ils en sont intimement persuadés et rien ni personne ne pourra leur faire changer d’avis. L’un d’eux m’a dit un jour :

Même si un scientifique parvenait à prouver par A plus B que mon expérience n’était qu’une hallucination, je ne le croirai pas une seule seconde car je suis certain au fond de moi que ce que j’ai vécu ce jour-là était bien réel ; cela n’avait rien à voir avec un rêve ou une hallucination !

Selon les dernières études statistiques1, ils seraient au moins 60 millions à avoir connu cette expérience transcendante après un arrêt cardiaque : 4 % de la population occidentale (2,5 millions de Français, 12 millions d’Américains), beaucoup moins dans les régions de la planète où les possibilités de réanimation sont quasi inexistantes. Il y a fort à parier qu’avec la banalisation de ce genre d’histoires et le développement des défibrillateurs automatiques, on assistera très rapidement à une multiplication des récits.

 

Dans une plus faible proportion de cas, il arrive aussi que les incursions dans l’au-delà ne soient pas vécues d’une manière aussi agréable et fantastique que cela. Michel Garant a par exemple gardé un épouvantable souvenir de son expérience anesthésique au cours de son pontage aortocoronarien pratiqué en semi urgence en 1997. Son récit montre bien tous les côtés négatifs de son expérience. Plusieurs études ont été menées pour essayer de comprendre pourquoi certains individus côtoyaient l’enfer plutôt que le paradis au cours de ces expériences et, ici encore, aucun facteur prédictif n’a pu être dégagé. Voici son courrier :

 

On ne sait jamais comment va se passer la traversée du miroir.

 

Le poète a écrit : « Je fais souvent un rêve étrange et pénétrant… ». Ce poème et bien d’autres accompagnèrent de leur musique le roulement du chariot qui me menait vers le bloc opératoire

 

Quel rêve allais-je faire ?

 

Les spots aveuglants, les bras en croix, les anges verts qui tourbillonnent autour de l’autel sacrificiel

 

Comme le pélican du poème, on allait déchirer mon corps jusqu’aux entrailles, jusqu’au cœur qui avait trop battu la chamade !!!

 

Une voix dit : « Fermez votre poing, je vais serrer au bras puis piquer votre meilleure veine, vous ne sentirez rien, ensuite comptez. »

 

Une brûlure légère courant dans la veine de mon bras gauche, j’ai compté : un, deux, trois, quatre, cinq, puis ce fut la descente moelleuse cotonneuse douce vers le néant… Le vide, l’absence, les nébuleuses. Je ne sais pas combien de temps dura mon errance insensible

 

Je m’éveillai soudain, minuscule et nu, glacé de l’intérieur plus que de l’extérieur. Je me retrouvais plaqué contre un mur vertigineux sans base, sans hauteur, sans commencement ni fin. Tout mon horizon n’était que ce mur granuleux et beige contre lequel une force inconnue me pressait, m’écrasait, me laminait… J’avais peur, j’étais seul, loin de tout, loin du monde, loin du bruit, seul, minuscule bébé nu dans un silence de glace… J’avais froid, tellement froid. Alors, terrifié, j’ai senti ce mur horrible bouger, basculer et m’entraîner vers le vide… J’allais tomber vers l’horreur absolu… C’était donc ça … la MORT… ou L’ENFER

 

Mais non, j’ai repris conscience dans mon corps de glace. J’entendais du bruit autour de moi, c’est si rassurant le bruit…Des voix d’anges qui disaient : « Il va se réveiller…. » J’avais froid, si froid, je voulais que l’on me recouvre d’une chaude couverture, mais j’étais dans une armature de glace, un corps qui ne me répondait pas et ne m’obéissait plus

 

Pourquoi m’avait-on enfermé dans ce corps inerte qui était ma prison ?

 

Je voulais gratter le drap sur lequel je reposais, mais impossible, mes mains, elles aussi, restaient de glace

 

Enfin j’ai pu articuler : « J’ai froid… »

 

 

Autre exemple : l’extrait du témoignage de C. L. – qui pour des raisons évidentes de confidentialité tient à conserver l’anonymat – illustre parfaitement ce que peut être une expérience infernale vécue pendant un arrêt cardiaque :

 

J’étais au plafond et je voyais l’anesthésiste me faire un massage cardiaque tandis que le chirurgien lui demandait ce qu’il fallait qu’il fasse. J’identifiais bien mon corps sur la table d’opération, mais il était comme un corps étranger qui ne m’appartenait déjà plus. Il y avait beaucoup de monde autour de moi pour essayer de me réanimer. Je suis ensuite entré dans une sorte de cône très obscur qui tournait en spirale et un courant très fort m’emporta vers l’extrémité de cet entonnoir. Au passage, je croisai des visages ridés et grimaçants qui semblaient appartenir à des gens qui souffraient terriblement. Plus je m’enfonçais dans ce cylindre qui devenait de plus en plus étroit, plus les gens souffraient. Ils criaient, mais aucun son ne sortait de leurs bouches. C’était terrible. Moi aussi je pouvais ressentir leurs souffrances […] Quand je suis enfin arrivé devant cette flamme immense, j’ai d’abord pensé que j’étais en enfer et que j’allais être brûlé tout de suite. Mais la flamme s’est mise à danser d’une drôle de façon et elle m’a enveloppé pour me demander comment j’avais aidé les autres. Je n’ai su quoi lui répondre. C’est à ce moment là que j’ai pris conscience que ma vie passée n’avait été qu’une suite de petits larcins et d’escroqueries minables. Je ne pensais qu’à m’enrichir en volant et en méprisant les autres. J’étais très malheureux car je n’aidais personne, surtout pas moi. Ma NDE2 m’a fait comprendre qu’on ne pouvait être heureux qu’en aidant les autres. C’est maintenant ce que je fais. Ma NDE m’a aussi donné la chance de pouvoir soigner avec mes mains. Je l’ai fait spontanément dès mon retour à la vie. Je soigne gratuitement et ça marche. Mes amis ne me reconnaissent plus car j’étais ce que l’on appelle un businessman qui ne pensait qu’au fric et maintenant je suis complètement dépouillé et, aussi et surtout, complètement libre. Je n’ai pas peur de mourir car je sais que j’aurai de bonnes actions à montrer quand je repasserai devant Dieu. La morale à tirer de tout ça, c’est qu’on ne peut être heureux qu’en aidant les autres, même en aidant quelqu’un à traverser la rue.

 

 

Djohar si Ahmed est psychanalyste et docteur en psychopathologie. Passionnée depuis longtemps par les états de conscience modifiée et les phénomènes télépathiques, elle est une des rares scientifiques à intégrer la dimension spirituelle dans ses diverses thérapies. Si on lui demande ce qu’elle pense de ces expériences infernales, elle répond :

 

Une NDE positive est un état de narcissisation remarquable, de fusion dans un amour absolu, dans une compréhension de soi-même quasi globale. Les NDE négatives sont à l’inverse, terme à terme, des NDE positives : ce qui était magnifique devient diabolique, ce qui était beau devient horreur et angoisse, ce qui était lumière devient ténèbres, le paradis devient l’enfer, etc. Le plus difficile pour la personne qui fait une NDE négative est alors d’en parler car il y a beaucoup de culpabilité en jeu ; si les autres vivent une expérience si belle et moi un voyage si terrifiant, c’est que je dois être un monstre ! C’est pourquoi il est très important d’informer les gens sur ce sujet afin qu’ils puissent intégrer cette expérience.

 

 

J’ai eu de nombreuses discussions avec des personnes qui ont vécu des expériences désagréables à la suite d’un arrêt cardiaque. Elles sont encore plus récalcitrantes à témoigner que celles qui ont eu de merveilleux ressentis de bonheur indicible ; il est vrai qu’il ni très avantageux ni très glorieux de prétendre que l’on a connu l’enfer ! J’ai pourtant remarqué que la grande majorité de cette population de « malchanceux » garde un souvenir plutôt positif de l’aventure ; ils n’ont notamment plus peur de mourir – ce qui pourrait sembler à première vue paradoxal compte tenu de ce qu’ils ont connu au moment où tout a basculé – et ont plutôt intégré leur expérience négative comme un avertissement de l’au-delà leur demandant de changer leur comportement terrestre en donnant de l’amour aux autres. Ces personnes sont persuadées qu’en modifiant du tout au tout leurs objectifs de vie, elles prendront un chemin différent de celui qu’elles ont connu au moment de leur mort provisoire ; certaines disent même avoir retrouvé une foi en Dieu perdue depuis bien longtemps. Bref, ces expériences de mort provisoires négatives sont plutôt dans ces cas vécues comme une bonne leçon donnée par l’au-delà.

L’expérience
n’est pas une hallucination

La majorité des scientifiques admettent encore aujourd’hui que cette expérience transcendante serait secondaire à un phénomène hallucinatoire produit par un cerveau défaillant privé d’oxygène et surchargé en gaz carbonique. Sans rentrer dans des détails trop techniques pour le lecteur qui n’a pas fait d’études médicales, je précise simplement que ces sceptiques suggèrent qu’un déficit d’oxygène dans un lobe cérébral occipital mal perfusé pourrait entraîner des visions de points lumineux évoquant l’extrémité d’un tunnel, tandis que les troubles métaboliques induits par une hypoxie3 neuronale prolongée provoqueraient des sensations de plaisir intense en activant des récepteurs morphiniques. Quant à la sensation de sortie de corps, elle serait induite par la stimulation d’une zone précise du cerveau : le gyrus angulaire droit. Un récit cohérent, bien que totalement fantaisiste, intégrant toutes les sensations fugitives perçues lors de l’expérience aux multiples souvenirs d’une vie serait ensuite spontanément reconstitué par un cerveau recouvrant toute son autonomie.

 

Ces explications ne tiennent pas la route bien longtemps lorsque l’on a une bonne connaissance de ce type d’expériences. Reprenons-les dans le détail.

 

Le déficit d’oxygène et l’excès de gaz carbonique

 

Nous savons que l’hypoxie et l’hypercapnie4 produisent des tableaux cliniques particuliers assez typiques regroupant une lenteur d’idéation, une irritabilité, des difficultés de concentration et des troubles de la mémoire, bref des comportements qui contrastent énormément avec les perceptions et la clarté mentale de ceux qui vivent une NDE.

 

Pim van Lommel5 a rapporté le cas très intéressant d’un homme dont on avait mesuré les taux sanguins en oxygène et en dioxyde de carbone au moment précis de sa NDE, secondaire à un arrêt cardiaque. Alors qu’il semblait totalement inconscient, le patient a clairement « vu » le médecin qui lui introduisait l’aiguille dans son artère fémorale pour analyser les gaz sanguins. Or, les résultats de cet examen étaient strictement normaux ; il n’y avait ni hypoxie ni hypercapnie. Le fait que cet examen se soit déroulé au moment même de la NDE – puisque le patient se trouvait en dehors de son corps pour observer la scène – démontre bien que les NDE ne sont pas plus secondaires à un manque d’oxygène qu’à un excès de gaz carbonique.

 

La vision d’un point lumineux induite par un lobe occipital mal perfusé crée une image qui ressemble à celle d’un écran qui s’éteint sur un vieux poste de télévision à tube cathodique ; l’intensité du spot lumineux s’amplifie brusquement puis décroît progressivement, avant de disparaître totalement. Il suffit d’interroger les rescapés de la mort pour se rendre compte que cette sensation d’extinction lumineuse de tube cathodique n’a absolument rien de commun avec l’indicible lumière d’amour surgissant au bout d’un tunnel. Celle-ci est au contraire d’une intensité et d’une importance croissante ; elle n’apparaît jamais comme un flash lumineux qui s’estompe peu à peu.

 

Au fond de ce couloir sombre dans lequel je m’enfonçais à une vitesse incroyable, il y avait cette lumière qui était plus puissante que mille milliards de soleils et qui pourtant ne m’éblouissait pas. Quand je me suis rapproché d’elle, elle m’a totalement entouré. Je baignais en elle. Cette lumière m’aimait. Elle me parlait par télépathie. Jamais de ma vie je n’ai rencontré quelque chose d’aussi puissant et d’aussi aimant que cette lumière divine. (Extrait du récit de Paul Brunet après son accident de moto.)

 

 

La stimulation des récepteurs morphiniques du cerveau peut effectivement donner des sensations de bien-être extraordinaires et produire un certain plaisir recherché par les morphinomanes. Mais, à ma connaissance, un shoot de morphine, aussi puissant soit-il, n’a jamais été suffisant pour modifier toute une vie de façon aussi radicale comme c’est le cas dans l’expérience qui nous intéresse. Effectivement, après cette aventure hors du commun, on assiste bien souvent à des bouleversements spectaculaires ; divorce, déménagement, changement de métiers, d’amis, de points d’intérêt, etc. Si l’expérience est totalement intégrée et acceptée, les relations aux autre sont bonifiées ; les personnalités deviennent plus aimantes, plus attractives ; certains disent avoir développé des facultés artistique, intuitive, médiumnique ou de guérisseur. On n’observe rarement cela chez un morphinomane !

 

La stimulation du gyrus angulaire droit induit une impression de décalé par rapport à son corps ; une vision autoscopique externe qui peut donner à la personne l’illusion de voir son corps comme si elle était à distance de celui-ci6. Cependant, ce phénomène hallucinatoire reproductible ne peut être assimilé à ce qui est vécu lors de l’expérience car certains sujets sont en mesure de décrire non seulement leur corps comme s’ils se trouvaient au-dessus ou à distance de celui-ci, mais également des détails précis impossibles à visualiser sans avoir eu la possibilité d’un éloignement physique comme, par exemple, une plaque cachée sous une table d’opération7, l’intégralité des gestes pratiqués par une équipe médicale au cours d’un arrêt cardiaque, le tiroir où fut rangé à la hâte le dentier de celui qu’on réanimait8, les numéros d’immatriculation du véhicule d’un chauffard pensant avoir laissé pour mort un piéton qui en fait avait tout « vu »9 et bien d’autres éléments du même ordre qu’il serait fastidieux de répertorier ici tant ils sont nombreux.

 

La reconstitution d’une histoire cohérente par un cerveau défaillant ne saurait expliquer comment certains sujets sont capables de décrire des situations exactes se déroulant à très grande distance de leur corps, comme par exemple une opération ayant lieu dans un bloc chirurgical voisin, la tenue vestimentaire et les postures de personnes patientant dans une salle d’attente10, le nombre de vélos rangés dans le parc d’un hôpital11 ou une scène bien particulière se déroulant dans un appartement situé à des kilomètres. Tout se passe en fait comme si la conscience des sujets réanimés était capable de traverser les murs pour visualiser des événements précis qui se sont avérés réels après de minutieuses vérifications.

 

Pendant que les pompiers pratiquaient mon massage cardiaque, j’ai quitté mon corps par le haut de mon crâne, j’ai traversé le mur du bloc et de l’hôpital pour me rendre chez mes parents qui pleuraient. Mon frère était aussi avec eux et cela m’a beaucoup étonnée de le voir là car il était depuis longtemps fâché avec papa et maman et refusait de les voir. Le plus fort, c’est que j’appris ensuite que mon frère était bien avec mes parents à ce moment-là. (Extrait du récit de Geneviève Rodriguez).

 

Comment un cerveau défaillant pourrait-il reconstituer une histoire dont il manque la plupart des éléments ? Où serait dans ce cas située l’information ? Le plus simple serait donc bien d’admettre l’existence d’une conscience délocalisée lors de l’expérience ; on conviendra volontiers qu’il n’existe pas une explication plus logique que celle-ci.

 

 

La rencontre avec les défunts

 

Il arrive très souvent que les sujets rencontrent des parents ou des amis défunts pendant leur NDE. Le plus troublant, c’est que dans certains cas ils ne savent pas au moment de l’expérience que ces connaissances étaient déjà décédées ! Ils n’en reçoivent la confirmation qu’à leur retour12 ! Il est évident que cette étonnante information ne peut être donnée par le biais d’une hallucination.

Plus surprenant encore, le cas de Mathieu Meilleur qui a aussi rencontré au cours de sa NDE une entité qu’il ne connaissait absolument pas. Plusieurs jours après son expérience, sa petite amie lui montre « par hasard » la photo de son ancien compagnon tué dans un accident de moto. Mathieu Meilleur reconnaît tout de suite le malheureux motard comme étant l’entité qui s’était présentée à lui dans sa NDE !!!

 

 

Les NDE chez les aveugles

 

Autre argument pour contrecarrer la thèse hallucinatoire :les aveugles sont en mesure de donner des informations visuelles relatives à leur réanimation. Que leur handicap soit congénital ou acquis, ils trouvent ou retrouvent la vue pendant leur NDE. Plusieurs chercheurs13 se sont penchés sur cette incompréhensible performance sans pouvoir en donner la moindre explication. Comment serait-il possible de « voir sans les yeux » ?

 

Lorsque l’on m’interroge sur les NDE pour des documentaires ou des reportages télévisés, il apparaît systématiquement après mon intervention un confrère psychiatre, neurologue ou réanimateur qui contredit mes conclusions sur l’hypothèse d’une conscience délocalisée en défendant la thèse hallucinatoire du cerveau défaillant. Il est amusant de constater que le journaliste présente généralement mon collègue contradicteur par un péremptoire : « Voyons maintenant quel est l’avis d’un scientifique ! » alors que ledit « scientifique » a fait les mêmes études universitaires que moi et que je m’intéresse au sujet depuis beaucoup plus longtemps que lui. C’est à croire que pour le commentateur en question, un médecin réanimateur qui évoque l’existence d’une conscience délocalisée ne peut pas être un scientifique !

Ils sont bien revenus de la mort !

Les sujets qui ont vécu ces expériences sont bien revenus de la mort.

 

La mort clinique est définie par l’arrêt du fonctionnement cérébral. Cet état peut être objectivé par l’enregistrement d’une activité électrique neuronale nulle ;électroencéphalogramme (EEG) plat. Lorsque l’on obtient deux EEG plats à quatre heures d’intervalle pendant au moins vingt minutes – en dehors des conditions de narcose (produits administrés en intraveineux pour faire dormir) ou d’hypothermie –, on considère que la mort clinique est devenue irréversible. Dans ces conditions, on est en mesure de débrancher le patient du respirateur ou de lui prélever ses organes pour des dons. En fait, cet état correspond à nos limites actuelles de réanimation et il est probable que d’ici quelques décennies, celles-ci soient complètement dépassées. Il ne faut pas oublier que les médecins des générations précédentes ne pratiquaient pas les massages cardiaques et se contentaient de signer un certificat de décès chaque fois qu’un cœur cessait de battre.

Depuis peu, nous savons qu’un EEG devient plat dans les quinze secondes qui suivent un arrêt cardiaque. Étant donné que dans les meilleures conditions de surveillance – comme c’est le cas en soins intensifs –, il existe une période incompressible d’au moins une minute pour porter les premiers secours, on peut considérer que toutes les victimes réanimées après un arrêt cardiaque ont bien connu une mort clinique. Et c’est sans compter les personnes isolées à la campagne dont les cœurs sont repartis au bout de plusieurs dizaines de minutes après l’intervention du SAMU le plus proche !

 

Nos études ont montré qu’environ 18 %14 des sujets réanimés d’un arrêt cardiaque racontaient la fameuse expérience décrite au début de ce chapitre. Les termes de near death experience (NDE) employé par les Anglo-Saxons depuis les années soixante dix, d’expérience de mort imminente (EMI) ou encore d’expérience aux frontières de la mort (EFM) sont par conséquent aujourd’hui complètement dépassés. Il est désormais plus juste de parler d’expérience de mort provisoire (EMP). La mort clinique est en effet déjà là quand les patients sont réanimés puisque l’activité cérébrale est nulle dès le moment du premier massage cardiaque. Le propriétaire d’un cœur arrêté n’est pas « proche de la mort » ni « aux frontières de la mort » ou en « état de mort imminente » ; il est déjà mort et souvent depuis de nombreuses minutes !

 

Je connais par cœur le discours de mes détracteurs qui me disent : « Ces gens n’étaient pas morts puisqu’ils sont revenus ! » ou encore « Ce n’est pas parce qu’il n’y a aucune activité électrique décelable que le cerveau ne fonctionne plus. Il existe peut-être une activité résiduelle que nous sommes encore incapables de mesurer ! »

 

Sur le premier point, la réponse est facile. La définition de la mort clinique est sans équivoque et nous avons désormais la preuve objective qu’un cœur arrêté signe en moins d’une minute l’arrêt de toute activité cérébrale décelable. Les sujets sont revenus de ces états de mort clinique parce que des réanimateurs sont allés les chercher. Si personne ne les avait réanimés, ils ne seraient jamais revenus ! N’en déplaise à beaucoup, ils ont bien connu la mort et 18 % d’entre eux nous racontent un voyage presque en tous points identique.

 

En ce qui concerne l’activité cérébrale résiduelle indétectable, même si l’on suit cette proposition difficilement opposable, il n’en demeure pas moins qu’elle n’explique en rien comment en période d’arrêt cardiaque, un cerveau aussi déficitaire serait en mesure de produire un état de conscience plus performant que lorsqu’il se trouve dans les situations habituelles de bon fonctionnement ; possibilité de déplacement dans le temps et dans l’espace, traversée de murs, télépathie, etc.

 

Soixante millions de personnes revenues de la mort auraient donc la possibilité de nous décrire l’au-delà. Au milieu de tous ces récits fantastiques se glisseront nécessairement les discours d’illuminés ou de charlatans qui tenteront d’exploiter le filon. À nous de savoir les identifier avec un maximum de vigilance, de prudence et de discernement. Les preuves scientifiques d’une vie après la vie ne reposant que sur des témoignages, la plus grosse difficulté sera de trouver les outils pour dédouaner les impostures.

 

La plupart des médecins pensent que le cerveau est une sorte de glande qui sécrète de la conscience comme le pancréas produit de l’insuline, si bien qu’il leur est totalement impossible de concevoir qu’au moment où cet organe cesse de fonctionner, une conscience soit encore possible. Le cas unique et incontestable rapporté dans le chapitre suivant démontre formellement le contraire. Ce phénomène hors du commun observé lors d’une opération du cerveau révolutionne tous nos paradigmes sur la mort. Il a fait l’objet d’une publication le 15 décembre 2001 dans la très sérieuse revue à comité de lecture « The Lancet »15. Cette revue n’a rien d’ésotérique, et pourtant, l’article en question rédigée par le cardiologue Pim van Lommel prouve qu’une conscience, et donc une vie, est encore possible après une mort cérébrale avérée ; cette donnée à elle seule nous plonge dans un abîme de réflexions sur ce qui pourra nous arriver au moment de notre mort.

1 Institut Gallup 1993, US News and Word Report 1997, INA Schmied 1999.

2 Near death experience appelée encore expérience de mort imminente ou EMI. Les personnes ayant vécu ces NDE ou EMI étant appelées des expérienceurs.

3 Manque d’oxygène.

4 Excès de gaz carbonique.

5 Le Dr Pim van Lommel est un cardiologue des Pays-Bas qui a consacré beaucoup de son temps pour étudier les NDE.

6 BLANKE O., ORTIGUE S., LANDIS T., SEECK M., Stimulating illusory own-body perceptions, Nature, 2002, 419, pp. 269‑270. Et aussi par les mêmes auteurs, Out-of-body experience and autoscopy of neurochirurgical origin, Brain, 2004, 127 : 243‑258.

7 Récit de la NDE de Jean Morzelle ( MORZELLE J., Tout commence après. Mes rencontres avec l’au-delà, éd. CLC, 2007)

8 VAN LOMMEL P., VAN WEES R., MEYERS V. et ELFERIH I. Neardeath experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands, The Lancet, vol. 358 (2001).

9 CHARBONIER J.-J., L’après-vie existe, éd. CLC, 2006, p. 70‑73.

10 BLUM J., La science devant la survie de l’âme NDE expérience, éd. Alphée, 2010, p. 42.

11 MORZELLE J., op. cit.

12 BLUM J., La science devant la survie de l’âme NDE experience, éd. Alphée, 2010, p. 67.

13 RING K. and COOPER S. Near-death and out-of-body experiences in the blind : a study of apparent eyeless vision. Journal of Near-Death Studies, vol. 16 (1998) et Mindsight : Near-death and out-of-body experiences in the blind, éd. William James Center for Consciousness Studies, 1999.

14 VAN LOMMEL P., VAN WEES R., MEYERS V. and ELFERICH I. op. cit.

GREYSON B., Incidence and correlates of near-death experiences in a cardiac care unit. General Hospital Psychiatry, Vol. 25 (2003).

15 Voir également le Journal of Near-Death Studies, vol. 25, no 4 (2007) entièrement consacré à ce cas.