La génération de mon père allait créer en à peine vingt-trois mois des frontières artificielles et des nations tout aussi artificielles qu’elles délimitaient.
Le nouveau Grand Liban allait être arraché à la Syrie, le 30 août 1920, jour de sa création, par le général Henri Gouraud. L’existence de la Yougoslavie, le prétendu royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes allait être promulguée le 28 juin 1921. Le traité anglo-irlandais entérinant la partition de l’Irlande était signé moins de six mois plus tard, le 6 décembre.
La ligue des nations approuva le mandat anglais sur la Palestine en incorporant les termes de la déclaration Balfour, le 22 juillet 1922, onze mois après l’intronisation par les Anglais de Fayçal, fils du chérif Hussein, nommé roi d’Irak. […]
Les Serbes et les Croates entrèrent en guerre presque aussitôt. De farouches émeutes éclatèrent en Irlande pendant que les nationalistes irlandais commençaient à se déchirer entre eux dans une guerre civile. À partir des années 1930, les Anglais en Palestine combattaient une révolte des Arabes, furieux de voir leur pays soumis à une partition et attribué comme « foyer national » aux Juifs. […]
Tels étaient les cadeaux de la guerre que mon père avait offerts au monde.
Robert Fisk, La Grande Guerre pour la civilisation,
traduit par Laurent Bury, Marc Saint-Upéry, Alain Spiess,
© Éditions La Découverte, 2005