– Des froufrous ? Mais ça existe encore cette chose ? Tu ne veux pas non plus qu’on se mette un petit bandeau rose dans les cheveux, des socquettes blanches, une jupette et des ballerines ? Réfléchis Daphné, enfin !
13 h 15. Me voilà devant la salle Aristote. Un peu en retard. Je pourrais peut-être feindre cette fois-ci de m’être perdue, la pauvre nouvelle qui se sent si petite dans un établissement si grand, mais personne n’en sera dupe. Ça me gonfle d’être là. Déjà, le bal en lui-même ne m’enchante guère. Mais alors la préparation… En plus, je n’ai jamais été douée de mes dix doigts, hormis pour le dessin. Rien que couper une feuille droite c’est la cata. Alors le reste…
– Oh, tu m’écoutes quand je te parle ? Tu fais quoi, là ? Tu crois qu’on n’a que ça à faire, être espionnée par une paumée ?
Je lève la tête, c’est bien à moi qu’elle s’adresse. Une paumée. Ça se voit tant que ça ?
– Je suis Axelle, Axelle Dekhran… On m’a dit de venir aujourd’hui pour…
– Ne reste pas là alors ! Entre, qu’est-ce que tu attends ? La fin de la réunion ? Tu étais censée venir à 13 heures !
– Oui, je sais mais…
Elle lève une main et présente sa paume face à mon visage. Décidément, après Alicia, cela semble être une mode.
– Ne nous ennuie pas avec tes excuses, on n’a pas le temps. Va t’asseoir et prends des notes.
Je me dirige tête baissée vers la chaise qu’elle me désigne. Je n’ai aucune envie de croiser le moindre regard, je dois être risible. Je ne m’attendais pas à être reçue les bras ouverts, mais je ne pensais pas non plus être traitée ainsi.
Kimberley est une jolie fille. Ses longs cheveux blonds sont retenus par un élastique serré. Elle porte un chemisier blanc, une jupe crayon et des talons. Une certaine autorité se dégage d’elle, sans qu’elle ait besoin de dire ou de faire quoi que ce soit. Pas le genre de fille à se retrouver avec un pichet d’eau sur la tête…
– On ne croirait pas comme ça, mais Kimberley est cool. Perfectionniste, angoissée, chieuse, mais cool.
Je lève les yeux, surprise par la sonorité grave de la voix. Un garçon, assis juste devant moi. Depuis quand le genre masculin se soucie-t-il des histoires de préparation de bal ?
– On ne croirait pas comme ça, mais je suis ponctuelle.
Il rit doucement, avant de me tendre la main.
– Paolo, enchanté.
– Axelle, je réponds en lui serrant la main.
Il me fait un clin d’œil avant de se retourner.
Finalement, ces préparations seront peut-être sympathiques.
Le reste de l’heure passe étrangement vite. Nous sommes une vingtaine et l’ambiance, même si elle est studieuse, est à la bonne humeur. Tout le monde semble habitué au caractère de Kimberley. Elle s’agite dans tous les sens, ne tient pas en place, craint d’oublier quelque chose : nul doute, elle prend son rôle à cœur. J’imagine les nuits blanches qu’elle va passer à l’approche de la date fatidique, à tout se repasser en tête, s’assurant que tout sera parfait. Après avoir fait l’inventaire de ce qui leur reste des précédentes années, ils font une liste des besoins actuels, ainsi qu’une ébauche de planning. Je découvre que la date est fixée au 3 juillet, ça se rapproche, il est urgent de s’y mettre. Je me contente de prendre des notes, incapable de savoir ce qui peut être, ou non, utile. D’ailleurs, pour être honnête, je ne pensais pas qu’organiser un bal demandait autant de choses : il faut trouver des décors à petit prix, quelqu’un qui accepte de faire la sono gratuitement, des personnes pour préparer la salle, c’est-à-dire en retirer tout le matériel de sport – ça se fait au gymnase –, placer des tables pour le buffet, qui est aussi à préparer, garder quelques chaises mais pas trop, pour ne pas donner envie aux personnes de s’asseoir plutôt que de danser, mettre des éclairages… ça donne le tournis.