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– Il se passe quoi avec mon frère ?

Je regarde Sarah, dans la cour du lycée, surprise. Je ne l’avais pas encore vue depuis le week-end dernier, et je la croise rarement entre les cours. Qu’a-t-elle vu ? Qu’imagine-t-elle ?

– Rien, pourquoi ? Je… je ne comprends pas !

– Arrête ! Je vous ai bien vus tous les deux chez toi lors de l’anniversaire de ta mère ! Lui qui n’arrête pas de te regarder, toi qui ne cesses de l’éviter, qui s’embrase à son contact et qui me reproche de ne pas t’avoir dit qu’il était mon frère !

Je sens mes joues devenir de plus en plus rouges. Ainsi, il me regardait… Sa remarque me trouble mais j’essaie de garder la tête froide.

– Mais non ! J’aidais ma mère, et j’ai eu mal à la tête, j’ai souvent des migraines…

– À d’autres ! Et votre petit manège au moment de partir ! Jamais je n’ai vu quelqu’un prendre autant son temps que lui pour faire une bise ! Et tu aurais vu ta tête juste après !

Ainsi, je n’avais pas rêvé, et mon imagination ne me jouait pas des tours.

– Tu te fais des films, là. Il n’y a absolument rien, je le connais à peine. On s’est déjà croisés au lycée, c’est tout, et à la maison quelques fois quand il prend sa douche, comme tu dois déjà le savoir.

– Et pourquoi il me pose des questions sur toi ?

– Sur moi ? Il demande quoi ?

Je la regarde, bouche bée. Je sens mon rythme cardiaque accélérer, une nouvelle fois. Il s’intéresse à moi !

– Ah, tu vois, ça ne te laisse pas indifférente ! me répond-elle, un sourire mutin aux lèvres.

– Mais non, je suis surprise, c’est tout.

Ma voix tremble. Je regarde les élèves autour de nous, je suis incapable de croiser son regard. La sonnerie de reprise des cours retentit.

– Tu t’en tires bien pour cette fois. Mais je ne lâcherai pas le morceau, je suis sûre qu’il y a quelque chose… et l’idée de t’avoir pour belle-sœur ne m’est vraiment pas désagréable !

Elle me glisse un clin d’œil avant de partir. Je tente un sourire mais mes lèvres restent crispées. J’ai chaud. Je sens la transpiration qui coule dans mon dos, je déteste ça.

 

Il me reste vingt minutes avant la réunion avec madame-j’organise-le-bal. J’en profite pour me rendre aux toilettes afin de me rafraîchir un peu. Finalement, cette punition ne me dérange pas tant que ça. Je découvre un autre monde, je vais pouvoir rencontrer d’autres personnes et m’occuper m’empêchera de ressasser. Au moment où je touche la poignée de la porte, cette dernière s’ouvre violemment. Une crainte me tord l’estomac quand je vois la personne entrer : Alicia. Ses yeux sont rouges, son maquillage a coulé. J’ai seulement le temps de reculer de deux pas afin d’éviter le choc.

– Dégage, le clown, me lance l’une de ses copines.

Alicia tourne au même moment la tête vers moi. Elle ne m’avait pas vue. Si ses yeux pouvaient me tuer, elle le ferait. Elle s’approche de moi, son visage est à quelques centimètres du mien. Je sens son souffle sur ma peau. Sa voix est encore plus agressive que d’habitude.

– Répète ça à qui que ce soit, et ta vie sera un enfer, Axelle. Le pichet d’eau, à côté de ce qui pourrait t’arriver, ce n’est rien.

Je ne prends pas le temps de réfléchir et m’échappe aussitôt. C’est seulement une fois que je me suis éloignée des toilettes que je me rends compte que j’ai bloqué ma respiration. J’inspire un grand coup, expire. S’il y en a bien une que j’imaginais incapable de pleurer, c’était Alicia.

Pourquoi fallait-il que je sois là, juste à ce moment ?

 

Quand je m’approche de la salle de réunion, je croise Paolo, surpris de me voir là. Il m’apprend que la réunion a finalement été annulée et reportée à la fin de la semaine, Kimberley est souffrante. J’aurais aimé le savoir plus tôt, je ne serais pas restée pour rien au lycée et je serais rentrée directement chez moi. Mais il semblerait qu’Arthur, le surveillant, ait oublié de m’avertir… seulement moi. Comme par hasard.

Le soir, à la maison, je ne peux pas m’empêcher de repenser à Alicia. Pourquoi pleurait-elle ? Que pouvait-il lui être arrivé ? Et sa menace… comme si j’avais envie de raconter ça à qui que ce soit.

Ma vie n’est déjà pas terrible ici, je n’ai pas envie d’aggraver ça.