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Ces derniers jours, j’en viendrais presque à trouver le lycée plaisant. Natasha m’ignore, ce qui me va plutôt bien, je ne croise Alicia et sa clique que de loin. M. Pirengro me laisse tranquille depuis qu’il se rend compte que mes notes sont plutôt bonnes. Paolo me fait rencontrer différentes personnes du lycée, ce qui me donne l’impression d’être moins invisible. Je devrais me sentir joyeuse, mais quelque chose cloche : je n’ai pas revu Yassine. Son regard triste, lors de notre dernière discussion, me hante : était-il vraiment malheureux ou n’est-ce que le fruit de mon imagination ? Je n’ai évidemment pas osé poser la moindre question à sa sœur, moins bavarde qu’à l’accoutumée, qui ne m’en a pas parlé non plus.

– Envoie-lui un message sur Facebook, me conseille Inès.

Après avoir pesé longtemps le pour (c’est moi qui me suis montrée désagréable la dernière fois, pas lui, j’ai peur de l’avoir vexé et comme Lorenzo s’entend bien avec lui, autant poursuivre sur de bonnes bases) et le contre (il va croire que je m’intéresse à lui, alors que c’est – évidemment – faux), après avoir écrit quinze messages et en avoir effacé quatorze, je clique avec appréhension sur la touche « entrée ». J’observe fébrilement mon message s’afficher dans la fenêtre de conversation. J’opte pour l’ironie, et j’ajoute un smiley au cas où il ne le remarquerait pas.

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J’attends. Une minute. Deux minutes. Vingt minutes devant la fenêtre de conversation qui reste vierge. Nous sommes vendredi, il a un entraînement de natation normalement, jusqu’à 20 heures, il ne le verra pas avant. Pourtant, je suis incapable de fixer mon attention ailleurs que sur l’écran de l’ordinateur.

C’est finalement l’appel de maman m’informant que le repas est prêt qui me décide à m’en détacher.

 

Le soir, quand je remonte dans ma chambre, je vois que le message a été lu quinze minutes plus tôt. Aucune réponse pourtant. Je me sens triste. Triste et en colère, contre moi. Pourquoi ai-je écouté Inès ? Pourquoi lui avoir écrit ce message ? Il se fiche de moi, complètement. Alors pourquoi prendrait-il en plus la peine de me répondre ? À tous les coups, il s’est marré en lisant ce que je lui ai écrit, en se disant que je ne suis qu’une pauvre fille.

*

Le week-end est passé rapidement. J’ai eu quelques nouvelles de Paolo, on commencera la distribution des tracts pour le bal lundi matin, à l’entrée du lycée : il faudra que j’y arrive un peu en avance.

Le bal. J’y pense de plus en plus. Il faut dire qu’en plus de la préparation, les filles ne me parlent que de ça. Sarah croule sous les invitations, Capucine y va avec Quentin, un garçon qu’elle fréquente depuis cinq mois déjà, Marine attend encore une invitation… comme moi. Si au début je n’avais pas la moindre envie de m’y rendre, je dois avouer que plus on s’en rapproche, plus l’idée me semble sympa. En plus, j’ai déjà ma robe… et les chaussures qui vont avec (j’ai craqué il y a une semaine en faisant des courses avec maman : une paire de sandales blanches avec un petit talon).