Gaétan Frigon,
d’après Hélène Héroux
Nous sommes ensemble depuis bientôt 25 ans. Vingtcinq années de bonheur.
Plusieurs me demandent s’il est difficile de travailler avec son conjoint. Dans notre cas, nous avons des expertises différentes qui se complètent. On se passionne pour les mêmes choses, mais de façon différente, en affaires comme dans la vie. En fait, nous sommes ensemble sans prendre la place de l’autre et sans se piler sur les pieds.
Gaétan est un homme d’idées, de vision et de passion. Quand un projet prend forme dans son esprit, il en voit parfaitement les contours et peut ainsi saisir les possibilités qui en découlent. Pour ma part, je suis plutôt quelqu’un d’opération. Je sais comment transformer une idée en réalité. Gaétan dit souvent qu’il voit la forêt alors que je vois les arbres qui nous mènent à travers celle-ci. C’est très vrai!
Puis, plus nous sommes ensemble, plus nous sommes heureux. Ça a toujours été comme ça depuis que l’on se connaît. Rarement les affaires nous ont-elles séparé l’un de l’autre. Quand Gaétan était à la SAQ ou à Loto-Québec, je l’accompagnais dans ses tournées et dans ses voyages. Même en VR… Ça impliquait évidemment que mes journées devaient débuter tôt le matin, se prolonger tard le soir, et même se poursuivre les fins de semaine pour éviter de négliger le travail du bureau. Et ce mode de vie nous allait très bien.
Au bureau, il y a énormément de respect entre nous deux. Nous avons ce que je pourrais appeler nos champs de compétences. Si une décision doit être prise dans le mien et que j’estime qu’il faut procéder de telle façon mais que Gaétan n’est pas d’accord, il m’explique simplement son point de vue.
À la fin de la discussion, je prends la décision finale et il l’accepte. Et vice-versa, ce qui est merveilleux ! Si jamais l’un de nous avait tort, jamais l’autre ne lui reprochera ou ne lui dira : « Je te l’avais bien dit. Tu n’as pas voulu m’écouter… » Mais s’il y a une décision importante à prendre, nous la prenons ensemble et nous devons être entièrement d’accord tous les deux avant d’aller de l’avant.
Gaétan aime la vie et l’amitié est importante pour lui. Il ne fait partie d’aucune « gang » de gars, car il aime la diversité de l’amitié. Il s’intéresse à la politique américaine, européenne, canadienne et québécoise. Il est à l’affût de ce qui se passe non seulement dans le milieu des affaires, mais aussi dans le monde plus technique des ordinateurs ou de la domotique. D’ailleurs, avec son dernier gadget, nous pouvons programmer à distance le chauffage, les caméras de sécurité, les rideaux, les lumières et l’alarme de notre maison de campagne, peu importe l’endroit où nous sommes sur la planète.
Gaétan est également un excellent bricoleur. Il peut faire l’électricité et la plomberie d’une maison de A à Z. Il est aussi très bien équipé pour plusieurs sports, même s’il n’est pas sportif… Il aime tout ce qui est d’actualité et n’a pas peur d’émettre son opinion. Et il peut le faire sur presque tous les sujets.
En outre, quand il entre dans un projet, il y va à fond. Comme dans cet épisode de notre vie où Gaétan « l’homme d’affaires » est devenu Gaétan, « le gentleman farmer »…
L’endroit était magnifique. Une maison ancestrale et une grange surplombaient le terrain de 150 acres avec une vue imprenable sur les montagnes de Orford, Bromont et Owl’s Head. Nous y avions élu domicile pendant cinq ans et à peu près tous les animaux y sont passés : chevaux, cochons, chèvres, veaux, lapins, poules à pondre et poulets de grains. N’ayant aucune expérience dans ce domaine, nous avons vite réalisé que, par exemple, les poulets achetés chez notre voisin étaient, dans 50 % des cas, des coqs. Inutile de préciser que la production d’oeufs était négligeable.
Nous avions également acheté une brebis en gestation. Nous la laissions dormir à l’intérieur de la grange pour qu’elle puisse mettre bas dans un environnement sécuritaire. Après une semaine, comme rien ne s’était encore passé, nous l’avons laissée sortir pour qu’elle puisse profiter de l’air extérieur. Elle s’est rendue à l’autre extrémité du champ, où elle s’est couchée au sol, essayant de mettre bas. Mais elle n’y arrivait pas.
Nous nous y sommes précipités. Et, avec le jeune voisin qui nous aidait à entretenir la ferme, Gaétan a tiré délicatement le petit qui se présentait. Un premier mouton était né. Alors que nous nous dirigions rapidement vers la grange pour mettre la mère et l’agneau en sécurité, la femelle s’est recouchée au sol. Un deuxième petit s’est présenté.
« Son cordon ombilical saigne. Il faut mettre le doigt ici », lui dit le jeune. Ce qu’il fit… Aussitôt le saignement arrêté, les deux hommes ont pris chacun un petit et se sont dirigés vers la grange avec la mère qui les suivait. Ils y ont installé les animaux et, contents de ce succès, ils sont sortis prendre un peu d’air frais. Je suis restée pour admirer le spectacle, quand soudainement, la femelle est entrée de nouveau en douleurs et a mis bas un troisième agneau.
Je repense encore à Gaétan, quelques mois plus tard, qui, à quatre heures du matin, ramenait sous les bras deux petits moutons. Ils étaient passés en dessous de la clôture électrique et savouraient mes légumes du jardin.
Il y a aussi eu cette péripétie où nous avons dû faire des battues pour trouver nos veaux qui s’étaient enfuis. Ils s’étaient rendus sur la voie ferrée, où un train les avait frappés. Ou encore cette fois, lors d’une autre fouille pour retrouver notre chèvre qui s’était échappée, effrayée par un coyote qui passait par là. Il y a enfin cette autre fois, alors qu’assis sur son tracteur, Gaétan essayait de perfectionner son « art » de la conduite en tentant de ramasser, avec la pelle de sa « pépine », une cannette vide de liqueur sans abîmer le terrain ou la cannette.
Que de bons souvenirs ! Il a toujours la passion de s’investir à fond dans l’aventure. Voilà qui décrit bien le Gaétan que j’aime.
Mon père,
d’après Michel Frigon
Mon père nous a toujours fait confiance. Il est comme ça. Cela n’a d’ailleurs rien à voir avec de la crédulité. Il fait confiance parce qu’il sait, parfois mieux que nous, ce dont nous sommes capables. C’est vrai qu’il a toujours beaucoup travaillé et qu’il n’était pas très souvent à la maison quand ma soeur et moi étions jeunes. Mais il savait ce qui se passait et il s’intéressait à nos projets et à notre développement. Si je trébuchais, il savait me faire comprendre qu’une erreur de parcours peut arriver, mais surtout, il m’expliquait qu’il fallait passer par-dessus et aller de l’avant. Il appuyait ses enfants et les laissait vivre leurs expériences.
Par exemple, il m’a très tôt laissé conduire la voiture. Aussitôt que j’ai été en âge d’obtenir mon permis, il m’a poussé à aller le chercher. Plus encore, il me prêtait son auto, ce qui est génial quand on est adolescent. Or, il est arrivé ce qui devait fatalement arriver : j’ai eu des accidents. Jamais il ne m’en a fait le reproche. Pourvu qu’il n’y ait pas de mal, il me redonnait les clés, dès que possible, pour que je reparte.
Je me souviens, entre autres, de cette fois où je devais aller le chercher à l’aéroport. Il m’avait prêté sa voiture pendant son séjour à l’extérieur. Une belle Audi presque neuve. Je devais avoir 17 ou 18 ans. Ce soir-là, je l’attendais, seul, à sa descente d’avion.
— Tiens! Ta soeur n’est pas venue ? m’a-t-il demandé après les retrouvailles.
— Non, ai-je répondu. Il n’y aurait pas eu assez de place dans la voiture.
— Pourtant, on n’a pas plus de bagages qu’au départ.
L’auto aurait-elle « rapetissé » pendant mon voyage?
— Ouais… C’est que… elle est au garage. J’ai eu un petit accident. J’ai donc pris la petite et il n’y a pas assez de place pour tout le monde.
— Tu n’as rien eu? Personne n’est blessé ? s’est-il inquiété.
— Non… Juste la voiture, ai-je ajouté, un peu penaud.
— OK! Rien de grave, donc… Alors raconte-moi ce qui s’est passé d’autre pendant mon absence…
Et voilà comment il était et comment il est encore. Pas de sermon, pas de chicane. On évalue ce qui s’est passé et on continue.
J’ai maintenant la chance de travailler avec lui depuis 1999, et il est comme ça aussi au bureau. Il nous laisse aller et il nous fait confiance. Pendant mes premières années, il n’était pas très présent. Il était alors à la Société des alcools du Québec ou à Loto-Québec, ce qui lui laissait peu de disponibilités pour le reste.
Mais quand est arrivé le dossier de Golfotron, il m’a rapidement impliqué. Et là, nous avons énormément travaillé ensemble. Mon père est, plusieurs en seront peut-être surpris, un manuel. Il aime bricoler. Quand j’étais plus jeune et qu’il était à la maison (non, il n’était pas toujours à l’extérieur !), il faisait souvent des rénovations. J’allais l’aider, car j’aime aussi travailler de mes mains, et il me montrait comment faire. Bref, aux premiers temps de Golfotron, il fallait tout monter, tout concevoir, tout bâtir et nous l’avons fait ensemble.
Nous avions installé un prototype au bureau. Nous étions dans l’action et nous avons vu grandir ce produit, de façon très concrète, au fil des mois, des années et des changements de technologie. Je suis très fier de ce que nous avons créé.
Tout cela pour dire qu’aujourd’hui, je suis proche de lui. Avec ma famille, nous allons souvent le voir à sa maison de campagne. Il nous accueille toujours avec plaisir.
Mon père n’est peut-être pas le type le plus chaleureux ou le plus démonstratif qui existe. Loin de là, en fait. Mais je sais qu’il nous aime et qu’il est fier de nous. Je sais aussi qu’il sera toujours présent si nous avons besoin de lui. Voilà comment il est…
Mon père,
d’après Marie-Claude Frigon
Je travaille avec mon père et Hélène chez Publipage depuis octobre 2001. J’ai la chance de pouvoir travailler trois jours par semaine depuis la maison, ce qui est, avec les obligations d’une famille, un avantage considérable.
Comment est mon père comme employeur?
Curieusement, je n’ai pas beaucoup de rapports avec lui. Mes fonctions font en sorte que je suis plus souvent avec Hélène. Comme je m’occupe des relations avec les éditeurs et des questions de crédit, je suis en contact avec une autre réa - lité que celles des visions de développement ou de financement d’entreprise qui sont les domaines de mon père.
Une de ses grandes qualités, c’est qu’il nous donne toujours l’heure juste. Il le fait maintenant, mais il le faisait aussi quand nous étions jeunes, Michel et moi. Il nous a toujours fait confiance, mais il a surtout, selon moi, accepté que nous puissions avoir des vues ou emprunter des chemins différents des siens. Il a ce respect des autres.
Ce qui n’implique pas qu’il me laissait tout faire. Au contraire ! Cela signifie simplement qu’il avait (et a toujours) cette ouverture d’esprit indispensable pour comprendre le point de vue des autres sans les juger.
Je dirais aussi que mon père est un homme d’action, autant en affaires qu’à la maison, mais qu’il a aussi beaucoup de compassion, bien que je ne sois pas certaine que ce soit le bon mot. Laissez-moi vous raconter une petite histoire. Elle s’est passée quand j’avais cinq ou six ans. Nous résidions à Brossard, où nous avions une petite chienne du nom de Noisette. Un soir d’hiver excessivement froid, du genre à fendre les pierres, la chienne était dehors à s’amuser bizarrement avec un petit chien. À cet âge-là, je ne comprenais pas leur jeu, mais je voyais bien que les deux animaux semblaient pris ensemble et, surtout, qu’ils gelaient. J’ignorais complètement à l’époque que ma petite Noisette était en chaleur, pour la première fois d’ailleurs. Je ne savais pas non plus que les deux bêtes s’accouplaient et, surtout, qu’il leur était impossible de se séparer tant que le mâle n’aurait pas terminé son… Enfin bref, vous voyez ce que je veux dire!
Voyant cela, mon père est sorti dans cette soirée sibé - rienne, a délicatement saisi les deux chiens, et les a entrés dans le vestibule de la maison. J’étais impressionnée. Mon père, j’en étais certaine, venait de sauver la vie de Noisette et, du même coup, celle de son ami. Pendant de longues minutes, les deux chiens sont demeurés pris ensemble dans le portique. Toutes les deux minutes je crois, j’ouvrais la porte pour voir comment ils étaient, même si mon père devait me dire de ne pas les déranger. Il ne fallait pas interrompre la nature…
Quelques mois plus tard, quand Noisette a accouché de ses petits, mon père était encore à la maison. Il a installé la chienne et a même placé une bouillotte chaude près d’elle pour que son environnement soit aussi confortable que possible. Voilà comment est mon père. Attentif à ceux qui l’entourent, même si ce n’est que le petit chien de la maison.
En réalité, cela prouve, selon moi, que mon père n’a pas de jugement préconçu devant une situation. Je suis certaine que plusieurs personnes ne se seraient pas résolues à prendre dans leurs bras les deux chiens « coincés l’un dans l’autre» dans une situation plutôt embarrassante pour les rentrer dans la maison. Bien sûr, mon père aime les animaux et il ne voulait pas que notre Noisette souffre inutilement. Mais surtout, il y avait une situation problématique et il fallait y faire face. Il a réagi et trouvé une solution.
Que pourrais-je ajouter, sinon que mon père aime beaucoup ses petits-enfants. Je suis certaine qu’il est toujours très content quand mes filles lui donnent un coup de fil ou vont le visiter. Il aime les voir et elles peuvent probablement lui demander n’importe quoi. Je crois d’ailleurs qu’il exaucerait tous leurs voeux.
En 2011, ma plus vieille terminait sa cinquième secon - daire et souhaitait se rendre à son bal dans la voiture décapotable de son grand-père. Elle lui a téléphoné et il a immédiatement accepté. Je peux vous dire qu’elle était fière, assise à l’arrière de l’auto, saluant les gens comme une vedette arrivant devant ses fans. Un peu plus tôt dans la même année, elle lui avait également demandé de venir faire une conférence dans sa classe. Il a su trouver un sujet qui a capté l’intérêt de tous ! En fait, je crois que mon père laisserait mes filles faire leurs quatre volontés. À tel point que je dois souvent les empêcher de lui demander toutes sortes de choses. Et c’est bien là une autre qualité de mon père; il est généreux.