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Toute résistance et toute réticence envolées, Claire glissa vers le milieu du comptoir et se débarrassa de ses chaussures. Comme il le lui avait demandé, elle s’allongea sur le dos, à gestes lents. Philip l’y aida, en la caressant tendrement et en l’embrassant.

— Fais-moi confiance, l’implora-t-il, comme s’il pensait qu’elle hésitait encore à s’abandonner totalement entre ses mains.

— Je te fais confiance.

Elle ne le connaissait pas depuis très longtemps, mais elle savait déjà qu’il était fort, respectueux, drôle et intelligent. Il ne lui ferait jamais le moindre mal. Elle en était certaine.

Une fois qu’elle fut confortablement installée, il traça une ligne de chocolat de son cou à sa taille, et termina en laissant quelques gouttes tomber dans son nombril. Puis il lécha le tout, en embrassant et mordillant sa chair sensible.

Elle ne frémit pas lorsqu’il lui déboutonna son pantalon et commença à l’enlever. Elle souleva le bassin pour l’aider à faire glisser le tissu, et constata que l’avidité qu’elle avait lue sur son visage s’était muée en convoitise. D’un air éperdu, il fixait sa petite culotte en dentelle. Il poussa un soupir gourmand lorsqu’il saisit à pleines mains ses hanches dénudées et s’attarda un moment pour les pétrir. Puis il lui enleva complètement le pantalon, en caressant ses cuisses et ses mollets au passage.

Il s’arrêta et la regarda, allongée en sous-vêtements dont la transparence ne devait pas lui dissimuler grand-chose. L’air rêveur, il se frotta la joue.

— J’ai tellement rêvé de te voir nue.

— A ton tour maintenant.

— J’ai bien peur qu’on doive attendre. Je n’ai pas de protection sur moi…

Catastrophe. Elle n’avait pas pensé à ça non plus. Elle n’était même pas sûre d’avoir des préservatifs chez elle. Cela faisait des mois qu’elle n’avait pas fait l’amour. La dernière fois, c’était même avant d’emménager dans cet immeuble.

Il dut voir sa déception, car il ajouta :

— A l’avenir, je serai plus prévoyant, je te le promets. Mais pour cette fois je vais trouver un autre moyen de te faire plaisir.

Il avait dit cela d’une voix langoureuse pleine de promesses.

— On peut très bien trouver un moyen de se contenter tous les deux, susurra-t-elle en tendant les bras vers lui.

Il attrapa ses poignets pour arrêter son geste.

— Moi d’abord.

Comme il était sexy lorsqu’il se montrait autoritaire.

— J’ai envie de te faire beaucoup de choses, Claire.

Des choses délicieuses, voluptueuses, défendues. C’était ce qu’elle espérait, en tout cas.

Alors il commença. Claire abandonna toute inhibition et oublia qu’elle était étendue telle une vierge prête à être sacrifiée aux dieux. Elle était l’esclave de ses propres sensations, guettant, incertaine, l’endroit où il déciderait de verser la prochaine goutte de chocolat, retenant sa respiration jusqu’à ce qu’il se décide à la lécher.

Lorsqu’il descendit le long de son ventre et qu’elle sentit son souffle brûlant à travers la dentelle de sa culotte, elle leva le bassin, incapable de contrôler les besoins de son corps. Il posa une main sur ses hanches pour la maintenir en place pendant qu’il étalait du chocolat juste au-dessus de la dentelle. Il approcha ses lèvres et se mit de nouveau à la lécher. Le contact de sa langue chaude et rugueuse acheva de lui faire perdre tout contrôle. Le plaisir s’instilla en elle, comme par giclées, et elle sentit l’orgasme venir.

— Attends, ordonna-t-il sur un ton ne souffrant pas la contradiction. Je n’ai pas terminé.

— Tu veux me torturer ? gémit-elle.

— Résiste, insista-t-il, en la fixant de ses yeux sombres et intenses. Retiens-toi, tu ne le regretteras pas.

Elle n’avait jamais intentionnellement essayé de s’empêcher de jouir, d’autant plus que, parmi ses précédents amants, tous n’avaient pas été capables de l’amener jusqu’à l’orgasme. Mais le regard de Philip lui jurait qu’il ne l’abandonnerait pas, et lui promettait que son attente serait récompensée.

Elle ferma les yeux et inspira calmement et profondément plusieurs fois de suite, pour essayer de ralentir les battements de son cœur. Elle gémit lorsqu’il glissa les doigts sous l’élastique de sa culotte pour la lui retirer lentement. Elle ne la couvrait pas beaucoup mais, une fois qu’elle se retrouva totalement nue face à un homme tout habillé, elle frissonna.

— Non, tu n’as pas froid, murmura-t-il comme s’il devinait ses pensées. Tu es brûlante.

Il avait raison. Il faisait peut-être frais, mais elle était en feu, et sa température ne cessait de grimper sous son regard insistant et avide.

Il tendit le bras vers la casserole de chocolat.

— Ça ne sera jamais aussi bon que toi, mais ce serait une honte de le perdre.

Elle retint sa respiration. Il trempa ses doigts dans le coulis et remua ses mains entre ses cuisses. Le liquide épais et tiède coula le long des lèvres de son sexe, et elle gémit :

— Oh ! Philip !

— Résiste ! Attends…

— J’essaie, répondit-elle, tout en se demandant quel degré de plaisir le corps humain pouvait supporter, car ce qu’il lui faisait et ce qu’elle éprouvait dépassaient l’entendement.

Ses doigts s’aventurèrent plus avant. Avec acharnement, ils fouillaient et caressaient. Elle se mordit la lèvre, sous le choc du plaisir intense qu’elle ressentait. Ses doigts puissants, enduits de chocolat tiède et soyeux, effleuraient son clitoris en y dessinant de délicats cercles et la propulsaient de plus en plus haut, mais jamais au-delà de la barrière qu’il lui avait fixée. Soudain, elle se rendit compte que la pression qu’elle ressentait d’habitude pour se dépêcher de jouir avait presque disparu. Cela valait le coup d’attendre la délivrance parce que le chemin y menant était pavé de délices. Philip la conduisait au sommet pas à pas, au lieu de l’entraîner dans une course effrénée.

Enfin, il glissa un doigt en elle. Le chocolat, en lui permettant de s’enfoncer profondément, rendit cette pénétration délicieuse.

— Philip, oui ! cria-t-elle.

Il ajouta un deuxième doigt, qui la pénétra lentement, avant de retirer sa main, puis de recommencer. Elle aimait cette sensation de plénitude et cette chaleur. Elle aimait sa façon d’explorer les endroits les plus sensibles de son corps et son acharnement à les rendre plus vivants encore. Elle aimait l’expression de son visage, ses murmures, et le contact de son souffle chaud tout près de son sexe.

— Je veux te goûter pendant que tu jouis.

— S’il te plaît…

— Chut, murmura-t-il en approchant sa bouche.

Il ne la posa pas tout de suite sur son clitoris, mais commença plus bas, en léchant tout le chocolat. Il retira ses doigts pour pouvoir glisser sa langue en elle et ne pas en perdre une goutte.

Cette fois, elle ne pourrait rien faire pour empêcher l’orgasme. Alors qu’elle se sentait toute proche d’y succomber, elle ne put retenir un gémissement plaintif. L’entendant, Philip vint enfin à son clitoris, qu’il explora avec une méticulosité totalement irrésistible.

Libérée par le plaisir qui déferlait en elle, elle inclina le bassin pour mieux le sentir. Ce fut un orgasme puissant, qui la fit trembler. Il introduisit de nouveau ses doigts en elle, sans cesser de la lécher, comme s’il se trouvait au plus grand des festins.

Au premier orgasme succéda un second. Elle commençait à peine à redescendre sur terre lorsqu’elle sentit de nouveau sa langue l’explorer, avec un peu plus d’insistance, la renvoyant très loin dans les étoiles.

— Oh ! mon Dieu ! s’exclama-t-elle.

C’était la première fois qu’elle vivait une chose pareille. C’était la première fois que le plaisir succédait au plaisir. Il avait vu juste : s’être retenue et avoir contenu son désir au-delà de ce qu’elle aurait cru possible lui avaient permis d’éprouver des sensations d’une force inouïe.

Elle respirait à peine lorsque Philip l’embrassa sur tout le corps, avant de se pencher au-dessus de son visage. Il sentait le chocolat et le sexe. Elle eut envie d’en profiter elle aussi : elle le saisit par la nuque pour l’attirer à elle. Et ils échangèrent un baiser long et langoureux.

— C’est l’expérience la plus folle que j’aie jamais faite, murmura-t-elle lorsqu’ils finirent par se séparer. Personne ne m’a jamais…

— Ça veut dire que les autres hommes que tu as connus sont des idiots.

Claire esquissa un sourire. Lui ne l’était pas, en revanche. Il était même proche de la perfection.

— Ça… Ça ne t’a pas dérangé…

Il eut un petit rire.

— Tu plaisantes ? Tu es si excitante, Claire. Douce, sucrée, parfaite. Je n’ai jamais rien goûté de si exquis de toute ma vie. Je pourrais me régaler de toi uniquement sans plus jamais avoir faim.

Son cœur se serra un peu plus à ces mots. Bon. Tout cela était très bien. Mais elle aussi, elle avait faim.

Il ne pouvait peut-être pas lui faire l’amour ce soir-là, mais il était hors de question qu’elle le laisse partir sans avoir vu le magnifique corps que cachaient ses vêtements.

— A mon tour, maintenant, insista-t-elle en se redressant.

Elle l’encercla de ses jambes avant qu’il ne puisse reculer.

— Claire…

Elle l’embrassa avec fièvre.

— Je sais jusqu’où nous pouvons aller, murmura-t-elle.

Elle avait tellement hâte de l’explorer. Elle commença par lui ôter sa chemise. Retint son souffle en découvrant sa peau satinée, ses épaules massives et son torse puissant. Il était tout en muscles, parfaitement dessinés. Elle le caressa du bout des doigts, un peu impressionnée. Comme poussée par une force invisible, elle effleura la douce toison qui recouvrait son torse, puis ses mamelons plats.

— Tu es si beau, murmura-t-elle, en laissant descendre ses mains vers sa taille.

Lorsqu’elle attrapa la boucle de sa ceinture, il posa sa main sur la sienne.

— Tu n’es pas obligée de…

— Si, répondit-elle en le fixant droit dans les yeux, où elle vit une passion et un désir qu’il ne pouvait dissimuler. J’en meurs d’envie.

Il se mit à respirer plus vite, mais n’essaya pas de l’interrompre lorsqu’elle déboutonna son jean. Pour mieux l’atteindre et mieux l’admirer, elle descendit du comptoir pour se planter juste en face de lui, si près que sa poitrine nue frôlait son large torse. Les pointes de ses seins encore très sensibles le devinrent encore plus lorsqu’il poussa un petit grognement de contentement.

En se mordant les lèvres, elle baissa sa fermeture Eclair. Ses mains se mirent à trembler lorsqu’elle sentit la puissance de son érection. Et elle eut le souffle coupé lorsqu’elle aperçut son sexe qui dépassait de la ceinture de son boxer.

— Oh ! mon Dieu, gémit-elle, impressionnée par sa taille énorme et sa fermeté.

Elle posa d’abord la main sur son gland, puis la fit glisser plus bas.

— Oh oui, Claire, c’est bon…

— Ça te plaît, on dirait ?

Elle aimait sa façon de rejeter la tête en arrière pendant qu’elle le caressait lentement. Elle aimait sentir sa main pleine. Elle aimait imaginer son propre sexe plein de lui.

— J’ai encore faim, dit-elle en attrapant le coulis de chocolat.

— Tu ne me dois rien.

— Il n’est pas question de devoir quelque chose à quelqu’un, expliqua-t-elle tout en s’agenouillant. C’est juste une question d’envie. Et moi, j’ai envie de te goûter…

Il posa les mains sur sa tête et son bassin eut un petit soubresaut involontaire, comme si les mots qu’elle venait de prononcer l’avaient profondément excité. Parfait. C’était le but. D’autant qu’ils étaient parfaitement sincères.

Elle le débarrassa de son pantalon et de son boxer puis recula légèrement pour contempler le spectacle qui s’offrait à sa vue. Du bout des ongles, le souffle haletant, elle effleura ses cuisses puissantes. Son sexe était fascinant, mais réussirait-elle à le prendre dans sa bouche, ou même à l’accueillir en elle ?

Qu’importe, elle brûlait d’envie d’essayer.

Elle se pencha et colla sa langue à la base de son sexe, ce qui lui arracha un grognement de plaisir. Elle recula, puis recommença, en léchant ses testicules, puis en remontant lentement.

Elle sentit ses doigts se crisper dans ses cheveux, mais sans qu’il lui fasse le moindre mal. Il semblait apprécier le contact de sa chevelure, car il attrapa quelques mèches et en caressa son ventre nu.

Mais elle le remarqua à peine, concentrée qu’elle était sur les baisers qu’elle lui prodiguait. Elle lécha le liquide qui perlait, et il gémit de nouveau.

Le chocolat pouvait attendre. Pour l’instant, c’était Philip seulement qu’elle avait envie de lécher. Elle ouvrit la bouche aussi grand qu’elle put et le suça.

— Oh ! Claire ! Oui !

Elle ne s’interrompit pas pour le regarder. Elle suçait son gland avec passion, tandis que, la main enroulée autour de son sexe, elle le caressait avec vigueur.

Finalement, poussée par l’envie de mélanger à son tour nourriture et plaisir décadents, elle trempa la main dans le chocolat fondu. Elle leva les yeux vers Philip et surprit son regard intense sur elle, les yeux étincelants, le visage empreint d’émotion et de désir. Il ne dit rien lorsqu’elle l’enveloppa de sa main chocolatée et qu’elle le caressa avec plus d’ardeur encore. Puis elle le reprit dans sa bouche, pour se gorger de douceur et de chaleur virile.

— Tu vas me faire perdre la tête, Claire.

— C’est le but, répondit-elle en interrompant à peine ses caresses.

Soudain, tout son corps sembla plus fort, plus dur. Ses muscles, luisant sous une fine pellicule de sueur, se contractèrent et se gonflèrent. Il haletait, en route vers le plaisir, et elle l’y poussa en léchant et caressant plus fort.

— Claire ! cria-t-il, avant d’essayer de la repousser.

Hors de question qu’elle le laisse faire. Le chocolat, la sueur et la chaleur étaient comme une drogue dont elle ne pouvait déjà plus se passer. Elle résista donc, et s’agrippa à ses hanches pour le forcer à s’enfoncer plus profond dans sa bouche. Jusqu’à ce qu’un ultime cri guttural lui signale sa reddition.

Il jouit en un jet brûlant qu’elle avala avec ardeur, surprise et fascinée par le plaisir qu’elle y prit, alors que ce n’était pas son habitude. Il y avait chez cet homme — chez cet homme que ses propres attentions avaient rendu vulnérable, chez cet homme qui s’était laissé aller sans retenue sous ses caresses et qui avait explosé en elle — quelque chose qui la rendait forte, confiante et étonnamment féminine.

Ils s’étaient offert l’un l’autre du plaisir, mais ils s’étaient aussi donné et échangé de la puissance sexuelle. C’était la toute première fois qu’elle faisait ce genre d’expérience. Et, alors que Philip se relevait, passant ses bras autour de sa taille et l’attirant à lui pour un baiser profond et tendre, elle commença à soupçonner que ce n’était pas l’acte en lui-même qui avait été érotique et merveilleux. Non, c’était partager ce moment avec un homme parfait, aussi doux et fougueux que Philip, qui avait été érotique et merveilleux.

*  *  *

Il était très tard lorsque Philip regagna son appartement. Après ce moment de plaisir intense, Claire et lui avaient méticuleusement nettoyé la cuisine, avant qu’il ne la raccompagne chez elle. Il avait été terriblement tenté par sa proposition de prendre une douche brûlante ensemble, mais après qu’elle eut cherché partout chez elle des préservatifs, sans en trouver le moindre, il l’avait embrassée pour lui souhaiter bonne nuit et s’en était allé. S’ils s’étaient de nouveau retrouvés nus, il n’aurait jamais eu la force de s’empêcher de la posséder. Et il soupçonnait qu’elle ne l’aurait pas voulu non plus.

Il n’aurait qu’à se rendre à la pharmacie la plus proche dès le lendemain matin.

— Alors, comment était-ce ? demanda une voix au moment où il poussa la porte.

Il se retourna et vit ses deux compatriotes qui l’observaient depuis le couloir. Teeny était si grand que ses deux yeux ronds et brillants se trouvaient au moins dix centimètres au-dessus de ceux de Shelby.

— Ce fut une excellente soirée, répondit-il sans chercher à dissimuler sa satisfaction.

Mais il ne développa pas. Ce que Claire et lui avaient partagé ne regardait personne d’autre qu’eux.

— C’est arrangé, alors ? demanda Shelby. Elle est bien celle que vous cherchiez ?

Il n’eut même pas besoin de réfléchir.

— C’est elle. Sans hésitation possible.

Tout ce qu’il avait pu ressentir pour Claire auparavant n’était rien comparé à ce qu’il ressentait pour elle à présent. Après avoir passé plusieurs heures d’affilée en sa compagnie — des heures d’abord innocentes, puis intimes comme jamais il n’en avait connu —, il savait qu’il était en train de tomber amoureux.

— Quand le mariage aura-t-il lieu ? demanda Teeny, qui semblait transporté de joie.

Philip rit doucement.

— Je ne l’ai pas encore demandée en mariage.

— Eh bien, pourquoi ? fit Shelby en poussant un soupir contrarié. Vous savez que c’est elle, alors dites-lui qui vous êtes, que nous puissions nous en aller d’ici.

— D’abord, je dois la courtiser.

Shelby émit un bruit de gorge un peu dédaigneux.

— Offrez-lui des diamants, ça devrait suffire à la convaincre.

— As-tu oublié que, si nous sommes venus jusqu’ici, c’est précisément pour que je puisse être sûr que ma future femme m’aimera pour moi-même, et non pour ce que je possède ?

A ces mots, son cousin claqua des doigts.

— Ça me fait penser ! Vous ne me croirez jamais quand je vous raconterai ce que Teeny et moi avons vu à la télévision ce soir ! C’était votre histoire !

Teeny acquiesça et renchérit :

— C’était incroyable, Votre Altesse, comme si des acteurs avaient décidé de jouer votre vie.

Curieux, Philip attendit une explication.

— C’était un film, exposa Shelby, en hochant la tête d’un air docte, comme s’il avait déjà tout appris sur ce pays. Un film qui parlait d’un prince et de son très beau, très fort, très intelligent et très élégant compagnon, venus tous deux en Amérique pour trouver au prince une fiancée qui l’aimerait pour lui-même.

— Et que leur arrive-t-il ? demanda Philip, impressionné par tant de similitudes.

— Ils se font engager dans un fast-food, pour faire le ménage, et ils vivent dans un immeuble qui ressemble beaucoup à celui-ci.

Teeny l’interrompit de nouveau :

— A un moment, le compagnon se fait passer pour le prince et tente de séduire la sœur de l’héroïne en lui faisant miroiter sa richesse — enfin, celle du prince.

Shelby lança un regard mauvais au garde du corps.

— Ce n’est pas un point essentiel de l’histoire.

— Tu n’as pas intérêt à faire la même chose, déclara Philip.

— Jamais je ne ferais cela !

Cela allait sans dire…

— Est-ce que le prince réussit à conquérir le cœur de la jeune fille ?

— Oui, Votre Altesse, même si, à un moment, il croit la perdre lorsqu’elle découvre qu’il lui a menti. En fait, il rentre chez lui, le cœur plein de tristesse et de déception, et, quand il est sur le point d’en épouser une autre, il se rend compte qu’elle est venue le retrouver.

Claire ne pourrait pas venir le retrouver s’il partait sans elle. Elle ne savait même pas que son pays existait. Il était si petit et si lointain que peu de gens en connaissaient l’existence. Et moins encore connaissaient le long chemin pour y parvenir.

— Tu sous-entends donc que je devrais lui dire la vérité ?

Teeny acquiesça, et Shelby l’imita aussitôt. Pourtant, d’habitude, ces deux-là n’étaient jamais d’accord.

— Je le ferai, déclara-t-il avec fermeté. J’ai juste besoin de quelques jours supplémentaires, ensuite je lui dirai toute la vérité et je lui demanderai de m’accompagner à Elatyria.

— Elle acceptera, déclara Shelby, toujours loyal.

Teeny paraissait moins convaincu.

— Qu’y a-t-il ? lui demanda Philip.

— Son frère…

— Tu l’as vu ?

— Je l’ai vu. Avec un autre homme, cet après-midi. M. Freddy désignait la boutique du doigt, l’air nerveux et coupable.

Philip sentit les battements de son cœur s’accélérer. Le frère de Claire n’avait aucune raison de traîner dans le coin, ni de montrer à quelqu’un où elle vivait et travaillait, à moins qu’il ait de nouveau des ennuis et compte sur sa sœur pour l’en tirer.

Il était grand temps de donner une leçon à ce bon à rien.

Mais, tant que Philip ne se serait pas occupé de lui, il fallait reprendre la surveillance à plein temps.

— Je sais, je sais, dit Shelby comme s’il avait lu dans ses pensées. Je prends le premier tour de garde cette nuit. Teeny me relèvera dans quatre heures. Je suppose que vous voulez la surveiller vous-même demain.

— Bien entendu.

Il avait prévu de lui laisser un peu de temps, d’attendre peut-être jusqu’à l’après-midi avant de passer à la boutique pour voir dans quel état d’esprit elle se trouvait après ce qu’ils venaient de partager. Mais, maintenant qu’il la savait en danger, il ne pouvait plus se permettre d’attendre.

— Merci, mes amis.

A voix basse, Philip leur souhaita bonne nuit, puis entra dans son petit appartement, qui — il devait l’admettre — avait bien meilleure allure que lorsqu’il l’avait vu pour la première fois. Bien que n’ayant pas beaucoup dépensé, au cas où Claire ou une tierce personne serait montée et se serait demandé où ils avaient pu trouver tout cet argent, lui et ses amis avaient largement payé de leur personne pour le retaper. Il avait bien aimé décaper, reboucher les murs, réparer les fenêtres et récurer. Chez lui, il était très actif. Il montait beaucoup à cheval, surtout, il participait à des tournois et livrait bataille contre les brigands et les pirates qui, parfois, tentaient une incursion dans le royaume. A part arpenter la ville, il n’avait rien à faire ici pour dépenser son trop-plein d’énergie ; bricoler dans ces deux appartements avait donc été cathartique.

Qu’en penserait Claire quand elle découvrirait le changement ? se demanda-t-il. Et serait-elle d’accord pour abandonner tout cela derrière elle ?

D’un côté, il craignait qu’elle refuse de partir, car elle semblait beaucoup tenir à son commerce. Mais il y avait des confiseries dans son pays aussi, et, même si elle devait être la première princesse royale à travailler, rien ne s’y opposerait si elle le voulait vraiment.

Mais il devait tout d’abord la convaincre de partir avec lui. Ce qui ne serait pas un problème si elle tombait sincèrement amoureuse de lui.

Restait à savoir si ce serait le cas, en si peu de temps.

Une bonne moitié de son mois de liberté était déjà écoulée. Son voyage lui prendrait quelques jours, et il avait déjà calculé qu’il devrait quitter New York le 24 décembre pour être de retour à temps. Ce qui signifiait qu’il lui restait moins de deux semaines pour s’attirer l’amour de celle qui avait gagné le sien.

Il avait possédé son corps ce soir, et le souvenir de leur intimité hanterait ses rêves et ses pensées pour le reste de sa vie. Mais maintenant il lui fallait conquérir son cœur.