1. Modélisation globale et stratégique
1.1. Les basiques
Objectifs
La modélisation thérapeutique est nécessaire à la pratique de la TNC, ce pour plusieurs raisons :
1. Elle permet d’accroître l’efficacité de la thérapie, en optimisant l’action sur les articulations clés de la pathologie
2. Elle tend à réduire le risque d’incident thérapeutique
3. Elle confère à l’individu une certaine autonomie puisqu’elle vise à améliorer sa capacité à (re)construire sa vie personnelle ou professionnelle, son intégration sociale, ses capacités relationnelles au sortir de sa crise psychopathologique, etc.
Mise en œuvre
La mise en œuvre de la modélisation thérapeutique en TNC consiste à identifier les interactions entre Contenants et Contenus telles que : — Les synergies :
• dans l’objectif de réduire le temps et le(s) coût(s) de la thérapie,
• afin de réduire les risques de démotivation et d’arrêt de la thérapie,
• pour pérenniser les résultats et permettre au patient de les transférer dans la vraie vie.
— Les antagonismes :
• pour limiter les efforts et souffrances inutiles,
• pour limiter ou supprimer les risques d’incident thérapeutique,
• dans le but de comprendre et traiter les conflits ou incohérences internes à l’origine des échecs, de la souffrance spontanée et de la pathologie du (de la) patient(e).
Cette identification permet plus globalement :
— de prioriser et hiérarchiser les actions,
— de déterminer les meilleurs outils et les bonnes cibles à traiter,
— de profiter des « vents favorables » des motivations du patient (P. Ires, Hypers en Phase 1 avec prudence, MMP) pour mener à bien la thérapie,
— sinon de recourir (le moins possible) à la méta-motivation, issue de la conscience des enjeux et du gain à attendre de l’action qui elle peut être « démotivante ».
1.2. Les grands enjeux classiques
DE LA MODÉLISATION TNC
Les piliers de la modélisation TNC sont les suivants :
Le PG
Le PG représente des risques potentiels avant, pendant et après la thérapie. Au-delà de l’impact général de ce phénomène, une thérapie réussie va le plus souvent modifier la situation personnelle et sociale de l’individu. Or comme nous l’avons vu précédemment, les échecs ou succès importants ont souvent un impact notable, voire majeur, sur le PG de l’individu. Il s’agit là d’un des principaux risques de la TNC, qui est en quelque sorte la « rançon du succès », mais qui constitue un risque réel, parfois susceptible de conduire l’individu à la décompensation d’un trouble psychotique connu (si oui, prudence) ou inconnu (latent).
Les Hypers
La modélisation TNC passe par l’identification de tous les Hypers, et des RH présentes et passées (car ces dernières orientent le thérapeute de façon saillante vers le périmètre des Hypers). Une fois les Hypers et RH décelés, le thérapeute pourra améliorer l’efficacité des Hypers (si cela est envisageable et surtout « rentable ») ou identifier les Hypos qui les sous-tendent pour les traiter.
Les Personnalités Secondaires (P. lires)
Les P. Iles (cf. Annexe 2) font notamment « le lit » de nombreux Hypos et sont couramment impliquées dans les sonnettes.
Les Personnalités Primaires (P. Ires)
Les P. Ires (cf. Annexe 2) représentent un potentiel le plus souvent sous-exploité de motivation « gratuite » c’est-à-dire spontanée. Leur implication est plus particulièrement prégnante :
— Lorsqu’elle(s) est(sont) bien exprimée(s) et que par définition son(leur) identification est facile. Dans ce cas, l’objectif sera, pour le patient et pour le thérapeute, d’évaluer les ressources encore inexploitées que cette(ces) Personnalité(s) représente(nt), pour redonner du sens à la vie du patient. Cela est d’autant plus vrai que le patient traverse généralement une période difficile de sa vie qui l’amène à consulter.
— Lorsqu’elle(s) est(sont) mal exprimée(s) et que son(leur) identification constitue en soi une première difficulté. Dans ce cas, il se peut qu’aucune des P. Ires ne soit exprimée en raison de tabous sociaux, d’une éducation s’opposant aux personnalités concernées, ou autre). L’individu présente alors, selon nous, ce que nous avons appelé la « Dépression Molle ». Celle-ci correspond à une absence de motivation de fond et empêche l’individu de s’investir dans une prise en main de sa vie sur du moyen ou long terme. L’individu n’agit qu’en réaction face aux nécessités, contraintes ou pour éviter des conflits. Il ne fonctionne réellement que sous la pression de motivations négatives, à l’exception de certains « petits plaisirs » de la vie quotidienne : manger, prendre le soleil, se promener, parler avec des amis, écouter de la musique. Ainsi, à la différence du bum-out ou d’autres formes de dépression, il n’est pas (du tout) déprimé quand la situation ou la vie se présente sans remous, qu’il n’y a rien de bien compliqué ou d’exigeant à faire. Cependant, survient un moment où « tout finit par aller mal », lorsque les difficultés et les exigences s’accumulent. L’individu procrastine plus particulièrement face à des tâches de fond qui ne sont pas obligatoires et qui peuvent être reportées. Ainsi, tout s’accumule : à la maison, les formalités administratives, le ménage, l’entretien ou le bricolage ; au travail, il se laisse déborder par les mises à jour de dossier, il laisse en fait tout ce qui peut attendre... parce qu’il n’a pas ou plus de motivation liée à ses P. Ires.
Encadré 3.1
Cette introduction au modèle des personnalités en TNC est proposée de manière à affiner le diagnostic différentiel entre les Contenants abordés dans cet ouvrage. Un livre similaire, en taille et en densité, au présent ouvrage sera prochainement consacré au modèle des personnalités primaires et secondaires.
2. Démotivation et refoulement
des Personnalités Primaires
Une P. Ire, en TNC, peut être définie d’après les caractéristiques suivantes :
1. Elle confère à l’individu une motivation spontanée à expérimenter, vivre ou réaliser certaines activités
2. Cette motivation est indépendante de la reconnaissance et du résultat obtenus à l’aide de ladite expérimentation ou activité D’après notre expérience, il semblerait que tout le monde
dispose d’une ou plusieurs P. Ires d’intensité significative à la naissance, mais l’éducation et l’histoire de vie de chacun peut valoriser et encourager le développement de ses vocations spontanées ou au contraire les dévaloriser voire les interdire. Certains individus ou patients semblent ne plus avoir conscience de ces motivations ou du moins s’être approprié cette dévalorisation de cette partie d’eux-mêmes. Ce serait là l’origine de la Dépression Molle qui, comme son nom l’indique, n’est pas une dépression classique, mais une démotivation. Face à des contraintes ou difficultés, le tableau clinique peut ressembler aux formes usuelles de dépression, mais en situation de détente, la personne n’est plus déprimée.
2.1. Arbre Diagnostic d’une démotivation
Lorsqu’il existe des plaisirs spontanés (motivations intrinsèques)...
— La personne en tire des bénéfices importants (la plupart du temps) en termes de plaisir et dans sa vie quotidienne :
• il n’y a dans ce cas, pas lieu de chercher à optimiser cette motivation
• le patient ou l’individu peut cependant demander à l’optimiser ou comment en tirer parti dans le cadre d’un objectif précis et délimité (développement personnel, coaching de projet, etc.)
— Les plaisirs intrinsèques de l’individu sont déficitaires. Il faut donc les optimiser en réalisant :
• un bilan global des actions réelles que mène l’individu, ses plaisirs et ce dans quoi il s’investit (au sens large, voir Fiche « Économie psychologique » en annexe 10)
• un recentrage cognitif et comportemental sur ses motivations intrinsèques (augmenter la valorisation subjective, ainsi que le temps, l’énergie, l’argent... que le patient/l’individu y consacre)
Lorsqu’il n’existe pas ou peu de motivations intrinsèques
a. Il existe des motivations extrinsèques, i.e. dépendantes des résultats et/ou de la reconnaissance :
— ces motivations sont fonctionnelles (elles consistent en des actions de court et long termes menées à bien) ;
— elles entraînent une satisfaction proportionnée (P. lire) aux résultats ;
— elles n’entraînent pas une satisfaction proportionnée et/ou durable (Hyper) ;
b. Les motivations extrinsèques sont aussi déficitaires. Ceci gêne ou empêche les actions de long terme mais aussi de court terme, qui ne sont pas ou plus entamées et/ou menées à bien.
— Cette démotivation est un symptôme d’un autre Contenant ou Contenu générateur de démotivation :
• Tel qu’une dépression classique ou « Dure » (aboulie, perte de poids, idées noires...), i.e. la démotivation existe en situation contraignante/négative mais persiste sinon :
• RH
• PGS
• La tendance dépressive (plus que dépression classique) est surtout d’origine exogène mais les stresseurs sont inéchappables : ils correspondent à des situations confrontant massivement l’individu à des antivaleurs (en situation professionnelle, familiale, etc. difficile, i.e. P. lire, Hypos) ou à des événements de vie intenses et relativement récents (deuil, perte, rupture, maladie grave, etc.).
— Cette démotivation est le symptôme d’un refoulement des P. Ires :
• elle est plus ou moins intense en situation de confrontation à des contraintes et des objectifs à long terme, pour des charges psychologiques et réelles de plus en plus faibles ;
• cependant elle disparaît totalement pendant les périodes d’inactivité ou lors de petits plaisirs immédiats et consommatoires tels que manger, se promener, parler de tout et de rien, voir ses amis, etc.
Ce type de démotivation évoque un déficit opérationnel plus ou moins total de motivation intrinsèque (soit de P. Ire(s)). Ce déficit peut être conscient, c’est-à-dire que le(la) patient(e) sait qu’il ne fait plus ce qu’il « aime vraiment » : les motivations liées à ses P. Ires lui sont connues, elles sont libres, mais ne sont pas investies. Ce déficit peut également être inconscient, ce qui implique dans ce cas que le(la patient(e) ne sait pas (ou plus depuis longtemps) ce qu’il(elle) aime vraiment (ses P. Ires sont dites refoulées).
2.2. Diagnostic d’un déficit de motivation INTRINSÈQUE
Nous focalisons ici sur le dernier point évoqué dans le chapitre précédent, à savoir sur le diagnostic d’un refoulement de P. Ire(s).
1. Le(la) patient(e) a connu et assumé ses motivations intrinsèques jusqu’à un certain âge mais les a dévalorisées depuis :
— En raison de l’influence sociale ;
— En raison d’une attitude faussement raisonnable où ce que
l’individu perçoit comme utile a (exagérément) chassé les « plaisirs futiles et gratuits ». Ces domaines investis au détriment d’une expression des P. Ires ont souvent trait aux responsabilités liées à la profession ou à son rôle parental.
2. Si le(la) patient(e) ne se rappelle pas avoir connu ses motivations intrinsèques, il se peut que durant l’enfance :
— Il(elle) ait été précocement passif(ve) car il(elle) ne faisait que
ce qu’on lui demandait pour plaire par crainte de la solitude.
— Il(elle) fût normalement actif(ve), mais il(elle) a (sans doute)
été « dressé(e) ou cassé(e) » :
• car non conforme au schéma familial ou social ;
• en raison de la possessivité, du narcissisme voire de la
perversité de ses parents.
Dans le cas de motivations intrinsèques refoulées, le thérapeute peut demander au patient de décrire son comportement durant sa petite enfance, son enfance et son adolescence, afin de tenter d’en déduire une ou des P. Ires. Le thérapeute ou le(la) patient(e) peut si besoin et si possible solliciter l’aide et les souvenirs de son entourage à cette époque (parents, fratrie, grands-parents, etc.).
Le thérapeute peut également chercher à identifier de petits plaisirs qui ne soient ni passifs, ni consommatoires (i.e. différents des aliments, discussions sans objet, distractions passives, etc.). Ces petits plaisirs sont par exemple le fait de ranger (FE ?), de résoudre un petit problème ou un rébus (AE ?), faire une activité un peu exotique et un peu imprévue (FR ?), contempler la nature avec bonheur et intensité (AR ?), s’occuper d’un animal (AR ?) ou d’un enfant (IR ?) ou d’un malade (IE ?), coacher quelqu’un dans son activité (LR ?), etc.
Après avoir identifié les P. Ires refoulées, le thérapeute doit tenter de déceler ce qui fait l’objet de la dévalorisation ou du blocage comportemental ou social. Les éléments pouvant conduire à ce refoulement sont :
— les antivaleurs (de P. lire notamment), amenant l’individu à se faire des commentaires tels que : « c’est égoïste, futile, puéril » (P. Ire de type réussi refoulée par des P. lires de type empêché) ou au contraire « qu’est-ce que je manque d’entrain I, je suis “poussiéreux(se)”, sans relief » (P. Ire de type empêché refoulée par des P. lires de type réussi) ;
— a honte, le mépris, qui seraient de l’ordre de l’Hypo ;
— la culpabilité liée à la soumission ;
— la perte de sensations pouvant être liée à une RH ancienne ou à du PGS ;
— l’amertume, issue d’une RH ancienne.
Par la suite, le thérapeute peut, sur la base des hypothèses diagnostiques précédentes, amener le patient à réfléchir, sentir et exprimer des sensations et des émotions vis-à-vis de personnages connus, communément admirés et relativement universels. Ces personnages peuvent être des héros, des génies, des sages, des aventuriers, des créateurs, des épicuriens, des altruistes, réels ou objets de fictions (acteurs, personnages de roman...). On demande alors au (à la) patient(e) :
— Quels sont les personnages les plus « fascinants », parlants, compréhensibles, humains... à la fois inaccessibles et touchants à ses yeux ?
— Quels sont les personnages qui pourraient représenter en quelque sorte la continuité exprimée et « affirmée » des petits plaisirs gratuits précédemment identifiés, ou de ceux de l’enfance reconstitués à partir des souvenirs et des narrations des proches du(de la) patient(e) ?
Enfin, le thérapeute conduit le(la) patient(e) à envisager de prendre cette(ces) même(s) directions(s) dans sa « vraie vie ». Cet accompagnement doit se faire de façon très progressive, et les directions ou comportements adoptés par les personnages admirés ne doivent pas constituer l’exact objectif à atteindre. Le but de la démarche est seulement de faire explorer mentalement et de façon plus positive les particularités qu’il(elle) peut admirer chez d’autres mais qu’il(elle) mépriserait chez lui(elle). Un peu comme l’étoile du Nord pour les bergers, qui n’est pas à atteindre, mais sert seulement à guider. Pour cela, il faut :
— travailler les obstacles cognitifs et par la même occasion confirmer ou infirmer les hypothèses. On doit alors :
• augmenter ou réintroduire les petits plaisirs supposés jusqu’à inversion progressive du ratio contraintes/plaisirs ;
• traiter cognitivement (éventuellement à l’aide de la Gestion des Modes Mentaux - GMM - ou autre technique apparentée) et/ou affronter comportementalement, au fur et à mesure, les Contenants qui font obstacle (P lires, Hypos, etc.) ;
— vérifier que la démotivation à l’effort (Dépression Molle) se résorbe en proportion de l’augmentation des plaisirs intrinsèques.
2.3. Bilan de l’économie Psychologique (ratio plaisirs/déplaisirs)
Ce bilan apporte des informations et une orientation globales sur l’état du patient et sur son rapport à ses activités.
1. D’un point de vue quantitatif :
— Si les plaisirs du (de la) patient(e) sont quantitativement
supérieurs aux déplaisirs, alors celui(celle)-ci manifestera une motivation élevée face à l’action ou à l’activité.
Soit : (Plaisirs > déplaisirs) = motivation élevée.
— Si les plaisirs du (de la) patient(e) sont quantitativement
inférieurs aux déplaisirs, alors celui(celle)-ci manifestera une certaine démotivation face à l’action ou à l’activité.
Soit : (Plaisirs < déplaisirs) = démotivation.
2. D’un point de vue qualitatif :
— Si les motivations intrinsèques (P. Ires) de l’individu sont
exprimées, cela se traduit par le fait que celui-ci soit passionné, aime son activité et la situation en elle-même.
— Les motivations extrinsèques (P. lires), en revanche, sont
détectables grâce au fait que l’individu soit majoritairement orienté sur les résultats de ses efforts et/ou sur la reconnaissance sociale.
— Les méta-motivations de l’individu, souvent portées par une
représentation complexe et « rationalisée » de la situation (CPF ?, cf. Annexe 1), lui confèrent des capacités d’anticipation, de compréhension et d’empathie. Celles-ci permettent entre autres un engagement plus durable et plus efficace dans le traitement.
2.4. Diagnostic de la Dépression Molle
Pour évoquer un diagnostic de Dépression Molle, le thérapeute doit observer chez l’individu :
1. Une démotivation de fond se traduisant par un déficit d’expression des motivations intrinsèques. Elle peut être constatée à l’occasion :
— De l’absence de projet(s) à long terme,
— De l’absence de passion(s) personnelle(s), professionnelle(s),
de hobby(ies), etc.
2. D’autres motivations dites « normales » ou de base peuvent également être en déclin. Ce sont par exemple :
— L’appétit, le désir sexuel, les plaisirs consommatoires.
— La motivation à agir en réaction au stress et à la pression
sociale, accompagnée d’un risque de décompensation en situation de forte pression et de contraintes élevées (professionnelles, familiales, liées à des engagements financiers tels que des emprunts, etc.)
3. La « Gouvernance Mentale »
3.1. Définition
D’un point de vue essentiellement diagnostique, ce chapitre n’introduit pas de pathologie ou de Contenants pathogènes particuliers. En revanche, il met en perspective, au travers de la notion de « Gouvernance Mentale » (GM), la dynamique et les synergies ou oppositions des Contenants et méta-Contenants. Nous ne souhaitons pas revivifier ici le modèle de MacLean dans son acception la plus basique1 qui est bien sûr dépassée, mais mettre en évidence les congruences et discontinuités voire ruptures que les entités neuro-fonctionnelles considérées (reliées plus ou moins étroitement à des structures anatomiques et réseaux neuronaux sous-jacents) établissent entre elles. Ces interactions sont mises en œuvre de façon conjointe ou concurremment à celles des schémas cognitifs, individuels ou culturels (dénommés Contenus selon notre modèle) qui se sont structurés au fil du développement de la personne.
Nous définissons la Gouvernance Mentale comme la prépondérance que présente un Contenant ou une structure neurofonctionnelle dans l’orientation du comportement et de l’action de l’individu, ce en interaction avec d’autres territoires. La GM détermine à ce titre l’intention et l’objectif ultimes, généraux, de l’individu. Les moyens ou les comportements mis en place pour y parvenir sont soumis aux synergies et conflits entre structures neurofonctionnelles et comportent ainsi une certaine variabilité interindividuelle.
Ainsi, si chaque territoire neuronal ou population de neurones est un instrument de musique, alors la GM représente la manière dont tous les instruments de l’orchestre vont jouer ensemble, que ce soit de façon harmonieuse (en réelle synergie) ou disharmonieuse (c’est-à-dire non sans conflit(s) interne(s) ou dilemme(s)).
Dans ce cadre, tout semble se dérouler comme s’il n’était pas tant question d’une activité alternée des territoires, mais d’une activité plus parallèle, où chaque territoire exerce une influence plus ou moins importante sur le comportement et les objectifs généraux de l’individu. Dans notre illustration musicale, nous pourrions considérer que la GM ne serait pas le fait d’instruments qui exécuteraient tour à tour leur solo mais qu’elle serait un simple changement de chef d’orchestre voire de co-orchestration.
Un exemple concret peut être celui d’un individu présentant un PGS marqué, se manifestant notamment par beaucoup « d’autocommentaires » négatifs sur chacune de ses actions et interactions avec autrui. Celui-ci peut ressentir, s’il a suffisamment de connaissance et de recul sur lui-même, qu’il subit ses propres commentaires car il a pu remarquer, à l’occasion de certains événements de vie, que ceux-ci étaient relativement indépendants de la réalité. Certains individus auront noté une légère fluctuation de leur humeur faisant suite aux événements marquants, en remarquant par exemple qu’un heureux événement est toujours succédé d’une tendance maussade, triste, une crainte de ne pas mériter le bonheur que l’on vient de consommer et de le « payer plus tard ». Ainsi, l’individu peut tenter de ne pas respecter les commentaires liés à son PGS en essayant de se hisser au-delà de ce que lui « autoriserait » ce système, ou en s’évertuant à profiter de ce dont il bénéficie dans sa vie. L’individu peut également, parallèlement, prendre garde à ne pas trop « provoquer » ce système outre mesure et nécessité. Dans ce cas, nous pouvons considérer que même si la tendance au PGS est présente, la GM ne se situe manifestement pas là (mais sans doute dans des structures supérieures permettant la prise de recul), mais tient compte assurément à ne pas trop mettre sous pression le PGS. Un système influence donc l’autre et réciproquement, même si l’un des deux seulement détient les objectifs globaux et la mise en œuvre des comportements.
Ainsi, la notion de GM insuffle quelque théorie unitariste dans le caractère quelque peu « localisationniste » et rigide de la classification « neuropsychologique » évoquée précédemment (Hypo, PG, etc., cf. Bownds, 2001)2. Elle conforte l’idée, de plus en plus répandue en neurosciences, qu’il existe des « populations de neurones » au sein d’un même cerveau, de vastes réseaux qui sont plus ou moins en synergie/compétition/antinomie bien plus ou du moins tout autant qu’en coordination bien structurée.
3.2. Éléments nécessaires à la distinction de Contenants
Pour identifier, aussi rapidement que possible, lequel (lesquels) des quatre principaux Méta-Contenants « gouverne(nt) » l’individu, i.e. exerce(nt) sur lui un rôle prépondérant dans le déterminisme de son fonctionnement mental, aussi bien dans la gouvernance quotidienne que dans les grandes décisions qu’il prend et qui l’engage(nt), il doit notamment répondre à ces deux questions :
— Qu’est-ce qui motive, de façon positive ou négative), ses actions à long terme : par exemple en ce qui concerne ses choix stratégiques professionnels ou personnels ?
— Qu’est-ce qui l’occupe ou le préoccupe le plus (en positif ou négatif) au quotidien, en termes de temps, d’énergie et d’intensité des sensations ?
À l’issue de ce questionnement, le thérapeute ou le patient lui-même devrait pouvoir formuler une hypothèse quant aux Contenants ou Méta-Contenants ayant, au final, le « pouvoir motivationnel/décisionnel » manifeste chez l’individu.
Avant de décrire plus précisément chaque gouvernance, il est utile d’expliciter pourquoi nous avons choisi une délimitation en ces quatre grands Méta-Contenants :
1. Ces quatre grands niveaux d’organisation sont issus de connaissances fondamentales sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau. Ils ont été confortés par la pratique clinique de la TNC ainsi que par un certain nombre d’études scientifiques de validation menées à l’IME3. Ils n’en sont pas moins une simplification « pertinente jusqu’à preuve du contraire » et orientée sur le champ psychothérapeutique, plus précisément sur le champ décisionnel à l’œuvre dans la vie psychologique et relationnelle. Cette « classification » (nosologie) ne serait pas applicable pour un autre niveau de décision à l’échelle neuronale, tel qu’évoqué par Alain Berthoz (2013), et encore moins pour un autre angle de vue (que seraient par exemple les systèmes et circuits mis en jeu dans la mémoire ou la coordination motrice par exemple, etc.).
2. De surcroît, n’importe quel Contenant peut exercer une GM pour le moins sectorielle, voire globale. Cela peut être le cas d’une P.
Ire, dans le cadre d’une passion, mais aussi d’une P. lire, lorsque ses intolérances deviennent totalement enfermantes, ou plus encore d’un Hypo4. Pour autant, il nous semble que les Gouvernances plus « locales » peuvent aussi n’être comprises que comme des sous-Gouvernances, i.e. sous la dépendance d’une Gouvernance de leur propre Méta-Contenant : ainsi, une P. Ire ne peut s’exprimer que dans le cadre d’une Gouvernance de type « Néolimbique » ou « Préfrontale », mais plus difficilement voire pas du tout dans celui d’une gouvernance « Paléolimbique » (PG). Il n’y a qu’à juger de l’effet totalement dévastateur d’un rapt de conscience (délire PG) sur tout le reste de la personnalité et de l’intelligence pour se rendre compte que les Métas-Contenant ont bien un rôle protecteur à l’égard de leurs sous-Contenants. Ce peut être, à titre illustratif, comme les processus semblant lier le Méta-Contenant Néolimbique à l’égard des sous-Contenants de P. Ires ou lires, ou des Hypos/hypers, ou encore de façon plus éloignée, comme un État protège et intègre une Région ou un Département. Or nous observons bien, dans un délire, que rien ne persiste du niveau Néolimbique (ce qui est constatable au travers d’une perte des émotions) et l’expression du CPF se trouve fortement altérée (mais souvent moins totalement).
Dans la même veine, il semble qu’une activité majeure du CPF puisse pouvoir effacer ou pour le moins diminuer très fortement les autres Méta-Contenants et sous-Contenants (cf. Ekman et al., 1985 ; Levenson étal., 2012).
Si bien entendu une grande partie de ces hypothèses reste à vérifier dans le domaine de l’imagerie mentale, il se trouve que lors de notre pratique thérapeutique, nous avons pu observer que tout se passait comme si un changement massif de Méta-Contenant conditionnait l’expression des sous-Contenants.
Ces différents éléments nous amènent à comprendre que ce qui constitue une GM n’est pas principalement la « consistance » (Contenant) d’une pensée ou d’un comportement à un moment donné. La GM serait plutôt liée au caractère central d’un mode de fonctionnement (ou Contenant) dans le mécanisme de prise de décision de l’individu. Ce mode de fonctionnement central impacte plus largement la façon d’être de l’individu, définissant ses sujets de préoccupation les plus spontanés et perçus comme les plus déterminants dans les choix réels de sa vie, surtout lorsqu’il existe un fort enjeu et notamment lorsqu’il s’agit dune orientation de vie (choix professionnel, de partenaire, d’avoir des enfants, de lieu d’installation...).
Par exemple, l’observation de patients présentant des lésions au niveau du CPF et, par contraste, les habiletés que présentent des individus sains, laisse penser que le CPF est impliqué dans de nombreuses circonstances, tout au long d’une journée5. Cependant, ce fonctionnement peut être plus ou moins au cœur du déterminisme profond de la motivation ou n’être qu’au service d’un autre Contenant ou Méta-Contenant. Un individu peut par exemple avoir conscience de l’irrationalité de ses Hypers, voire du caractère néfaste de ceux-ci (notamment en fonction de la situation), et malgré tout ne pas résister et se laisser guider par eux. L’individu peut également aller jusqu’à établir par exemple un certain degré de planification de l’action, gérer son attente, etc. (capacités propres à l’activité du CPF), pour pouvoir satisfaire ses Hypers.
Ainsi, tout être humain se sert en effet de toutes ses structures cérébrales mais pas forcément pour les mêmes motivations et sans doute pas de la même façon. Parler de Gouvernance, c’est donc se soucier de savoir à quelle fin l’individu agit plus que de savoir par quels moyens.
Un autre point essentiel est le fait que la seule présence et même la fréquence d’un Contenant ou Méta-Contenant ne suffisent pas à parler de GM. On ne parle de GM que si le Contenant identifié comme tel est au cœur des motivations réelles et profondes de l’individu, de ce qui fait ses choix de vie, sa spontanéité, et qui soit autrement dit indépendant des efforts qu’il peut accomplir pour faire ou ne pas faire quelque chose. En effet, sous l’influence de la désirabilité sociale, on peut être amené à corriger souvent et superficiellement les préférences spontanées de sa GM. Le thérapeute doit donc rester attentif, tout au long de la phase de diagnostic de GM, à trouver la part de spontanéité et celle des « correctifs cosmétiques » de surface. De la même façon, certains individus peuvent prôner activement, dans leur discours, certaines valeurs ou habiletés, mais il arrive que le discours ne soit pas pleinement cohérent avec leur réel mode de fonctionnement, d’action ou de pensée. Un individu peut par exemple défendre activement le fait de vouloir être rationnel, de ne pas agir précipitamment, de réfléchir à la priorité de chaque chose, ce qui pourrait laisser penser qu’il gère sa vie selon une GM dite « préfrontale ». Cependant, ce qui peut retenir le thérapeute de conclure de la sorte, peut être le fait que l’individu applique ces « règles » de pensée de façon rigide et stricte, en étant intolérant aux modes de pensée et d’actions différents des siens. Cette façon d’être n’est pas compatible, selon nous, avec une GM préfrontale. Il est donc important de noter les diverses contradictions et incohérences présentes dans le discours et l’attitude du sujet afin de les corriger ou du moins de ne pas orienter la thérapie vers une mauvaise voie.
Après avoir présenté la GM, les éléments qui ont pu nous amener à délimiter les Méta-Contenants de la sorte, ainsi que certains avertissements quant au diagnostic de GM, nous allons exposer dans le chapitre qui suit la description des différentes GM considérées.
3.3. La Gouvernance « Préfrontale »
La GM dite « Préfrontale »6 implique chez l’individu une tendance globale à fonctionner selon les six dimensions que nous décrivons ci-après (voir aussi annexe 1) :
1. Curiosité : se caractérise par une affinité pour l’exploration proactive de l’inconnu, une attraction pour la différence et l’inhabituel (cf. Han étal., 2013).
2. Souplesse : se manifeste sous la forme d’une maturité spontanée, i.e. une prise en compte sans délai de la réalité comme elle est, sans pour autant se priver d’agir et de mettre en place des stratégies pour pouvoir y faire face.
3. Nuance : démontre une vraie quête de subtilité dans sa perception des situations et relations problématiques. La vie est alors considérée comme un rébus plutôt qu’un casse-tête.
4. Relativité : se traduit par un goût profond pour le fait de concevoir, modéliser, innover, confronter, enrichir, transformer les représentations, anticiper et préparer le passage à l’action, etc.
5. Rationalité : rend compte d’un vif intérêt pour comprendre les causes et les effets, mettre à l’épreuve des faits les modèles conçus à l’étape précédente, les valider (« si ce que je pense est vrai, alors, si je fais ceci, il doit se passer cela... »), les expliquer, etc.
6. Individualisation : confère une capacité naturelle à se positionner, à négocier, à assumer ses prises de risque, à être éthique et empathique, à valoriser et respecter les autres, à partager et donner...
Nous observons qu’une telle GM induit une vie plutôt sereine, paisible, créative, agile, efficace et même efficiente (Fradin et al., 2006 ; Fradin et al., 2008, op. cit.), mais éventuellement un peu compliquée en termes relationnels et parfois professionnels. En effet, cette GM ne semble pas être la plus courante chez les individus (privilège du mode automatique), et de ce fait l’attitude et les raisonnements qui en découlent ne sont pas toujours aisément compréhensibles pour les interlocuteurs sans créer de gêne.
3.4. La Gouvernance « Néolimbique »
La GM Néolimbique répond aux critères suivants :
— Recherche individuelle des plaisirs (P. Ire) et/ou évitement des déplaisirs (P. lire).
Ceci induit :
• une valorisation des émotions (désirs, appréhensions), qui amplifie la réactivité aux stimulations. Nous pourrions dire que c’est une dynamique « passionnelle » ;
• une recherche de maîtrise (acquisition de compétences et recherche de résultats) et une stratégie de retrait/ échappement/évitement devant le risque d’échec, allant jusqu’à l’évitement automatique.
— Intégration et valorisation sociale :
• selon des valeurs de méritocratie (compétition, élitisme) : valorise et récompense les « meilleurs » de chaque catégorie de personnalité. Ce sont par exemple les plus performants ou courageux pour la personnalité dite « LE », les plus gentils pour la personnalité dite « IR », etc., cf. Annexe 2) ;
• dans l’aide des faibles à mieux réussir (éducation, soutien...) surtout s’ils font des efforts et qu’ils sont ainsi considérés comme « méritants » ;
• selon des codes, des normes, des modes, des conventions où l’excellence (selon ces critères) est récompensée et la « déviance » méprisée ou mise à l’écart ;
• selon des valeurs morales, de justice et des règles du « jeu » (considération de ce qui est bien et mal, de ce qui doit être récompensé ou puni.
— Automatismes et rigidité :
• préférence pour la routine, le plaisir du « travail bien fait ». Tendance parallèle à avoir peur du changement7 ;
• tendance à manifester des certitudes et une croyance en des dogmes, ce qui conduit notamment à la genèse des intolérances et des préjugés ;
• ensemble de valeurs et antivaleurs auxquelles l’individu est particulièrement attaché.
Pour conclure, la GM Néolimbique permet souvent une simplification de la perception du monde extérieur et en cela une certaine efficacité dans la gestion du monde qui entoure l’individu. Cependant, cette GM implique également de la rigidité (et diminue ainsi son efficacité) et des exclusions. Elle est de surcroît pourvoyeuse de troubles psychologiques « réactionnels » (névrotiques, aurait dit Freud) face à un environnement qui « dérange » l’individu, puisque non conforme à ses attentes.
3.5. La Gouvernance « Paléo-Limbique » (PG)
La GM Paléolimbique répond aux critères suivants :
— Rapports de force :
• s’imposer pour prendre sa place (« si je ne le fais pas, c’est l’autre qui le fera ! ») ;
• combats réels (par exemple, dans la cour d’école) ou fictifs (rituels de démonstration de force ou de soumission, etc., cf. le Rough-and-Tumble Play, chapitre 2.1.2.) ;
• absence de règles, c’est la « loi du plus fort » impliquant que « tous les coups soient permis » et que les plus retords puissent être éventuellement valorisés. Cette GM peut donner lieu à des discours tels que, par exemple : « la triche est un sport national » ou « l’argent (sale) n’a pas d’odeur » (l’argent étant notamment synonyme de pouvoir et de reconnaissance en mode Paléolimbique) ;
• angoisse ou appréhension relativement irrationnelles à l’égard de la violence « gratuite » (celle des dominants), de la part du PGM et PGS mais aussi, dans une moindre mesure, du PGD et même du PGI (qui a besoin de se « protéger » par des pratiques mystiques).
— Esthétique :
• voyante, démonstrative, dite « bling-bling » pour le PGD ;
• inquiétante, destinée à dissuader d’attaquer, pour le PGM ;
• de type « gourou », avec des couleurs ou des teintes inspirant des notions de « pureté », pour le PGI ;
• passe-muraille, discrète, pour le PGS.
L’esthétique est sans doute incluse dans le rituel PG, permettant éventuellement aux PGD et PGM d’intimider pour réduire les combats, au PGI d’inspirer confiance et transparence et au PGS de suggérer un « circulez, il n’y a rien à voir ».
— Insensibilité par rapport à soi ou par rapport aux autres :
• le PGD prend des risques et brutalise les autres ;
• le PGS se brutalise voire d’autodétruit ;
• le PGM a une obsession du complot ;
• le PGI croit être sensible aux autres, mais ses délires l’amènent à projeter sur son entourage un monde imaginaire induisant une perte de contact avec le réel. Cette projection enferme l’individu dans une perception stéréotypée et archaïque du monde, qui le met facilement en danger puisqu’il n’évalue pas les risques. La « douceur » apparente du PGI n’écarte donc pas son insensibilité réelle.
— Réactions paradoxales, induites par un mécanisme d’autorégulation :
• une bonne nouvelle aggrave par exemple l’individu soumis (comme c’est le cas dans le baby-blues, le lauréat-blues...).
• une humiliation subie par l’individu dominant entraîne chez lui, plus tard, une crise de violence réactionnelle ;
• la mise en confiance, dans un premier temps, d’un individu marginal, est déjà difficile en soi, et entraîne souvent une crise réactionnelle de méfiance dans un second temps.
• l’abus de la confiance d’un individu intégré entraîne une crise de confiance irrationnelle « tous azimuts », éventuellement aggravée si l’on essaie de le convaincre de se méfier davantage.
Une telle GM induit un vécu quelque peu dramatique, au sens où tout y est coloré par le rapport de force, l’orgueil ou la culpabilité, ingrédients qui ont pu être constitutifs du théâtre antique... Elle implique un risque de pathologie psychiatrique (psychoses) important, impose des guerres (physiques et psychiques) et des phénomènes de prédation où les individus consacrent davantage de temps à détruire qu’à construire...
3.6. La Gouvernance « Instinctive »
À l’occasion de ce chapitre sur la GM Instinctive, nous allons présenter plus en détail le Méta-Contenant « Instinctif » (principalement Hypothalamique, mais pas seulement...), que nous abordons peu par ailleurs.
L’adjectif « Instinctif » caractérisant cette GM est réducteur. Cependant, il n’est pas aisé de le remplacer par un terme qui puisse à la fois :
— regrouper toutes les structures cérébrales impliquées dans la production de comportements instinctifs, i.e. totalement programmés par les gènes ;
— évoquer le fait que ces structures interviennent dans la traduction de nos besoins biologiques internes (alimentaires, sexuels, etc.) en « pulsions » et comportements, lesquels peuvent être en lien avec le maintien de l’organisme ou avec des réactions de survie (stress) élémentaires.
Comportements spécifiques dudit « Méta-
Contenant Instinctif »
Le mode de fonctionnement issu du Méta-Contenant Instinctif regroupe les principaux comportements innés (qui sont génétiques, ou dont l’expression est modulée par l’interaction avec l’environnement, c’est-à-dire épigénétiques). Ces comportements se subdivisent en :
— Instincts de « vie » : ceux-ci donnent lieu à des comportements de consommation (alimentaires, sexuels) ou de régulation (sommeil, température...). Ils sont une association d’une composante « pulsionnelle », endogène (reflétant l’expression d’un besoin interne comme la faim), et d’une autre composante « réactionnelle », en réponse aux opportunités de l’environnement (aliments, partenaires sexuels, etc.).
— Instincts de « survie » : ce sont les comportements de Fuite, de Lutte et d’inhibition (Laborit, 1986, op. cit.), lesquels sont regroupés sous le terme de stress. Ils ne sont que réactionnels à ce qui est perçu comme un danger externe ou interne (le stress signalant notamment une incohérence cognitive). Comme toutes les pulsions qui traduisent le besoin biologique de l’instant, le stress est un état qui est par essence éphémère, car ce niveau d’organisation cérébral n’est pas doué de mémoire. Il réagit au besoin ou danger de l’instant car si nous n’étions par exemple pas capables de faire la différence entre le souvenir d’un bon repas et le plaisir d’un bon repas, nous aurions sans doute des difficultés pour survivre.
Symptomatologie évoquant une GM Instinctive
— La GM Instinctive génère une réactivité immédiate et éphémère. Elle est en quelque sorte « épidermique », dans la mesure où sa persistance traduit le maintien de ses causes. À titre d’illustration, manger des aliments pauvres en calories ou en nutriments ne coupe pas (durablement) la faim. Il est donc normal de manger davantage si l’on trompe notre pondérostat, jusqu’à avoir atteint son « point de consigne » calorique. De même, le stress humain, avant tout issu de causes cognitives ou neurocognitives, ne cesse que si ces causes sont traitées. Le stress en soi n’est pas chronique, mais ses causes peuvent l’être.
— La GM Instinctive présente une très forte stéréotypie (plus encore que les niveaux Paléolimbique et le Néolimbique). L’anxiété, la colère ou la dépression, par exemple, ont des caractéristiques totalement standards, quels que soit la culture, le sexe, l’âge ou la personnalité (difficulté de concentration, susceptibilité ou aboulie...) (Ekman, 1993, op. cit.).
Impact de la GM Instinctive
La GM Instinctive ne semble (presque) plus exister par défaut chez l’être humain adulte :
— D’un point de vue des instincts de « vie », rares sont les gens (adultes) qui ne semblent pas capables de contrôler leurs pulsions « instinctives ». Ce sont plutôt d’autres Contenants, qui appartiennent aux Méta-Contenants Paléolimbiques ou Néolimbiques, qui semblent entraîner les dérégulations d’instincts (boulimie, anorexie, etc.), puisque leur traitement (de l’Hyper ou du PG) améliore et guérit souvent le patient. On mange parfois, par exemple, pour compenser le manque de plaisir ailleurs ou oublier le stress.
— Du point de vue des instincts de « survie » : la grande majorité des causes de stress chez l’être humain contemporain sont (neuro-)cognitives (cf. Annexe 1).
Autrement dit, la (pseudo-)Gouvernance Instinctive ne survient que sur le terreau d’une Dépression Molle. Le stress, selon les cas, peut être utilisé pour trouver l’énergie de faire (stress de Fuite ou Lutte) ou ne pas faire (Inhibition, pour accepter, faire profil bas), lorsque d’autres motivations ne sont pas ou plus disponibles. La Lutte (ou la colère) est également parfois mise en œuvre, notamment chez les individus timides, comme pour fournir de l’énergie pour « dire ce qu’il y a à dire »... enfin, à peu près.
Certaines personnes pratiquent donc de façon plus ou moins récurrente le fait :
— d’attendre le dernier moment pour se mettre « la pression » (Fuite ou Lutte) afin de pouvoir préparer ses examens ou dossiers ;
— d’avoir besoin de se disputer (Lutte) pour pouvoir se réconcilier (Inhibition).
Cette stratégie d’utilisation du stress peut s’avérer consciente et volontaire ou relever d’un mécanisme automatique.
Diagnostic d’une GM Instinctive
La GM Instinctive répond aux critères suivants :
1. Réactivité « épidermique » :
— L’individu ne réagit qu’aux sollicitations de l’environnement.
— L’individu a du mal à se contrôler.
— Il n’a pas de volonté de projet, encore moins de passion ou
de courage.
— Il a besoin de s’auto-stimuler pour initier ou prolonger une
action « de fond » de moyen ou long terme, et/ou pour surmonter un désagrément immédiat : il tend à se « récompenser » avant, pendant et après (au travers des aliments ou autre), ou se faire peur pour se mobiliser.
2. La GM Instinctive se constate surtout sur un terrain de Dépression Molle ou en tant que « levier » utilisé par un autre Contenant : Hyper lire, PG (le stress de Lutte est par exemple utilisé pour justifier l’agressivité du PGD ou de la RH, ou pour apitoyer/culpabiliser un interlocuteur en PGS ou IE lire...).