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MAUVAIS CHOIX
Le problème quand vous avez des amis, songea Raisa, c’est qu’ils ont tendance à se liguer contre vous. Généralement en usant du prétexte que c’est pour votre bien.
Ces derniers jours, il semblait que tous, Amon, Cat, Hallie, Talia et MarcheNuit, jouaient la même partition. Cela en arrivait au point que Raisa évitait de se retrouver seule avec ceux dont elle était la plus proche, car elle savait quel serait le sujet de discussion.
— Nous ne pouvons attendre plus longtemps, dit MarcheNuit. Si ce Bayar a pu passer, alors nous le pouvons nous aussi.
Ce qui signifiait lui et elle.
— Nous ne savons pas si Micah est passé, rétorqua Raisa. Nous n’avons pas eu de ses nouvelles. De toute manière, il pouvait se servir de magie. Et moi, non.
— Nous savons ce qui va arriver si vous restez ici, argua Amon. Si vous partez, vous avez au moins une chance.
— Une chance mince, répondit-elle. Karn s’attendra à ce que j’essaie de m’échapper. Je préférerais mourir en défendant la ville que d’une flèche dans le dos telle une couarde.
Ou que d’être prise vivante, se dit-elle.
Amon essaya une approche différente.
— Tant que Mellony et vous êtes coincées ici, Karn peut concentrer ses efforts sur la ville et ne pas s’intéresser à ce qui se passe dans les montagnes. Si vous vous trouviez dans les hautes terres, il lui faudrait partager ses forces et son attention.
Raisa était obligée de l’admettre, c’était sensé. Enfin… elle n’était pas obligée de l’admettre.
Il lui serait plus facile d’envisager de partir si elle n’était pas convaincue qu’une grande partie des troubles présents n’étaient pas dus à sa précédente fuite. De plus, elle n’avait pas grande envie de voyager où que ce soit avec une sœur qui refusait de lui adresser la parole. Depuis leur discussion au sujet de Micah, Mellony s’était enfermée dans sa chambre et ne voulait plus voir qui que ce soit.
Je lui ai brisé le cœur, songea Raisa. Peut-être n’avais-je pas le choix, mais je n’aurais pas dû lui parler aussi durement. Une autre raison de me sentir coupable.
La voix d’Amon interrompit ses pensées.
— Une fois que vous serez partie, nous ferons savoir à Klemath que vous n’êtes plus là. Peut-être abandonnera-t-il le siège du château et nous laissera-t-il souffler un peu.
— Très bien, finit par dire Raisa, trop fatiguée pour continuer de résister. Mettons donc un plan au point. J’ai besoin d’idées. Quel pourrait être le meilleur moyen de quitter la ville sans être repérée ?
Quelqu’un frappa à la porte. Mick passa la tête par l’embrasure.
— Capitaine Byrne ? Nous avons un problème.
Amon fronça les sourcils, de toute évidence peu désireux de lâcher prise avant d’avoir assuré sa victoire.
— Nous en avons encore pour une bonne heure, soldat Bicker. Pourriez-vous…
— Monsieur. C’est le jeune Klemath. Kip. Il veut parler à Sa Majesté. Il dit qu’il a un message pour elle.
Quoi encore ? songea Raisa. Que fait Kip ici ? Klemath senior aurait-il des doutes au sujet de son nouvel allié ?
— Où est-il ? demanda Amon.
— Il est au… il est au cachot, monsieur, dit Mick.
— Au cachot ? répéta Raisa en se frottant la nuque, essayant de dénouer la tension qu’elle y sentait. Était-ce réellement nécessaire ? C’est peut-être un traître, mais je ne l’ai jamais considéré comme dangereux.
— C’est pour sa propre protection, Votre Majesté, répondit Mick. Les caractères s’enflamment au sein de la Garde. Certains ont de la famille en ville. Et vu ce qui s’y passe…
— Comment cela ? demanda Raisa. Que se passe-t-il ?
Mick se mordit la lèvre, regardant Amon en quête d’instructions.
— La situation dégénère, dit-il.
Raisa et Amon sortirent de la salle d’audience derrière Mick, les autres à leur suite. Ils parcoururent la barbacane jusqu’à atteindre un point d’où ils pouvaient voir au-delà du mur d’enceinte.
Ce qu’elle aperçut glaça le cœur de Raisa.
Sur le terrain de parade, des soldats ardenins encerclaient soixante citoyens, des hommes, des femmes et des enfants, qui avaient les mains attachées derrière le dos. Non loin, ils avaient monté une plate-forme grossière surplombée de deux montants et d’une barre transversale. Raisa comprit aussitôt ce que c’était, ce qu’Alister aurait appelé « l’abbaye de Monte-à-regret ».
— Une potence, murmura-t-elle. Douce Dame des montagnes !
Elle fixa un regard horrifié sur la scène jusqu’à ce qu’Amon lui touche le bras.
Elle fit volte-face.
— Allons voir Klemath, dit-elle en se dirigeant vers l’escalier.
Kip Klemath se trouvait réellement au cachot, bien que dans une cellule du niveau le plus haut, plus agréable. Les fils du général renégat avaient toujours rappelé à Raisa des chiots immenses et à demi adultes : grégaires, amicaux, suffisamment grands pour faire des dégâts, et loin d’être brillants.
Là, Kip ressemblait à un chiot que l’on a battu une fois de trop. Il était assis dans le coin le plus éloigné de sa cellule, la tête baissée, comme s’il craignait de s’approcher trop près des barreaux. Deux gardes au visage sombre s’écartèrent à l’approche de Raisa et Amon.
— Klemath ! lança la jeune fille d’une voix forte, ce qui le fit sursauter. Je suis là. Que voulez-vous ?
Il se remit debout et traîna les pieds jusqu’à elle.
— Votre Majesté, dit-il, essayant de sourire. L’armure vous va bien. Vous faites très guerrière.
— On m’a dit que vous aviez un message à me transmettre, répondit-elle en croisant les bras.
Kip regarda Amon, puis Raisa de nouveau.
— Le commandant Karn m’envoie, déclara-t-il. Il dit de vous informer qu’il est à bout de patience.
— Tout comme moi, rétorqua Raisa d’un air dangereux.
Kip s’humecta les lèvres.
— Je-je ne savais pas… dans quoi on s’embarquait. Ces hommes du Sud… ils ne sont pas comme nous.
— Si vous sous-entendez que vous et moi nous ressemblons de quelque façon, vous vous trompez, contra Raisa.
Elle n’avait aucune intention de lui faciliter la tâche.
Kip hocha la tête, semblant accepter cette déclaration sans chercher à argumenter.
— Le commandant Karn, il dit de vous informer qu’à partir d’aujourd’hui il exécutera un homme, une femme et un enfant chaque jour sur le terrain de parade, devant le château. Il continuera jusqu’à ce que vous vous soyez rendue.
Raisa tendit la main à travers les barreaux, saisit la tunique d’uniforme de Kip et tira d’un coup sec en avant, l’obligeant à baisser la tête et se mettant sur la pointe des pieds pour qu’ils puissent se regarder dans les yeux.
— Et voici mon message à l’attention du commandant Karn, dit-elle, avec un goût de métal et de cendres dans la bouche. Je m’assurerai que l’Arden saigne pour chaque vie innocente qu’il prendra.
Ils n’étaient séparés que de quelques centimètres, et Kip fourra quelque chose dans la main de Raisa : une enveloppe, épaisse et gonflée.
— Faites sortir le capitaine Byrne afin que nous puissions discuter en privé.
Prise par surprise, Raisa hésita et glissa l’enveloppe entre son armure et le rembourrage. Elle relâcha Kip et fit un pas en arrière.
— Laissez-nous, capitaine Byrne, ordonna-t-elle.
— Votre Majesté, je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit Amon en regardant alternativement Kip puis Raisa, ses yeux gris emplis de méfiance.
— Je vous ai dit de nous laisser ! répéta-t-elle en élevant la voix. Je suis parfaitement en sécurité.
Amon inclina la tête.
— Comme vous voudrez, Votre Majesté, dit-il, la méfiance se transformant en reproche.
Il sortit de la pièce et referma la porte derrière lui.
Lorsqu’il fut parti, Raisa sortit l’enveloppe et se débattit avec le rabat. À l’intérieur se trouvaient un mot écrit à la main ainsi qu’un collier, un ruban familier avec de l’or blanc et des diamants bleus. Cela avait été l’un des préférés de la reine Marianna. Et, plus récemment, celui de Mellony.
Un frisson de peur glacée parcourut le dos de Raisa avant de s’installer dans son ventre. Elle déplia la feuille et parcourut le message. L’écriture ronde était reconnaissable et tachée de larmes.
« Raisa, je suis vraiment, vraiment désolée. J’étais tellement en colère contre toi et effrayée pour Micah que j’ai agi stupidement. J’ai essayé de me lancer à la poursuite de Micah pour l’avertir. Mais j’ai été capturée au-delà des remparts. Maintenant, le capitaine Karn dit qu’il me torturera à mort si tu ne te rends pas. Il le fera, je le sais. Il a des yeux de démon.
Il dit que de toute façon nos réserves seront bientôt épuisées. Si tu te rends, tu seras gardée comme otage dans le Sud. J’épouserai un noble ardenin, et les Fells deviendront un État vassal de l’Arden. Peut-être ne serait-ce pas si terrible.
Autrement, je mourrai maintenant, et tu seras exécutée lorsque le château tombera.
Quelle que soit ta décision, je la comprendrai. Je n’ai aucun droit de te demander cela, mais j’espère que tu trouveras en ton cœur la force de me pardonner. J’ai tellement peur. Ta sœur, Sa Majesté Royale Mellony ana’Marianna.
P.S. : Si je devais mourir, je t’en prie, dis à Micah que je l’aime. Je t’aime aussi, et j’espère que tu prieras pour moi. »
Le cœur de Raisa manqua un battement, puis repartit de plus belle, tambourinant douloureusement contre ses côtes. Elle savait que c’était vrai, que si elle se rendait dans les appartements de Mellony elle les trouverait vides.
Un souvenir lui revint : Mellony, enfant, agenouillée dans le temple au côté de Marianna, la tête baissée tandis que le soleil donnait à ses cheveux des reflets d’or. Sa petite sœur avait toujours pensé que, si elle respectait les règles, il ne pourrait rien lui arriver de mal.
C’est ainsi que cela devrait être, songea Raisa. La foi simple de Mellony avait été fragile et précieuse. Mais elle avait perdu sa mère, puis Micah, et elle devait désormais faire face à une mort atroce. Raisa ne pouvait laisser cela arriver ; c’était hors de question.
Kip semblait se sentir obligé de combler le silence.
— Le commandant Karn a dit que Keith et moi devions arrêter toute personne qui essayait de traverser les lignes autour du château parce qu’il savait qu’on vous reconnaîtrait même si vous étiez déguisée. La princesse Mellony était habillée comme un garçon, mais elle a pas l’air très masculine. Je l’ai reconnue tout de suite.
— Vous avez donc trahi ma sœur en la livrant aux soldats du Sud ? dit Raisa d’une voix tremblante de fureur et de chagrin.
Kip sembla se rendre compte, un peu tard, que se confesser comportait des risques.
— Je ne savais absolument pas ce qu’il comptait faire. Je veux juste que tout ça se termine. Vous savez ce qui va se passer, à la fin. Pourquoi ne pas sauver des dizaines de vies et éviter des semaines de… de trouble ? (Il leva les deux mains.) Pourquoi ne voulez-vous pas vous montrer raisonnable ?
— « Raisonnable » ? répéta Raisa, qui sentit son visage brûler comme le sang lui montait aux joues. « Raisonnable » ? Il serait « raisonnable » que je vous fasse décapiter pour traîtrise. Il serait « raisonnable » que je vous fasse pendre sur les remparts en réponse à la proposition de Karn.
Kip pâlit.
— N’agissez pas sur un coup de tête, Votre Majesté. Je sais que vous êtes en colère, mais pensez à ce qui est le mieux pour tout le monde, et non seulement pour vous.
— Vous possédez un véritable don, Klemath, dit Raisa. Chaque mot que vous prononcez augmente vos chances de finir écartelé.
Kip referma la bouche de façon presque comique. Presque.
— Je suis un peu perdue, reprit-elle. Karn détient Mellony, et il voudrait que je lui soumette le château afin de nous avoir toutes les deux. Qu’ai-je à y gagner ?
Kip l’observa d’un air méfiant, comme pour s’assurer qu’elle désirait réellement qu’il parle.
— Il ne demande pas la reddition du château. C’est vous qu’il veut.
L’esprit de Raisa se mit à tourbillonner. Pourquoi Karn lui offrait-il ce marché ? Pourquoi n’exigeait-il pas simplement que le château se rende en échange de Mellony ? Pourquoi est-il si important qu’il me mette la main dessus ?
Montaigne, songea-t-elle. Montaigne veut que je sois prise vivante. Il n’a pas oublié son humiliation, le jour de mon couronnement. Une reine martyre morte en défendant son royaume deviendrait un symbole de rébellion qui perturberait le roi de l’Arden pendant des années. Une reine capturée alors qu’elle se glissait hors de son palais, abandonnant ses défenseurs à une mort certaine, constituerait une histoire qui servirait bien mieux ses objectifs. Une reine ramenée en Arden et torturée à mort en guise d’avertissement, ce serait encore mieux.
Mellony disait qu’elle épouserait un noble ardenin. Peut-être Montaigne, par l’intermédiaire de Karn, lui avait-il fait une offre : le trône des Fells et un mariage avec lui, une offre que Mellony aurait pu accepter par naïveté.
Raisa se pencha vers Kip.
— Très bien, dit-elle. Voici les termes de ma reddition. Vous allez retourner voir le commandant Karn avec un message. Je me rendrai à lui, et à lui seulement. Je ne me livrerai pas à un régiment de soldats du Sud pour leur bon plaisir.
Kip ouvrit la bouche, et la referma avant que des mots n’aient réussi à s’en échapper.
— Dites à Karn de venir à la poterne demain soir, à minuit, avec ma sœur. Tous les deux, personne d’autre. Une fois que je me serais assurée que ma sœur n’a pas été maltraitée, nous ferons l’échange. Mellony retournera dans le château, et j’irai avec Karn.
Kip s’humecta de nouveau les lèvres.
— Il n’amènera jamais la princesse Mellony aussi près des remparts. Il va craindre une trahison. Vous devrez vous éloigner du château pour conclure ce marché.
— Il va craindre une trahison ? dit Raisa en se sentant sourire malgré elle. Pauvre Karn. Dans quel monde vivons-nous…
— Votre Majesté, reprit Kip après avoir hésité un moment. N’essayez pas de le doubler. Karn, je veux dire. Il a des espions dans le château. Ils sont toujours à l’affût. Alors, quoi que vous fassiez…
— Très bien, le coupa Raisa. Nous ferons l’échange au temple du Marché. Il se trouve au centre de la zone incendiée, au sud du château. Il est facile à trouver, c’est le seul bâtiment encore debout. Mais Karn devra retirer les troupes placées entre le château et le temple. Il doit évacuer tout le terrain, c’est bien compris ? Je viendrai avec un drapeau de paix, et je serai accompagnée d’une garde.
— Une garde, répéta Kip en fronçant les sourcils. Le commandant Karn a dit que vous deviez venir seule.
— Le commandant Karn doit me prendre pour une imbécile, répliqua-t-elle. Pense-t-il vraiment que je renverrais ma sœur au château toute seule ?
— Vous n’êtes pas vraiment en position de négocier, Votre Majesté, dit Kip, agacé.
— Tant que Karn voudra quelque chose de moi, il devra négocier, répondit Raisa. Le château n’est pas tombé, pas encore. Dites-lui que j’aurai des gens à l’affût. Dites-lui qu’il ferait mieux de ne pas essayer de me doubler, car je le saurai. (Elle l’observa un long moment, avant de se détourner.) Adieu, lytling Klemath. Je vais ordonner que vous soyez relâché et rendu à vos alliés du Sud.
— Votre Majesté ! la rappela Kip.
Elle s’arrêta, mais ne se retourna pas.
— Dois-je vous rapporter sa réponse ?
Raisa secoua la tête.
— Je ne veux plus vous voir. S’il est d’accord, qu’il fasse flotter une bannière au sommet de son abjecte potence. Autrement, aucune réponse n’est nécessaire.
— Raisa, reprit Kip, sans plus d’agacement. Je suis désolé que les choses aient tourné ainsi. J’ai eu l’espoir, autrefois, que vous et moi… que nous pourrions nous marier.
Raisa craignait de ne pouvoir répondre civilement à cela, alors elle sortit de la pièce à grands pas et passa devant Amon, qui avait presque l’oreille collée à la porte.
— Laissez Klemath repartir en toute sécurité, lança-t-elle par-dessus son épaule. J’en ai terminé avec lui.
— Votre Majesté ! appela Amon avant d’ajouter : Raisa ! attendez !
Elle continua d’avancer, monta l’escalier, traversa la salle de service et déboucha sur le mur d’enceinte, avec Amon juste derrière elle.
— Vous ne pensez pas à vous rendre ! lança-t-il. Dites-moi que vous n’y pensez pas.
La tête baissée tel un taureau qui charge, Raisa parcourut le mur d’enceinte et monta l’escalier jusqu’à la tour de la reine, Amon la suivant comme une ombre en veste bleue, la mâchoire crispée et l’expression sinistre.
Bien qu’elle soit malheureusement certaine que Kip disait la vérité, elle devait s’en assurer par elle-même.
Une garde qu’elle ne connaissait pas était en faction devant la porte de Mellony. Elle se redressa lorsqu’elle vit que Raisa se dirigeait vers elle.
— La princesse Mellony est-elle là ? demanda Raisa sans s’encombrer de salutations ni de cérémonie.
— Non, madame, bégaya la garde. Je n’ai pas vu Sa Grandeur depuis que j’ai pris mon service. Somerset dit qu’elle n’a pas regagné ses appartements depuis hier soir.
— Qui était censé veiller sur elle ?
— Eh bien… euh… Votre Majesté, nous n’avons pas assez de gardes pour en détacher et les affecter à la suivre dans le palais.
Raisa le savait. Bien sûr qu’elle le savait. Elle ouvrit en grand la porte de la suite de Mellony. Les appartements de sa sœur formaient un mélange étrange de possessions d’enfant et d’une nouvelle sensibilité d’adulte. Il y avait là ses poupées de porcelaine, alignées sur sa coiffeuse, rapportées par leur père à son retour du Tamron, après des voyages d’affaires. Ses peintures, dont certaines étaient restées à l’air libre et avaient séché. Des faveurs d’un tournoi passé, accrochées à son miroir. Et des pots de couleur et de poudre, des brosses et des accessoires à cheveux, prêts à l’utilisation.
Raisa jeta un coup d’œil dans la chambre de Mellony. Le lit était fait, ses robes étaient toujours pendues dans l’armoire. Elle ouvrit la boîte à bijoux sur la table de chevet. Vide.
Raisa saisit une brosse à cheveux et retira quelques boucles brillantes, avant de s’essuyer les yeux d’un revers de main.
Elle se retourna vers la porte et vit Amon dans l’embrasure.
— Qu’y a-t-il, Rai ? demanda-t-il. Que se passe-t-il ? Qu’a dit Klemath ?
Raisa sentait le mot froissé dans son corsage, le poids du collier.
— Karn détient la princesse Mellony. Il veut faire un échange, moi contre elle. Si je ne me rends pas, il la torturera à mort. Si j’accepte, il dit qu’il me gardera en otage dans le Sud.
— Vous ne le croyez pas, n’est-ce pas ? dit Amon.
Elle sentait la pression exercée par son regard depuis l’autre bout de la pièce.
— Qu’importe ce que je crois…, murmura Raisa, sentant les larmes lui piquer les yeux de nouveau.
Elle avait été arrogante de défier le destin, elle avait essayé de forcer les événements à se plier à sa volonté. Elle avait essayé d’imposer l’un de ses désirs au monde, de pouvoir se marier par amour.
Han était désormais mort, et Mellony en danger.
Devrait-elle tout sacrifier, toutes les personnes qu’elle aimait, pour ce maudit trône ?
Il semblait que oui.