II

LA RÉFORME DE L'ÉGLISE

LES PRÉLATS RÉFORMATEURS

 

Tel apparaît d'abord le regain de pureté que la réforme introduit alors dans l'Eglise et, plus précisément, dans ses avant-gardes, c'est-à-dire dans les chapitres de chanoines, dans les communautés de clercs réunies autour de l'évêque, et, plus vigoureusement encore, dans l'institution monastique. Les entreprises réformatrices ont pris leur départ très tôt, bien avant l'An Mil. L'archevêque de Reims Adalbéron les soutenait déjà dans les années soixante-dix du Xe siècle :

 

Aux chanoines qui, vivant dans des maisons particulières, ne s'occupaient que de leurs affaires personnelles, il commanda de vivre en communauté. A la cathédrale, il adjoignit un cloître, où ils devaient résider et habiter ensemble, et aussi un dortoir pour reposer la nuit dans le silence, un réfectoire pour se restaurer à une table commune. Par règlement, il leur prescrivit de ne rien demander dans l'église, dans le temps de la prière, sinon par signes, sauf en cas de nécessité pressante ; de prendre leur nourriture ensemble sans parler ; de chanter, après le repas, en action de grâces, les louanges de Dieu ; de ne violer en rien le silence depuis la fin des complies jusqu'aux laudes de matines ; et alors, réveillés par la sonnerie de l'horloge, de rivaliser de hâte pour s'acquitter des laudes. Avant l'heure de primes, la liberté de quitter le cloître n'était accordée à personne, sauf à ceux qui vaquaient aux affaires communes. Et pour que nul, par ignorance, ne laissât quelque chose dans ce qu'il avait à faire, il leur enjoignit la récitation quotidienne de la règle de saint Augustin et des décrets des Pères.

Quant aux mœurs des moines, on ne saurait trop dire la prédilection et le zèle qu'il montra à les corriger et à les rendre distinctes des comportements du siècle. Non seulement il veilla à ce qu'ils se fissent remarquer par la dignité de leur vie religieuse, mais encore il eut soin d'éviter leur amoindrissement en accroissant leurs biens temporels. Tout en manifestant à tous son amour, il portait une particulière affection aux moines de saint Remi, patron des Francs. Il se rendit à Rome, désireux de faire établir pour l'avenir la possession de leurs biens. Parce qu'il était un homme noble, puissant, réputé de vie excellente, il fut accueilli avec une grande révérence par le pape Jean, de sainte mémoire.

 

Dans un synode il éleva une très grave plainte contre la vie religieuse des moines : les règles établies par les anciens étaient violées et déformées par certains. En présence des évêques, il décida de faire venir les abbés de différents lieux et de requérir leur conseil. Le temps et le lieu pour cela furent bientôt établis, et le synode se sépara.

Ce temps vint donc : les abbés venus de divers lieux se réunirent, desquels fut institué premier et primat Raoul, homme de sainte mémoire, abbé du monastère de Saint-Remi. Il présida et obtint la dignité d'être le premier ; les autres se disposèrent en cercle ; quant au métropolitain, il s'assit en face de lui sur sa chaire. A la demande du président et des autres pères, il prit la parole et prononça ces mots :

« Il importe, très saints pères, que les bons se réunissent, s'ils se préoccupent de recueillir les fruits de la vertu. Ils servent ainsi les bons et les voies honnêtes. En revanche, il est pernicieux que les mauvais se rassemblent pour rechercher et accomplir les choses défendues. C'est pourquoi je vous exhorte, vous que je vois réunis au nom de Dieu, à rechercher le meilleur, et je vous invite à ne rien entreprendre par mauvaiseté. Que l'amour du siècle et la haine n'aient pas leur place parmi vous, car ils énervent la justice et font étouffer l'équité. L'antique discipline de votre ordre a dévié de sa pureté traditionnelle, d'une manière excessive, le fait est notoire. Vous n'êtes même pas d'accord entre vous pour l'application de la règle, chacun voulant et pensant d'une manière différente. C'est pourquoi, jusqu'ici, votre sainteté a beaucoup pâti. Aussi ai-je jugé utile, puisque vous êtes réunis ici par la grâce de Dieu, de vous persuader de vouloir, de penser, d'agir ensemble, afin qu'une même volonté, une même pensée, une telle coopération ramènent la vertu oubliée et expulsent avec vigueur l'ignominie du vice1.

 

QUE CHACUN RESTE DANS SON ORDRE

 

De même, en l'An Mil, l'Empereur Otton III :

 

A la suggestion du pape et de plusieurs autres personnes soucieuses des intérêts de la religion dans la maison de Dieu, il songea à chasser certains moines de l'église Saint-Paul, qui n'avaient de moines que le nom, vivant au reste fort mal. D'après les mêmes conseils, il allait faire assurer le service divin à leur place par des religieux d'une autre institution, de ceux que nous nommons chanoines. Et il se disposait à faire exécuter sa décision quand lui apparut une nuit, en vision, le bienheureux apôtre Paul, qui voulut bien adresser à l'empereur ces avertissements :

« Si vraiment, dit-il, tu brûles du désir de faire ce qui vaut le mieux pour le service de Dieu, veille à ne point aller jusqu'à changer la règle de cette église en en chassant ces moines. Il n'est nullement convenable à un ordre religieux, même s'il est partiellement dépravé, de rejeter jamais ou de changer sa propre règle. Chacun doit être jugé dans l'ordre où il s'est au départ voué à servir Dieu. A chacun il est loisible de s'amender, s'il est corrompu, mais que ce soit dans le cadre choisi de sa propre vocation. »

Nanti de tels conseils, l'empereur répéta aux siens ce que lui avait dit l'apôtre et donna ses soins à essayer de réformer cette règle, c'est-à-dire celle des moines, et non pas à les chasser ou à les changer2.

 

SAINT-VICTOR DE MARSEILLE

 

L'abbaye de Saint-Victor à Marseille avait été désertée au IXe et au Xe siècle, car, située hors des murailles, elle était trop exposée aux incursions des pirates sarrasins ; sa fortune s'était fondue dans celle de l'évêché, laquelle s'incorporait à l'héritage des vicomtes de la ville. Vers 970, la communauté fut reconstituée et soumise à la règle de saint Benoît. L'évêque, en 1005, achève la réforme en exemptant le monastère, comme l'était celui de Cluny depuis sa fondation, de toute ingérence extérieure. Au XIe siècle, Saint-Victor devait devenir la tête d'une congrégation étendue depuis la Sardaigne jusqu'à la Catalogne.

 

Des pages de nos livres saints se dégage une certitude, à savoir qu'après l'avènement et la glorieuse ascension de notre Seigneur et sauveur, avant que le collège de ceux qui étaient à Jérusalem ne soit dispersé, et chacun de ses membres dirigé vers les différentes régions du monde pour, avec l'assistance de l'Esprit-Saint, prêcher la gloire de son nom et en propager la connaissance, la multitude des croyants n'était qu'un cœur et qu'une âme. Aucun de ceux qui possédaient quelque chose ne le disait sien. Tout était commun entre eux. Parmi eux personne n'était dans le besoin. Tous les propriétaires vendaient leurs champs ou leurs maisons et en apportaient le prix aux pieds des apôtres. Cet argent était partagé à chacun selon ses besoins [Actes des Apôtres, IV, 32-35]. Voilà pourquoi il y eut à Jérusalem une telle multitude de croyants, alors qu'aujourd'hui il est bien difficile d'en trouver, et si peu, dans les monastères.

 

Grâce à la prédication des apôtres, la nuque de toutes les nations fut soumise au joug du Seigneur, d'où ce nombre infini de croyants. Mais dès l'instant où les saints apôtres par la gloire du martyre quittèrent ce monde, cette sainte communion et institution apostolique commença à tiédir peu à peu. L'esprit de quelques-uns de ceux qui avaient reçu la doctrine des bienheureux apôtres s'enflammait. S'isolant, ils entreprirent d'habiter ensemble. On les appelle d'un mot grec, cénobites, qui désigne la vie en commun. Les monastères tirent de là leur origine.

 

Selon cette formule cénobitique, il y eut dans les frontières de notre pays, la Provence, un monastère célèbre, sis non loin des remparts de la cité de Marseille. Sanctifié par le corps du prestigieux martyr Victor, exalté par les nombreux dons et privilèges du glorieux empereur Charles [Magne], il demeura longtemps dans cette perfection, stable et régulier.

Après bien des années, comme cet excellent prince avait quitté le monde, et que le Dieu tout-puissant voulut châtier le peuple chrétien par le fléau des païens, les tribus barbares envahirent la Provence et se répandant partout, s'établirent puissamment ; habitant des lieux fortifiés, elles dévastèrent tout, détruisant les églises et de nombreux monastères. Ainsi, des lieux autrefois opulents furent réduits à l'état de ruines, et ce qui avait été habitat humain devint repaire de bêtes.

Il arriva donc que ce monastère, qui avait été autrefois le plus grand et le plus fameux de toute la Provence, fut rasé et réduit à rien, jusqu'à ce que le seigneur Guillaume et le seigneur Honorat, évêque de ladite cité, et son frère le vicomte Guillaume, et le fils de celui-ci, le seigneur Pons évêque, qui succéda dans l'épiscopat à son oncle, missent la main à sa restauration. Ces derniers non seulement rendirent au monastère quelque peu de ce qui lui avait appartenu, mais encore lui firent largesse de leurs propres possessions, pour le salut de leur âme, et, ayant réuni là des moines, y ordonnèrent un abbé.

 

En conséquence, moi, Pons, par ordination divine pontife de l'église de Marseille, enflammé du feu du divin amour, et brûlant de ce même amour pour le très glorieux et très précieux monseigneur, le très bienheureux martyr Victor, afin que son monastère où son corps saint et vénérable repose, demeure pour les siècles à venir dans la stabilité, et intact sans aucune interruption ou diminution, afin que notre œuvre de donation, restitution et accroissement, demeure indissoluble, ferme et stable pour toujours (la nôtre aussi bien que celle de nos prédécesseurs cités plus haut), en accord avec le seigneur Rodolphe, roi des Alamans et de Provence, en connivence avec le seigneur apostolique [Jean XVIII] pape de la ville de Rome et sur son ordre, de par la volonté du seigneur comte Roubauld et de la dame comtesse Adélaïs, du seigneur comte Guillaume leur fils, donnant leur consentement de la même façon le clergé et le peuple de la sainte église de Marseille, [moi, Pons], je fais dresser cette charte de roboration, de libéralité et de donation au Seigneur tout-puissant et à saint Victor son martyr, ainsi qu'aux abbés et aux moines, tant présents qu'à venir, afin qu'à dater de ce jour le monastère ne tombe sous la main de quelque homme que ce soit, sauf pour raison de défense, mais qu'il appartienne, comme il en va pour les autres monastères réguliers édifiés en l'honneur du Dieu tout-puissant et de ses saints, aux abbés et aux moines qui ont choisi de vivre selon la règle de saint Benoît et selon les saints canons.

 

Qu'aucun évêque, qu'aucune personne, appartenant à quelque ordre que ce soit, tant clerc que laïc, n'ose enlever au monastère ou aux abbés et aux moines, quelque possession ou terre que ce soit, que ce monastère possède présentement ou qu'il pourra acquérir plus tard. Ceci afin que abbés et moines, tant présents qu'à venir, puissent servir Dieu dans la paix et la sécurité, dans l'indépendance à l'égard de la volonté de tout homme, et qu'ils puissent offrir leurs prières pour nous tous, les fondateurs déjà nommés, ainsi que pour le salut de tous les chrétiens vivants et morts.

 

Que si une puissance ennemie venant à s'élever contre saint Victor et son monastère voulait attenter à notre œuvre et à cette institution fondée pour le remède de nos âmes, ou attaquer ce privilège que, selon le précepte royal et sur ordre de la puissance apostolique, ainsi que par toutes les autorités alléguées plus haut, nous fixons par écrit, ou bien s'efforcer de rendre ce privilège non avenu et mensongère l'œuvre de nos mains, que ce soit un évêque, un abbé, ou qui que ce soit, par le seul fait qu'il voudrait détourner un don destiné au monastère, que celui-là soit anathème, maranatha, qu'il soit anathème, maranatha, qu'il soit anathème pour donner et anathème pour recevoir, c'est-à-dire, tant celui qui donne que celui qui reçoit, selon les sains canons. Et qu'il soit excommunié, et maudit, et dans l'abomination du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et aussi de monseigneur le pape du siège apostolique et romain, et de tous les ordres de la sainte église catholique de Dieu, des évêques, des prêtres, des diacres et de tous ceux qui ont ce pouvoir de lier et de délier. Et qu'ils soient damnés dans le fond de l'enfer, avec Judas le traître, avec Arion et Sabellion, et avec tous les hérétiques et les infidèles de Dieu, tant ceux qui feront que ceux qui consentiront au fait.

 

A moi, Pons, évêque, et à mes frères, monseigneur Guillaume et monseigneur Foulque, il plaît aussi d'insérer ceci : de tout ce qui, de l'héritage de notre père ou de notre mère et de nos parents a été ou sera donné à ce monastère par notre père et par nos parents ou par nous, si quelque puissance, soit un évêque, soit une personne de quelque ordre que ce soit, voulait enlever ou prendre quelque chose à ce même monastère ou à ces mêmes abbés et moines, que sa revendication ne soit pas valable. Si cela était fait, que nos héritiers et successeurs aient libre puissance de reprendre et de récupérer ce que quiconque aura voulu enlever ou prendre.

L'abbé et les moines dudit monastère ont tout pouvoir d'interpeller en ce qui concerne les dispositions précédentes ceux qui voudraient attenter au présent acte écrit, devant toute curie royale ou devant le seigneur apostolique de Rome, et les forcer à payer une amende de cinq cents livres d'or, cet écrit demeurant dans sa forme précédente, à nouveau ferme et stable.

 

Cette charte a été écrite l'an de l'incarnation du Seigneur mil cinq, Rodolphe étant roi des Alamans et de Provence, et Jean par la grâce de Dieu pape du siège apostolique.

[Suivent les signatures de : ] Roubauld, comte de Provence ; de Pons, évêque de Marseille ; d'Adélaïs, mère de Roubauld ; de son fils Guillaume ; de Guillaume, comte de Toulouse ; d'Ermengarde, femme du comte Roubauld ; de Garnier, abbé de Psalmodi ; de Guifred, qui bien qu'indigne est appelé abbé dudit monastère ; d'Archinricus, abbé de Montmajour ; de Rado, évêque ; d'Elmerad, évêque de Riez ; de Pons, archevêque d'Arles ; de Paton, abbé [de Saint-Gervais, à Fos-sur-Mer] ; de Déodat, André, Massilius [chanoines de Marseille], Ugo ; de Guillaume, de Lambert et de Radalde ; d'Amalric, archevêque d'Aix-en-Provence ; du seigneur Franco3.

 

CLUNY

 

Toutefois, c'est alors dans Cluny, fleur en l'An Mil de l'ordre bénédictin, exemple de pureté, ferment de dynamisme, que jaillit avec le plus de vigueur la sève de régénération.

 

Enfin la règle [de saint Benoît], presque complètement tombée en désuétude, trouva, grâce à Dieu, pour reprendre une vigueur nouvelle et s'épanouir en de nombreux rameaux, un asile de sagesse, le monastère nommé Cluny. Cet établissement tire son nom de son site incliné et modeste, ou peut-être, ce qui lui conviendrait mieux encore, du mot cluere, car nous disons cluere pour « s'accroître ». Et en effet il s'est brillamment accru de jour en jour, grâce à des dons divers, depuis ses origines. Il fut primitivement construit par le père des moines du monastère de Baume, cité plus haut, qui se nommait Bernon, sur l'ordre de Guillaume, le très pieux duc d'Aquitaine, dans le comté de Mâcon, au bord de la petite rivière de la Grosne. Ce couvent, dit-on, ne reçut tout d'abord en dotation que la valeur de quinze exploitations paysannes ; et pourtant l'on rapporte que les frères qui s'y réunirent étaient douze. Cette semence de choix fit se multiplier une race innombrable qui, on le sait, a répandu l'armée du Seigneur sur une grande part de la terre. Ces hommes se sont sans cesse préoccupés de ce qui est de Dieu, c'est-à-dire des œuvres de justice et de miséricorde ; ils ont donc mérité d'être comblés de tous les biens ; et par surcroît ils ont laissé à la postérité un exemple digne d'être imité. Après Bernon, la direction de l'abbaye fut prise par le très savant Odon, homme plus religieux que quiconque qui était auparavant prévôt de l'église Saint-Martin de Tours, vraiment admirable par la sainteté de ses mœurs et de sa vie religieuse. Il mit tant de zèle à propager la règle que, de la province de Bénévent jusqu'à l'Océan, tous les monastères les plus considérables que comptaient l'Italie et la Gaule eurent le bonheur d'être soumis à son autorité. Après sa mort il fut remplacé par Aymard, homme simple, qui, sans être aussi fameux, ne fut pas un moins vigilant gardien du respect de la règle. Après lui on élut le saint et vénérable Maïeul, dont nous avons parlé plus haut, et qui désigna, pour lui succéder au gouvernement des moines, Odilon.

 

GUILLAUME DE VOLPIANO

 

La congrégation clunisienne fut effectivement construite par saint Odilon, abbé de Cluny à l'époque des millénaires. Près de lui agirent d'autres réformateurs, dont Guillaume de Volpiano, disciple de saint Maïeul, et abbé de saint Bénigne de Dijon, par qui la restauration de la pureté monastique fut propagée à la fois dans le pays lombard et en Normandie.

 

A la même époque brilla dans la réforme des maisons de Dieu le vénérable abbé Guillaume qui fut autrefois nommé par le bienheureux Maïeul abbé de l'église de saint Bénigne, martyr. Il fit aussitôt réédifier les bâtiments de cette église de façon si admirable qu'il eût été difficile d'en trouver d'aussi beaux. Il ne se distinguait pas moins par la rigueur avec laquelle il observait la règle, et il se montra en son temps l'incomparable propagateur de son ordre. Mais autant cela le faisait aimer des personnes religieuses et pieuses, autant cela lui attirait les dénigrements et la malveillance des fourbes et des impies. Il était né en Italie, de parents d'un noble lignage, mais il était plus noble encore par la science élevée qu'il avait acquise. Dans le même territoire, sur le domaine qu'il avait hérité de ses parents, précédemment appelé Volpiano, il édifia un monastère rempli de toutes grâces, dont il changea lui-même le nom, l'appelant Fruttuaria. Il l'enrichit de bienfaits de toutes sortes et y mit un abbé qui était en tous points son digne émule, nommé Jean. Guillaume était d'un esprit aiguisé et d'une insigne sagesse, ce qui lui valait d'être reçu dans les palais des plus grands rois et des princes. Chaque fois qu'un monastère se trouvait sans pasteur, aussitôt le roi, le comte ou le prélat le priait instamment d'en prendre la direction pour le réformer ; car on voyait les monastères devenir florissants sous son patronage, grâce à sa richesse et à sa sainteté. Et lui-même se portait garant que, si dans chacun de ces lieux les moines observaient les prescriptions de la règle, ils n'auraient jamais à manquer de rien. Ce qui s'est clairement vérifié dans les lieux qui lui furent confiés... Cluny se voit souvent réclamer de divers pays des frères qui, ordonnés abbés, accroissent de mille manières les intérêts du Seigneur. Mais Guillaume, le père par qui ce chapitre a commencé, l'emporte sur tous ceux qui sont sortis avant lui de ce lieu par le mal qu'il s'est donné et les résultats qu'il a obtenus en portant partout la semence de notre règle4.


1 Richer, Hist., III, 24-25 et 31-33.

2 Raoul Glaber, Hist., I, 4.

3 Cartulaire de l'Abbaye de Saint-Victor de Marseille, édité par B. Guérard, dans la Collection des Cartulaires de France, tome VIII, Paris, 1857, vol. I, p. 18-22.

4 Raoul Glaber, Hist., III, 5.