Comme on peut le constater dans ce parcours de la théorie du cinéma depuis Lindsay et Münsterberg, les critiques, les théoriciens, les cinéastes n’ont cessé de se poser la question de la signification au cinéma. Dans une première période, celle du muet et du cinéma classique, ils sont fascinés par le mode propre de production du sens qui caractérise les images cinématographiques. Après Münsterberg, c’est sans doute Béla Balázs qui pose avec le plus d’acuité, dès 1924, les premières fondations de l’esthétique du film. Et deux grands cinéastes théoriciens, aussi différents l’un de l’autre que possible, Jean Epstein et S. M. Eisenstein, cernent chacun à sa manière ce qui constitue l’originalité fondamentale du mode de signification et de figuration cinématographiques, l’un par la « lyrosophie », l’autre par le « montage intellectuel ». Dans une période intermédiaire, c’est la métaphore langagière qui suscite le plus de questions et d’hypothèses, tant du côté des linguistes que des poètes. Enfin, on peut observer un net glissement dans les dernières décennies, marquées par les questionnements philosophiques, la visée esthétique et l’inscription des images en mouvement dans l’histoire de l’art. Le film signifie à sa manière, mais plus encore, il figure et il pense. Il signifiera encore, mais sans doute différemment.
3.8 À qui appartient la terre ? (Doàn Thi Hông Lê, 2009).
Un documentaire en pur « cinéma direct » où l’enquête sur le passage à l’économie de marché dans le Viêtnam des années 2000 dans un village de la région de Da-Nang offre un portrait saisissant de personnages opposant les autorités de l’État, les investisseurs étrangers et les paysans traditionnels expropriés pour la construction d’un terrain de golf de luxe pour touristes. La construction narrative du film, la force des personnages filmés et le montage alterné neutralisent ici la frontière entre film documentaire et film de fiction.