4.

Il pataugeait dans un univers d’eau trouble.

Loin devant, il distinguait une énorme forme grelottante.

L’explant cancéreux dans son habit résille  !

Il était au fond de la mer, près du Centre de programmation génétique Drosophile

Le fourreau résille s’ouvrit et l’explant cancéreux s’avança vers Jack, prenant progressivement forme humaine.

Il fut alors attiré vers le haut. Comme si on lui retirait subitement une ceinture plombée.

Il troua la peau de la mer. Respira un grand coup. Vit Laetitia penchée sur lui.

— Je ne veux pas que tu meures, disait-elle. Je ne veux pas  !!!

Et derrière elle, Crâne-au-Vent qui essayait de la consoler. Et légèrement sur la gauche, Louis, et Rony qui tenait dans ses bras Étienne. Ils avaient donc réussi. Même Laetitia s’en était sortie. Elle avait dû perdre son nasillard lorsque le géant était tombé. Rien de grave. C’était lui qui mourait…

 

Il essaya de bouger, mais il ne sentait pas son corps, ne savait pas quoi bouger… Ses paupières étaient de nouveau closes. Et la voix de Laetitia était emportée par l’écume. Je ne veux pas que tu meures… Je ne veux pas… veux pas… pas… Lui non plus ne le voulait pas vraiment. Il aurait surtout voulu la serrer une dernière fois dans ses bras… Du romantisme de pacotille, sans grande importance. Ce monde n’était plus le sien, il était déjà mort depuis longtemps… Aucune importance… Laetitia, Louis et toutes les crevettes allaient repeupler la Terre, et les petites collines de corps aussi, resplendissantes de vigueur… Esil.

Il toucha de nouveau le fond de l’océan.

La gaine résille ondulait comme un filet à papillons en quête de proie. Vide.

L’explant cancéreux avait disparu.

 

Anton s’est-il réellement sacrifié  ? s’interrogeait Jack en montant à nouveau vers la lumière.

Il embrassa Laetitia qui avait plongé pour l’aider à nager et il noya les derniers relents de culpabilité dans son sourire.

Lorsqu’il refit surface, ses amis étaient tous autour de lui.

— Les étoiles… sont… le Styx  ! parvint-il à articuler en un ultime effort.

Puis il perdit connaissance.

 

*

 

Ils l’avaient ramené chez Rony.

Il n’éprouvait plus aucune sensation. Était incapable de parler. Pouvait juste battre des paupières.

Rony avait fait venir un ami médecin. Le constat avait été sans appel  : Jack s’était brisé la nuque, et en l’absence de caisson chirurgical aucune intervention n’était envisageable sur sa moelle épinière.

Jack était maintenant de nouveau conscient et s’obstinait à regarder fixement Rony. Ce dernier avait du mal à soutenir son regard car il pressentait ce qu’il voulait.

Il soupira.

— Tu veux aller chez Kurtz, n’est-ce pas  ?

Les paupières de Jack clignèrent. Une seule fois.

— Tu es sûr  ?

Elles clignèrent de nouveau.

 

Rony expliqua l’histoire de la spirale d’or et du Kynsos Marcusbi à Crâne-au-Vent, Louis et Laetitia. Enfin, ce qu’il en avait lui-même compris à partir du récit de Jack. Il trouvait toujours cela totalement délirant. Mais c’était ce que voulait son ami.

Crâne-au-Vent et Louis eurent du mal à suivre l’exposé de Rony mais comprirent qu’il fallait satisfaire le souhait de Jack. Laetitia niait toujours l’évidence. Elle n’arrivait pas à admettre que Jack était condamné, qu’il ne récupérerait jamais.

Elle pleura longuement, la tête posée sur sa poitrine. Puis elle se redressa, essuya ses larmes et le regarda droit dans les yeux.

— Tu as réussi à sauver le monde. Tu la retrouveras.

Jack cligna des paupières.

Et elle accepta de le laisser partir.