Régis plante sa pique dans une bouteille en plastique, qui éclate.
— Merde !
Il est maintenant obligé de ramasser les morceaux à la main. Quelques mètres sur sa gauche, légèrement en retrait, Carla se fout de lui.
— Les bouteilles en plastique, à la main ou à l’épuisette. Sinon, le temps que tu penses gagner, tu ne feras que le perdre…
— Et gnagnagna… et gnagnagna… grommelle Régis.
Depuis l’épisode de la branlette, il ne supporte plus Carla. Pas tellement pour avoir dû se soumettre à son bon vouloir – finalement il y a pire, comme humiliation – mais parce que, en bonne donneuse de leçons, c’est à cause d’elle qu’ils ont failli se faire virer. Et malgré ça, elle continue à le prendre de haut.
Il se prépare à lui lancer une pique lorsqu’un bruit lointain attire son attention.
Il regarde vers la mer et aperçoit un point noir qui grossit rapidement dans le ciel.
Dès que Régis comprend qu’il s’agit d’un hélicoptère, il se dirige lentement vers l’ascenseur.
Carla le regarde d’un air suspicieux.
— Qu’est-ce que tu fous ?
— Ça ne te regarde pas. Et je te conseille de la jouer profil bas. Dis-toi bien que si je fais la moindre connerie on est virés tous les deux. Alors, tu ferais mieux de m’ignorer plutôt que d’attirer l’attention sur moi.
— Ça veut dire quoi, ça ? Que tu te prépares vraiment à faire une connerie ?
Régis ne lui répond pas. L’hélicoptère vrombit au-dessus de leurs têtes et il n’entend de toute façon plus sa voix.
Il se dirige vers l’ascenseur. L’infirmier en faction le regarde d’un œil soupçonneux. Il indique les toilettes, près des douches.
— Elles sont occupées et ça urge.
L’infirmier affiche une moue amusée.
— Si dans dix minutes tu n’es pas redescendu, je serai obligé de faire un rapport au chef de la sécurité.
Puis il laisse passer Régis.
Régis se dirige lentement vers l’entrée de la clinique en gardant un œil sur l’aire d’atterrissage. L’hélicoptère s’est posé et Dickovski en descend. Régis est impressionné. Il ne se demande même pas pourquoi Dickovski arrive si tôt, brisant ainsi ce qui paraissait être une routine inébranlable. Mais c’est la première fois qu’il le voit en chair et en os. Toute une histoire s’est déjà tissée entre eux et il a presque peur que le Morse le reconnaisse, alors que, jusqu’à preuve du contraire, il ne l’a jamais vu.
— Hé, toi !
Il n’en revient pas. Le Morse vient de l’appeler. D’une voix grave, très radiophonique. Régis indique du doigt sa poitrine. Il a besoin d’une confirmation.
— Oui, toi, je ne sais pas ce que tu es censé faire, mais une bande de mouettes a chié sur mon hélico. Démerde-toi pour le nettoyer.
— Mais je…
— T’inquiète pas, petit, cette clinique m’appartient. Alors si quelqu’un te fait une réflexion, tu dis que c’est Dickovski qui te l’a demandé.
Régis acquiesce.
— Je m’en occupe, M. Dickovski.
— Bien.
Et il part d’un pas rapide vers une porte d’ascenseur rouge et or donnant sur l’extérieur. Probablement l’accès direct à un secteur privé.
Régis voit la main de Dickovski plonger dans sa poche et en ressortir en tenant un petit objet doré qu’il glisse dans une fente sur le côté de l’ascenseur. Les portes s’ouvrent. Dickovski pénètre dans la cabine. Les portes se referment.
Toute cette scène n’a duré qu’une seconde mais, pour Régis, le temps s’est comme figé, et il a largement eu le temps de détailler l’objet. Identique en tout point à la clef dorée qu’il a récupérée dans la cabine de douche.