Régis passe une lustreuse dans les couloirs du premier étage lorsqu’il aperçoit le Morse venant à sa rencontre.
En voyant sa démarche saccadée et son rictus diabolique, il ne peut s’empêcher de déglutir.
— L’enquête a été simple et rapide, lui lance Dickovski sans préambule. Je n’ai même pas eu besoin de quitter Borderhouse pour découvrir que tu étais le petit ami de Nora.
Régis se revoit en train de tracer son nom dans le sable.
— Et vu tes compétences en la matière, je sais que c’est toi qui pilotais le drone que j’ai pulvérisé la semaine dernière.
Régis fait semblant de ne pas comprendre. Nick soupire.
— Ce qui signifie que tu n’as rien à foutre de la petite branleuse et que tu es là pour m’espionner.
Régis cherche une parade, mais sa marge de manœuvre est tellement réduite qu’il ne fait que cafouiller. Nick lui coupe la parole.
— Bon, j’ai énormément de soucis en ce moment, alors j’aimerais bien en régler certains le plus rapidement possible. Est-ce que tu trouves que je suis quelqu’un de fréquentable pour Nora ?
Régis hésite puis se dit qu’il ne sert à rien de tricher. Le Morse a vraiment un sixième sens.
— Non.
— OK. Donc nous avons tous les deux le même objectif : mettre le plus de distance possible entre elle et moi.
— En ce qui me concerne ce n’est pas vraiment un objectif… mais une sage résolution.
— Bien. Alors tu vas faire ton possible pour le lui faire comprendre. Sinon, elle risque de recevoir une vidéo croustillante. Tu vois ce que je veux dire ?
Régis acquiesce.
— Avec Carla, tu fais ce que tu veux, j’ai donné des consignes. Vous pouvez même faire plaisir à Mme Santiago. Une vidéo de plus ou de moins, après tout, hein ?
Il ricane.
— Mais ne perds pas trop de temps parce que c’est ta dernière journée de boulot à Borderhouse.
Le Morse lui fait un clin d’œil accompagné d’un sourire subreptice, puis il le quitte brusquement et se dirige vers l’ascenseur réservé au personnel. Régis observe les voyants lumineux. Il descend au sous-sol, là où plane une douce musique informatique. Les soucis évoqués par Dickovski ont l’air vraiment sérieux.
Tout en rejoignant Carla, il se dit que sa situation vient d’atteindre un seuil critique. S’il ne parvient pas à raisonner Nora, il risque tout simplement de la perdre, et s’il n’utilise pas la clef d’ici ce soir, il n’aura probablement plus l’occasion de le faire…
Carla l’accueille sans lui laisser le temps de respirer.
— Tu es devenu un intime du patron, à ce que je vois ?
Régis ne prend même pas la peine de répondre. Si ce n’était cette histoire de clef, il aimerait quitter les lieux sur-le-champ. Mais il ne pourrait de toute façon pas le faire à la nage et les navettes ne partent qu’à 18 heures.
— Elena Santiago m’a lancé un radieux sourire en passant près de moi, enchaîne Carla.
— Normal. Dickovski nous permet de batifoler et lui accorde le droit d’entrebâiller la porte.
— Et si on refuse, on est virés, c’est ça ? dit Carla en lançant un clin d’œil à Régis.
— En ce qui me concerne, c’est déjà fait. Alors Elena peut aller se rincer l’œil ailleurs.
— Tu es viré ? !
— Oui, par Dickovski himself.
— Mais… et moi ?
— Quoi, toi ?
— Je n’aurai plus de binôme…
— Ils vont t’en trouver un, rassure-toi. Et il sera ravi de se faire sucer dans une cabine sous le regard égrillard d’une milliardaire.
— Tu crois vraiment que je suis prête à folâtrer avec n’importe qui ?
— Je ne sais pas, mais tu n’auras probablement pas le choix. En attendant, mettons-nous au boulot, si tu ne veux pas te faire virer toi aussi.
Carla acquiesce, les lèvres tremblantes.
— Merde, je le sens mal, là…
— Ouais, moi aussi, et fais attention à ce que tu dis parce que si l’édifice est truffé de verres lents, il doit également y avoir des capteurs audio planqués un peu partout…
— Arrête, tu me fais flipper.
Carla scrute les murs d’un regard inquiet.
— Ça m’étonnerait qu’il y ait quoi que ce soit de visible, ou tout du moins d’identifiable, lui précise Régis.
— Bon, allons travailler, ça m’évitera de penser… Ce coup-ci tu prends les douches et moi les vestiaires.
— Pas de problème. Et on se retrouve où pour la branlette ?
Carla hausse les épaules et disparaît.