Je suis assise sur l’un des bancs installés au bord de la falaise, face à la mer. Un mur transparent en plexiglas empêche toute chute… Mais également toute fuite.
— Ce ne serait pas une bonne idée.
Je ne l’ai pas entendu venir mais je reconnais sa voix. Mister Monk est assis à côté de moi.
— Vous êtes très discret, je ne vous ai pas vu arriver.
— Vous étiez absorbée dans vos pensées.
— Et vous les avez devinées.
— Oui. Je devine tout.
Je souris.
— Au début, vous me faisiez un peu peur, mais maintenant…
— Oui ?
— J’aime bien vous écouter. Vous êtes le seul qui n’essaie pas de me « soigner », vous me prodiguez juste des conseils. Le seul problème, c’est qu’ils sont…
— Un peu étranges ?
— Exactement.
— Ce qui vous arrive ici est-il moins étrange ?
Je réfléchis un instant.
— Je ne crois pas…
— Ah, vous voyez !
— Une chose me turlupine… Vous m’avez dit que vous n’étiez ni un employé de la clinique ni un résident. Que reste-t-il ?
— Je suis votre Ange gardien.
Je souris.
— Il n’y a pas d’ange de la réalité.
— Éluard a raison, mais les deux assertions ne sont pas incompatibles.
— Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire, mais je veux bien vous croire. Ça me plaît bien… Et puis ça me rappelle une prière que l’on m’a apprise lorsque j’étais petite : Ange de Dieu, qui es mon gardien, et à qui j’ai été confiée par la Bonté divine, éclaire-moi, défends-moi, conduis-moi et dirige-moi.
— Amen ! répond Mister Monk en graillonnant.
Je ris. Sans retenue. Je n’ai jamais été aussi bien depuis que je suis sortie du coma. Je fixe la ligne d’horizon avec sérénité. L’étrange tension qui me tiraille en permanence, comme si j’étais écartelée entre deux mondes, a disparu.
Lorsque je me retourne, Mister Monk n’est plus là.