EN ÉCRIVANT CE LIVRE, mon ambition première était de donner la parole à celui que la médecine doit servir : le patient. Ni traité médical, ni roman d’aventure, ni biographie, cette histoire est celle d’un combat.

Un récit est forcément partial et partiel. J’étais au cœur de l’histoire, mais pas toujours, et je dirais même pas souvent en mesure de la comprendre. Malheureusement, je ne suis pas la seule à ne pas avoir tout compris ! Mais personne ne peut contester mon statut de témoin privilégié de cette question cruciale : la douleur en milieu hospitalier.

Oublier ou témoigner ? Ressasser ou dépasser ? Enfouir ou déballer ? Je me suis régulièrement posé la question. Dans un réflexe de survie, on peut être tenté d’effacer de sa mémoire les moments les plus douloureux, parce qu’ils empêchent de se reconstruire.

Certains, parmi mes proches, n’ont pas caché leur crainte en me voyant obsédée par l’idée de témoigner : « Ne reviens pas sur le passé, tu vas te faire du mal ! Il vaut mieux parler de choses positives… »

Je suis entièrement d’accord : mon discours se doit d’être positif. Il ne s’agit pas d’être dans le ressentiment, le règlement de compte. J’ai décidé très tôt de ne pas engager de procès, de ne pas chercher à établir de responsabilités. De la même façon, je n’ai écrit ni pour accuser ni pour me plaindre, mais pour aider, faire avancer les choses.

Pour que les malades se fassent entendre et que les soignants s’interrogent.

Pour parler au nom de ceux qui, comme je l’étais il n’y a pas si longtemps, ne peuvent ni parler ni même bouger.

Je devais écrire parce qu’une expérience doit servir.

Parce qu’une erreur peut survenir, mais ne doit pas se répéter.

Je supporterai beaucoup mieux les souffrances que j’ai endurées si elles atténuent celles des patients qui me succéderont.