Polyeucte

POLYEUCTE

Source délicieuse en misères féconde,

Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés ?

Honteux attachements de la chair et du monde,

Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittés ?

Allez, honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre :

Toute votre félicité

Sujette à l’instabilité,

En moins de rien tombe par terre.

Et comme elle a l’éclat du verre,

Elle en a la fragilité.

 

Ainsi n’espérez pas qu’après vous je soupire :

Vous étalez en vain vos charmes impuissants ;

Vous me montrez en vain, par tout ce vaste empire,

Les ennemis de Dieu pompeux et florissants.

Il étale à son tour des revers équitables

Par qui les grands sont confondus ;

Et les glaives qu’il tient pendus

Sur les plus fortunés coupables

Sont d’autant plus inévitables

Que leurs coups sont moins attendus…

 

Saintes douceurs du ciel, adorables idées,

Vous remplissez un cœur qui vous peut recevoir ;

De vos sacrés attraits les âmes possédées

Ne conçoivent plus rien qui les puisse émouvoir.

Vous promettez beaucoup et donnez davantage :

Vos liens ne sont pas inconstants ;

Et l’heureux trépas que j’attends

Ne vous sert que d’un doux passage

Pour nous introduire au partage

Qui nous rend à jamais contents.

Corneille