Veni, vidi, vixi

J’ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs

Je marche sans trouver de bras qui me secourent,

Puisque je ris à peine aux enfants qui m’entourent,

Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;

 

Puisqu’au printemps, quand Dieu met la nature en fête,

J’assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;

Puisque je suis à l’heure où l’homme fuit le jour,

Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète…

 

Maintenant mon regard ne s’ouvre qu’à demi ;

Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;

Je suis plein de stupeur et d’ennui, comme un homme

Qui se lève avant l’aube et qui n’a pas dormi.

 

Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,

Répondre à l’envieux dont la bouche me nuit.

Ô Seigneur ! ouvrez-moi les portes de la nuit

Afin que je m’en aille et que je disparaisse !

Hugo