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Maggie crut entendre le bruit d’un hélicoptère au loin.

Son imagination lui jouait-elle des tours ? Elle aurait pu rester cachée avec Tully en attendant d’éventuels secours. Le bruit du rotor de l’appareil faillit la décider à choisir cette solution. Mais il s’estompa, puis cessa totalement. Et Maggie n’entendit plus que son cœur qui battait à tout rompre.

Jack devait s’attendre à ce qu’elle et Tully, enchaînés l’un à l’autre et jouant leur survie, avancent d’un pas lent et chancelant, trébuchant au moindre obstacle. Il devait les croire terrifiés, affolés. Il devait espérer qu’ils perdraient leur sang-froid et se querelleraient, qu’ils s’entre-déchireraient, même. Ainsi, le temps qu’il les rattrape, une telle inimitié se serait élevée entre eux que chacun le supplierait de tuer l’autre en premier.

Jack devait aussi espérer qu’ils chercheraient à aller le plus loin possible, afin de profiter de leur avance pour trouver de l’aide.

Mais il ne devait pas s’attendre le moins du monde à ce que Maggie rebrousse chemin.

Après avoir laissé Tully dans sa cachette, elle était revenue sur ses pas. A présent qu’elle était seule et libre de ses mouvements, elle se déplaçait beaucoup plus rapidement. Mais le ciel s’éclaircissait, la brume s’évaporait, et il lui fallait prendre davantage garde à rester à couvert. En traversant la rivière, elle se remémora les obstacles qu’elle avait rencontrés dans l’autre sens et les évita. Elle était trempée de sueur, et le froid vif de l’eau redonnait de la vitalité à ses sens engourdis.

Elle remarqua que la cabane n’était pas visible de la berge. Elle était entièrement entourée de sapins géants, plantés dru. Autour de cette muraille végétale se dressaient de grands chênes envahis par des buissons de genièvre ou de ronces, dans lesquels les vêtements s’accrochaient, et qu’on ne pouvait traverser sans être griffé et égratigné de toutes parts.

Maggie revint jusqu’au grand chêne derrière lequel elle s’était cachée un instant avec Tully. Elle n’avait pas grimpé à un arbre depuis son enfance, mais, en quelques minutes, elle parvint à se hisser sur une haute branche d’où elle avait une vue d’ensemble de la cabane et de son unique porte. Elle pouvait aussi voir la rivière, jusqu’au méandre le plus proche.

Elle savait qu’Otis et Jack avaient récupéré les armes de service des policiers abattus, ainsi que le pistolet de Tully et son propre revolver. Et Jack était armé d’un Glock. Ils n’allaient sûrement pas s’encombrer de cet attirail dans leur chasse à l’homme. D’ailleurs, Jack, au dire d’Otis, n’aimait pas les armes à feu. Il préférait les armes blanches, les lames tranchantes…

Elle décida d’attendre qu’ils sortent. Ensuite, elle patienterait encore un peu, perchée sur sa branche. Combien de temps ? Elle n’en savait rien. Elle comptait sur son instinct pour la guider.

A sa montre, cela faisait neuf minutes qu’elle et Tully étaient sortis de la cabane. Jack leur avait promis une demi-heure d’avance. A la vingtième minute, elle vit la porte de la cabane s’ouvrir. Elle se figea, raidissant son dos contre l’écorce. Elle ne bougea pas d’un pouce. Une légère brise faisait frémir les feuilles et osciller les petites branches autour d’elle. Son cœur avait battu la chamade tant qu’elle fuyait avec Tully. A présent, elle se trouvait remarquablement calme. Sa respiration était régulière, son esprit clair et dégagé.

Elle vit Jack désigner quelque chose sur le sol.

Des traces de pas.

Comprendraient-ils qu’elle était revenue ? Ou croiraient-ils plutôt que leurs proies, aux abois, avaient couru en tous sens, de droite et de gauche ?

Puis les deux hommes se séparèrent. Otis se mit à longer la rive et Jack s’enfonça dans la forêt, derrière la cabane.