Agatha venait juste de terminer la lecture d’un article sur la mort de Jessica Tartinck dans le journal local lorsque la sonnette de la porte d’entrée retentit. Espérant toujours la visite de James, elle jeta un regard rapide à son reflet dans le miroir de l’entrée avant d’ouvrir la porte.
Devant elle se tenait Mrs Mason, la présidente de la Société des dames de Carsely.
« Bonjour, Mrs Raisin, puis-je entrer une minute ? J’ai quelque chose à vous demander.
– Mais bien sûr. J’allais juste me préparer un café. » Agatha la précéda vers la cuisine. « Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle en remplissant deux grandes tasses en porcelaine.
– C’est au sujet de ce meurtre horrible. Une de mes parentes est impliquée. »
Les petits yeux d’ours d’Agatha s’écarquillèrent.
« Ma nièce, Deborah Camden, est une des Marcheuses de Dembley. Elle m’a entendue parler de vos talents de détective et m’a demandé de venir vous voir. Le fait est – Mrs Mason se rengorgea un instant – que ce sir Charles pourrait bien devenir une relation très proche de Deborah.
– Sir Charles, le propriétaire terrien ?
– Oui, et Deborah me dit qu’il a été arrêté pour le meurtre, mais que la police ne s’en est pas pris à la bonne personne.
– Elle sait qui est la bonne personne ?
– Non, mais elle dit que sir Charles est charmant, aimable et que cela ne peut être lui.
– Pourtant, dans le journal, on ne parlait pas d’arrestation mais seulement d’un homme qui aidait la police dans ses recherches.
– Il s’agit bien de sir Charles. Il n’a pas été mis en accusation pour l’instant, mais Deborah dit que ce n’est qu’une question d’heures. Vous savez, il a déclaré être allé à Londres le samedi du meurtre, mais un fermier jure l’avoir vu dans le champ, criant après cette Jessica et la menaçant.
– Oh, mon Dieu ! Sait-on pourquoi sir Charles a menti ?
– Non, mais elle m’a priée de venir demander votre aide.
– J’en suis ravie », répondit Agatha, tout à fait sincère. Elle était impatiente que Mrs Mason s’en aille pour aller sonner chez James et voir s’il pouvait se joindre à elle une fois de plus pour résoudre un crime.
Mais elle prit d’abord le temps de poser quelques questions.
« Que pouvez-vous me dire sur votre nièce ?
– Deborah est enseignante à l’école publique de Dembley. Elle a vingt-huit ans et n’est pas encore mariée. Je ne l’ai jamais beaucoup vue car je suis brouillée depuis des années avec sa mère, Janice, ma sœur, et nous ne nous voyons plus. Deborah a toujours été une petite fille intelligente, mais un peu effacée, ce qui explique pourquoi elle ne s’est jamais mariée.
– Je crois que je devrais aller lui parler.
– Elle travaille cet après-midi jusqu’à quatre heures. Après, je pourrais vous conduire à Dembley.
– Non, je ne veux pas être vue avec elle à Dembley, répondit précipitamment Agatha.
– Et pourquoi ?
– Eh bien, il est possible que je mène l’enquête sous couverture.
– Ah, oui, je comprends. Bien, je vais aller la chercher et vous l’amener. Vous serez là vers cinq heures ?
– Ce sera parfait ! »
Dès que Mrs Mason fut partie, Agatha se précipita dans sa chambre, enfila un chemisier neuf à manches courtes, vert feuillage, et un pantalon étroit couleur pain brûlé. Prenant une longue inspiration pour rentrer son ventre, elle se rendit chez son voisin.
James ouvrit la porte. Il fronça les sourcils en voyant Agatha.
« Que se passe-t-il, Agatha ? Je suis très occupé en ce moment. »
Se sentant blessée et rejetée une fois de plus, Agatha fut incapable de se souvenir des quelques mots qu’elle avait préparés dans le bref laps de temps écoulé depuis le départ de Mrs Mason et répondit d’un ton sec :
« Bon. Ce n’est rien, ça peut attendre. »
Elle tourna les talons et rentra chez elle.
Qu’il aille se faire voir, pensa-t-elle presque tout haut. Après tout, je n’ai pas vraiment besoin de lui. Comment ose-t-il me parler sur ce ton ?
Elle s’aperçut avec consternation que son intérêt pour l’affaire s’atténuait déjà. Pour réagir, elle prit sa voiture, se rendit chez le marchand de journaux de Moreton et acheta tous les quotidiens. Puis elle alla s’installer dans un recoin d’un des rares salons de thé qui acceptaient encore les fumeurs pour lire tout ce qui avait été écrit sur la mort de Jessica Tartinck.
Jessica, qui avait défié son club de randonnée et déclaré qu’elle irait marcher seule, avait été découverte, morte, au milieu d’un des champs de sir Charles Fraith, sauvagement frappée d’un coup de pelle à l’arrière de la tête. Elle avait fait campagne pour toutes sortes de choses : pour la sortie du nucléaire, pour les baleines, pour l’environnement en général et maintenant pour les droits des randonneurs. Un professeur d’Oxford la décrivait comme brillante, mais dénuée de tout sens commun. Elle avait enseigné dans une école de filles et entraîné ses élèves dans une grève. Bien que sa famille soit de Milton Keynes, elle était passée d’un poste d’enseignante à l’autre, participant entre-temps à des rassemblements, à des manifestations et à la pagaille générale. Cyniquement, Agatha se dit qu’une fille comme Jessica disparaissait sans doute dès que les gens s’habituaient à elle et qu’elle sentait le pouvoir lui échapper. Il y a des êtres ainsi faits, qui se fichent en fait pas mal de l’environnement, des baleines ou de quoi que ce soit, mais se servent de la défense de ces causes pour accaparer le pouvoir. Si elle n’avait pas été tuée, elle se serait sans doute bientôt éloignée de Dembley. Elle se demanda ce qu’avait bien pu être la vie sexuelle de cette Jessica. Ce genre de femme se sert souvent du sexe comme d’une arme pour manipuler les gens et les contrôler. Un journal publiait une photo d’elle assez floue. Elle semblait avoir été une assez belle jeune femme. Différents articles s’étendaient sur l’histoire des anciens droits de passage, mais il n’y avait aucune indication, aucune piste sur qui avait bien pu tuer Jessica.
À cinq heures, lorsque Mrs Mason arriva en compagnie de Deborah, Agatha sentit que son intérêt pour l’affaire lui était revenu. Elle alla leur ouvrir la porte, non sans jeter auparavant un coup d’œil dans le miroir de l’entrée : elle aurait voulu avoir davantage l’air d’une grande détective. Si tant est que les grands détectives aient un air particulier.
Deborah, pensa immédiatement Agatha, semblait un genre de fille tout à fait inoffensif. On en voyait des centaines comme elle dans les rues de n’importe quelle ville des Midlands : blondes effacées, minces, timides.
« Eh bien Deborah, lança Agatha, comment puis-je vous aider ?
– Je suis terriblement inquiète, répondit la jeune femme d’un air très sérieux. Je ne sais pas par où commencer.
– Commencez par me dire comment vous en êtes venue à faire la connaissance de sir Charles.
– Jessica avait prévu de traverser ce champ et elle m’avait envoyée vérifier par où il fallait passer exactement. Je ne voulais pas être surprise à pénétrer sans autorisation sur une propriété privée et j’ai préféré me présenter d’abord à la grande maison. Sir Charles a été tellement gentil. Il m’a offert le thé, puis il m’a demandé mon numéro de téléphone et m’a appelée un peu plus tard pour m’inviter à aller avec lui au cinéma.
– Pourquoi ?
– Oh, ben, vous savez…
– Il aurait un faible pour vous ?
– Peut-être, répondit Deborah. Il semblait aimer être avec moi.
– Vous a-t-il téléphoné depuis ?
– Non, mais je lui ai téléphoné aujourd’hui et lui ai parlé de vous.
– Donc la police l’a relâché ?
– Ils n’avaient aucune raison de le retenir. L’ouvrier agricole qui l’a vu se disputer avec Jessica l’a également vu retourner chez lui alors que Jessica était encore vivante. Si vous êtes disponible, sir Charles aimerait nous avoir à déjeuner toutes les deux demain. »
Agatha se sentit envahie d’un plaisir qui avait beaucoup à voir avec son snobisme. Elle, Agatha Raisin, allait déjeuner chez un baronnet ! Que James aille se faire voir ! Elle se ferait une joie de lui raconter ce déjeuner… Un peu plus tard.
« Vous voulez utiliser mon téléphone pour le lui confirmer ? demanda Agatha.
– Non, il m’a dit que si je ne le rappelais pas, c’est que nous viendrions. Nous sommes attendues à une heure.
– Voulez-vous que je vienne vous prendre à l’école ? demanda Agatha, qui se ravisa : Réflexion faite, je crois quand même qu’il vaudrait mieux que je ne sois pas vue avec vous si je commence à faire mon enquête…
– J’ai une vieille petite Volkswagen. J’irai de mon côté, répondit Deborah, et je vous retrouverai là-bas. Mais je dois vous avertir au sujet d’une personne. Si quelqu’un est capable de tuer, c’est bien lui.
– Qui ?
– Gustav, le majordome. Il ne m’aime pas. Il m’a dit de me tenir à l’écart de sir Charles.
– Et vous avez prévenu sir Charles ? »
Deborah baissa la tête et murmura : « Non. » Elle n’avait pas eu envie que sir Charles voie en elle le genre de personne qu’un domestique pouvait regarder de haut.
« Ne vous en faites pas, dit Agatha avec vigueur. Ce n’est pas un majordome arrogant qui va m’impressionner. »
Deborah ouvrit la bouche pour dire qu’elle pensait que Gustav était capable d’impressionner n’importe qui, mais la referma. Qu’Agatha le découvre elle-même.
Celle-ci alla chercher un carnet de notes et vint se rasseoir : « Je suis sûre que vous êtes fatiguée de répondre à toutes ces questions, Deborah, mais j’ai besoin de tout reprendre à zéro. »
Et ainsi, de sa petite voix lasse, Deborah décrivit en détail comment Jessica était arrivée à l’école, la façon dont elle avait pris le pouvoir chez les Marcheurs, combien tous l’avaient admirée jusqu’à ce qu’elle dépasse les bornes à l’occasion de la lettre si aimable de sir Charles. Tous avaient alors décidé qu’ils en avaient assez de ses manœuvres d’intimidation. Elle répéta ce qu’avait dit chaque membre du club, tout au moins ce qu’elle avait pu glaner quand ils étaient rassemblés dans la salle de bal.
« Donc personne, à l’exception peut-être des deux serveurs, n’a d’alibi ?
– Si nous avions su qu’il allait y avoir un meurtre samedi après-midi, je pense que l’on aurait tous fait en sorte d’avoir un alibi, répondit Deborah, faisant preuve, pour une fois, d’un peu d’esprit.
– Très bien. Maintenant, il y a ce Gustav. D’où vient-il ? C’est un prénom allemand. Quel est son nom de famille ?
– Aucune idée, répondit la jeune femme. La police doit certainement le savoir.
– Est-ce qu’un des officiers de police présents ce jour-là était d’origine asiatique ?
– Oui, absolument, et il a assisté à tous les interrogatoires. »
Bill Wong, pensa Agatha. Je dois essayer de le voir rapidement.
Elle posa à Deborah quelques questions supplémentaires avant de lui confirmer qu’elles se reverraient le lendemain, comme convenu. Elle nota quelques indications sur la façon de se rendre à Barfield House.
À peine les deux femmes étaient-elles parties que la sonnette d’Agatha résonna dans la maison. Elle se tapota les cheveux devant le miroir de l’entrée. C’était sûrement James. Enfin ! Elle pouvait maintenant se montrer généreuse et lui pardonner son impolitesse. Les nouvelles qu’elle avait étaient trop excitantes pour qu’elle n’ait pas envie de les partager. Mais c’était Bill Wong. Bien qu’elle fût un peu déçue, il fallait reconnaître qu’il tombait à pic.
« Entrez, entrez, lança Agatha, comment se déroule l’affaire des Marcheurs ?
– Mais comment êtes-vous au courant ?
– Parce que l’on m’a demandé de mener ma propre enquête. »
Agatha l’invita à entrer dans sa confortable cuisine. Elle se fit la réflexion qu’elle n’utilisait presque jamais son salon en ce moment.
« Qui vous l’a demandé ?
– Deborah Camden…
– Mais pourquoi vous a-t-elle demandé ça ? À vous ? »
Agatha minauda : « Et pourquoi pas ? Elle est la nièce de Mrs Mason et avait entendu parler par sa tante du travail de détective que je faisais dans le village.
– Et que pouvez-vous faire que la police ne peut pas faire ?
– Pour commencer, j’ai été invitée à déjeuner chez sir Charles Fraith demain. Il est plus facile de tirer des renseignements de certaines personnes quand vous les rencontrez dans ce genre de contexte, non ?
– Je veux bien, Agatha. Mais vous avez vraiment une façon de vous imposer ! Je suis sûr que bientôt on apprendra que le meurtrier vous court après avec sa pelle.
– Mais au fait, d’où provenait cette pelle ?
– Elle avait été laissée là par un ouvrier agricole, Joseph Noakes, celui qui dit avoir vu sir Charles se disputer avec Jessica. C’est un type maussade, qui a toujours l’air en rogne. La veille, on lui avait demandé de nettoyer un fossé bouché. Son travail terminé, il est rentré chez lui, le vendredi, donc, et comme il était fatigué de porter cette pelle, il l’a plantée dans le colza, en bordure du champ. Il y avait deux traces de passage en dehors de celles de Jessica. L’une allant vers la maison – on pense qu’elle appartient à sir Charles – et une autre menant de l’autre côté du champ, là où Jessica a été frappée. Pas d’empreintes de chaussures. Juste des fleurs écrasées.
– Ce Gustav, demanda Agatha, d’où sort-il ?
– Mère hongroise. Père anglais. Arrivé ici dans les années 1950, entré à quinze ans comme domestique à Clarence House, d’abord garçon de cuisine, puis valet de pied du marquis de Drent, avant de commencer à travailler comme chauffeur et finalement majordome. Il a été celui du précédent sir Charles, le père de l’actuel, mort il y a trois ans. Il a cinquante-deux ans. Casier impeccable.
– J’ai toujours cru que les majordomes étaient très âgés.
– Ceux qui sont encore en fonction aujourd’hui le sont généralement. C’est une profession qui n’existe plus. Gustav est davantage un homme à tout faire qu’un majordome. Il ne s’est jamais marié.
– Homosexuel ?
– Je ne crois pas. Tous les célibataires ne sont pas homosexuels. Moi par exemple. » Ses yeux pétillaient de malice. « Et le don Juan d’à côté, James ? Vous lui en avez parlé ?
– Pas encore, répondit Agatha, qui n’avait pas l’intention de raconter à Bill comment James l’avait snobée. Vous n’avez pas l’intention de me conseiller de me tenir à l’écart, comme d’habitude ?
– Pas cette fois. Je ne vois pas en quoi un simple déjeuner pourrait vous mettre en danger. Mais je passerai vous voir demain en fin d’après-midi. J’aimerais bien savoir ce que vous pensez de sir Charles et de Gustav. Et d’ailleurs, qu’est-ce que vous dites de cette Deborah ?
– Une petite chose sans intérêt. Pas beaucoup de personnalité. Émerveillée que sir Charles l’ait invitée au cinéma. Le type de fille facilement subjuguée par une personnalité plus forte. Je ne pense pas qu’elle ait été politiquement très proche de Jessica. Je crois juste qu’elle a fait une fixette sur une femme qui avait un fort caractère.
– Peut-être… Allez ! On verra bien ce que vous allez dénicher. »
Le lendemain, raison et sentiments se livrèrent une bataille confuse dans l’esprit d’Agatha. L’émotion l’emporta. L’idée de déjeuner avec un baronnet la mettait dans tous ses états. Elle avait beau savoir que sir Charles n’était après tout qu’un hobereau vivant dans une demeure victorienne décrite dans un guide de la région comme « sans intérêt architectural », au fond d’elle-même, l’ancienne Agatha, tout droit sortie des quartiers pauvres de Birmingham, était impressionnée.
Malgré de multiples essais vestimentaires pour trouver une tenue adaptée, elle arriva quand même avec un quart d’heure d’avance au départ de l’allée menant à la demeure de sir Charles. Elle gara sa voiture au bord de la route en attendant l’heure du rendez-vous avec Deborah et alluma une cigarette en se regardant dans le rétroviseur. Il y avait bien ces quelques petites rides gênantes au-dessus de sa lèvre supérieure… Elle devrait essayer une crème antirides. Elle fuma en se tortillant sur son siège, se posa mille questions jusqu’au moment où, jetant un coup d’œil à sa montre, elle s’aperçut que le quart d’heure s’était écoulé. Le cœur battant, les joues en feu, elle redémarra et commença à remonter l’allée.
Barfield House était peut-être considérée comme « sans intérêt architectural » par les experts, ce n’en était pas moins une grande, une imposante, une énorme demeure.
La voiture de Deborah vint s’arrêter juste derrière celle d’Agatha, heureuse de ne plus être seule. Elle alla à sa rencontre et toutes deux gravirent les marches du perron. Deborah actionna la sonnette. Agatha portait une jupe et un corsage sous un cardigan en lambswool. Deborah, un tailleur-pantalon en polyester bleu pâle et un petit chemisier blanc qui la faisait paraître encore plus fade que d’habitude.
Gustav ouvrit la porte. Il les jaugea de ses yeux noirs en un quart de seconde et ce qu’elles y virent avait de quoi démoraliser n’importe quelle femme. Ils semblaient dire : « Quand je pense que j’en suis réduit à ouvrir la porte à des gens comme ça ! »
« Sir Charles est au salon », dit-il, les précédant à travers l’immense hall.
Les deux femmes pénétrèrent ensemble dans la pièce. Sir Charles se leva pour les accueillir. Près de la cheminée se tenait une vieille dame fanée que sir Charles présenta comme sa tante, Mrs Tassy.
« Donc vous êtes la détective ? dit-il à Agatha avec une certaine chaleur dans la voix, dès les présentations accomplies. Vous avez apporté votre loupe et votre petit nécessaire à empreintes ? »
Pauvre idiot ! pensa Agatha qui se détendit tout d’un coup.
« Raisin…, dit Mrs Tassy d’une voix étranglée et haut perchée. Les Raisin du Sussex ? »
« Ça m’étonnerait ! » commenta Gustav d’un coin de la pièce.
Mrs Tassy mit ses lunettes et observa Agatha.
« En effet, je ne crois pas, dit-elle. Quand déjeunons-nous, Gustav ?
– Quand vous voulez. »
Mrs Tassy se leva. Elle était étonnamment grande, au moins un mètre quatre-vingt-cinq, et dominait Agatha de toute sa hauteur.
« Bien, dit-elle, je commençais à m’ennuyer.
– Vous ne vous ennuierez plus quand Mrs Raisin aura commencé à nous cuisiner avec sa bonne vieille lampe torche et sa bonne vieille matraque en caoutchouc, plaisanta sir Charles. Venez, Deborah. On dirait que vous avez besoin de vous remplumer un peu. »
Deborah gloussa. Agatha eut brusquement envie de partir. Cela faisait des années qu’elle ne s’était pas sentie aussi intimidée et aussi mal à l’aise. Puis elle commença à sentir monter en elle la colère et l’envie de les remettre à leur place. Mais pour qui ces gens se prenaient-ils ?
« Oh, mon Dieu ! dit sir Charles en contemplant la table autour de laquelle il s’asseyaient. Pourquoi toute cette argenterie ? On n’aura pas autant de plats, que je sache ? »
Gustav resta silencieux. Il versa le vin puis servit la soupe. Agatha avait l’impression qu’il espérait que ce déploiement de couverts en argent l’intimiderait. Mais comment pouvait-il la connaître ? Peut-être sa cible était-elle plutôt Deborah.
Mrs Tassy fixa Agatha de ses yeux pâles.
« Si mon neveu doit vous employer, j’aimerais d’abord connaître vos émoluments.
– Je ne comptais pas lui présenter ma note aujourd’hui, répondit Agatha.
– Amatrice, commenta Gustav, sotto voce, de la desserte où il officiait.
– Fermez-la, insolent loufiat, grogna Agatha.
– Je ne pense pas que nous ayons un très bel été cette année », lança Mrs Tassy dans le silence déconcerté qui suivit la sortie d’Agatha. Celle-ci essayait de rester calme mais pouvait sentir une rougeur envahir son visage. « J’ai lu récemment dans un journal que ce n’est pas sans rapport avec une éruption volcanique aux Philippines. On disait que cela allait provoquer un été déplorable en Europe.
– Cela pourrait avoir l’avantage de vous empêcher, vous, les randonneurs militants, de venir intimider les propriétaires terriens, commenta sir Charles en adressant un sourire chaleureux à Deborah.
– Oh ! ne me dites pas que vous faites partie de ces gens ! » Mrs Tassy regardait maintenant Deborah avec curiosité. « Vous devriez être prudente. Vous ne voulez certainement pas être tuée à votre tour. »
Gustav débarrassa avec doigté les assiettes à soupe. Agatha avait tripoté les couteaux et les fourchettes de chaque côté de son assiette. Gustav les remit en place en poussant un soupir.
Le plat suivant était un poisson en sauce.
« Vous nous soignez, Gustav, dit sir Charles, mais vous en avez peut-être fait un peu trop, non ? Je crois que nous aurions été plus à l’aise autour d’un peu de poulet froid dans la cuisine. »
En guise de réponse, Gustav leva encore plus haut ses sourcils et se retira près de la desserte. Agatha avait mis un rang de perles autour de son cou. « Ce sont des vraies ? demanda Mrs Tassy.
– Non », répondit Gustav à sa place.
Agatha tenta de sauver la face : « Personne ne porte plus de vraies perles aujourd’hui. »
Était-elle la seule à percevoir les vestiges d’accent de Birmingham dans sa voix ?
« Moi si, répondit Mrs Tassy, marquant la fin de ce sujet de conversation.
– Et quand commencez-vous à jouer les détectives ? demanda sir Charles à Agatha.
– J’aimerais voir le lieu du meurtre », répondit Agatha. Puis elle décida de passer à l’action. « Pourquoi avez-vous dit à la police que vous étiez à Londres le jour du meurtre ?
– Parce que je ne voulais pas que l’on m’accuse, répondit sir Charles de façon désarmante.
– Vous avez paniqué ? »
Il se tourna vers elle, le regard brusquement plus vif, plus intelligent.
« J’ai tout à coup décidé que je ne voulais rien avoir à faire avec les ennuis qu’allait m’apporter cette histoire. Je ne pensais vraiment pas que quelqu’un m’aurait vu me disputer avec cette Jessica, voyez-vous.
– À propos de quoi vous disputiez-vous ?
– De son comportement. Elle faisait des bonds et des zigzags dans mon champ, en écrasant le colza. Elle m’a sorti tout un argumentaire sur le fait que je n’étais qu’un sale gros capitaliste. Je n’avais jamais entendu autant de clichés depuis les réunions de syndicats étudiants à Cambridge. Je lui ai dit d’aller se faire voir et suis reparti chez moi. Quand je me suis retourné, elle était là, à me hurler des insultes… J’ai pensé appeler la police, puis je me suis senti fatigué de tout ça. Bien entendu, la police a maintenant l’intention de me poursuivre pour tentative d’obstruction à son enquête. Comme tout cela est pénible !
– Mais vous deviez bien vous douter qu’ils finiraient par découvrir la vérité ?
– Pourquoi ? répondit-il, apparemment surpris. Je ne savais pas que Noakes me détestait à ce point. Aucun des autres ouvriers qui travaillent sur le domaine n’aurait pensé à aller raconter cela.
– C’est sans doute cet imbécile qui l’a tuée, dit Gustav.
– Si seulement…, commenta Mrs Tassy, pensive.
– Sûr ! fit remarquer Agatha, ça vous aurait bien arrangé qu’un ouvrier soit le coupable, ça aurait été parfait pour vous.
– Si j’avais su que vous seriez aussi agréable, intervint Deborah en se passant la main dans les cheveux, je n’aurais jamais fait appel à vous.
– Servez-nous du vin, Gustav, dit sir Charles. Vous savez, Mrs Raisin, il m’est difficile d’imaginer que quelqu’un ayant autant de préjugés que vous puisse m’aider.
– Je n’ai pas de préjugés, protesta Agatha, j’ai tout juste dit…
– Oh, du rosbif ! s’exclama Mrs Tassy. Vous nous avez gâtés, Gustav ! »
Et Agatha sentit brusquement qu’elle n’avait plus rien à ajouter. Elle était totalement démoralisée. Elle enviait Deborah qui bavardait gentiment avec sir Charles à propos de films ou de livres.
Bientôt cet horrible déjeuner tira à sa fin. Lorsque Agatha, mal à l’aise et un peu éméchée, sortit pour reprendre sa voiture, elle était bien consciente que rien n’avait été décidé sur son engagement.
« Vous ne devriez pas boire et conduire », lui souffla Gustav dans l’oreille en guise d’adieu.
Agatha rentra à petite vitesse chez elle, mais pas trop lentement quand même pour ne pas éveiller les soupçons de la police, toujours à la recherche du meurtrier.
Une fois chez elle, elle but plusieurs tasses de café bien noir et contempla, le regard fixe et malheureux, le mur de sa cuisine, avant de se résigner à s’installer au salon pour tenter de trouver, sans succès, un programme de télévision qui lui changerait les idées. Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Elle, Agatha Raisin, la terreur de tous les maîtres d’hôtel du Ritz au Claridge, avait été complètement déstabilisée par ce prétentieux et long repas dans un manoir de campagne.
Ruminer sur son café lui avait remis les idées en place et elle alla répondre à un coup de sonnette impérieux. Bill Wong était sur le seuil : « Comment allez-vous, Agatha ?
– Entrez, répondit-elle. Il y a du soleil, allons nous installer au jardin pour une fois. »
Elle prépara de nouveau du café et en déposa deux mugs sur la table du jardin.
« Votre jardin est magnifique, commenta Bill, admirant les couleurs éclatantes des fleurs.
– C’est grâce aux voisins, dit Agatha en plongeant le nez dans son café.
– Que se passe-t-il ? demanda Bill.
– Je crois que c’est lui. »
Bill ne suivait décidément plus rien de ce que disait son amie.
« C’est sir Charles et son domestique. »
Bill se cala dans sa chaise, ses yeux en amande fixés sur le visage fermé d’Agatha.
« Cela ne vous ressemble pas, Agatha. Sir Charles vous aurait-il prise de haut ?
– Non, murmura Agatha. Mais je crois qu’il est stupide. Une vraie andouille. Il a menti en disant qu’il était à Londres le samedi et je pense que… »
La sonnette de l’entrée retentit au loin. Agatha alla ouvrir et se trouva face à la haute silhouette de James Lacey en contre-jour.
« J’ai été un peu impoli avec vous hier, Agatha, s’excusa-t-il. J’avais l’impression d’être bien lancé pour écrire quand vous êtes arrivée, puis j’ai compris que ce que j’avais rédigé ne valait rien. »
Ce bref aveu eut le pouvoir de faire s’envoler toutes les humiliations de la journée. Agatha lui proposa de se joindre à elle et Bill pour prendre un café.
Une fois installé derrière la table du jardin, James demanda au policier :
« Vous travaillez sur cette affaire de randonneurs ?
– Oui, et Agatha aussi, ou du moins travaillait-elle, répondit Bill. Une fille que nous avons interrogée dans notre enquête, Deborah Camden, a réussi à convaincre notre chère Agatha d’aider sir Charles Fraith. Elle revient d’un déjeuner là-bas où on dirait qu’elle s’est fait secouer les puces, mais elle ne veut pas me dire ce qui s’est passé.
– Famille bizarre, ces Fraith, commenta James, étendant ses longues jambes. Racontez-nous tout ça, Agatha.
– C’est ce fichu domestique, ce Gustav, répondit Agatha de mauvaise grâce. Il m’a dans le nez et je me suis laissée entraîner. »
Il y eut un bref silence, les deux hommes se demandant ce qu’elle entendait par s’être « laissée entraîner ».
« Bon, j’ai l’impression que sir Charles a décidé de ne pas avoir recours à vos services, après tout, Agatha. Qu’avez-vous dit pour le mettre en colère… ? Donnez-nous juste un exemple », ajouta James, imaginant le flot d’injures qu’Agatha avait bien pu déverser.
« Il y avait cette tante bizarre et elle a dit que ce serait mieux si le coupable était Noakes, et j’ai répondu que cela arrangeait les gens comme elle de penser que c’était un de leurs employés qui avait fait le coup. Sir Charles m’a alors dit que j’avais des préjugés. »
James éclata de rire : « Ma pauvre vieille Agatha ! Ce Gustav doit être un sacré numéro pour vous avoir poussée au dérapage. Je connais un peu sir Charles. C’est un ami d’un de mes jeunes amis. Agatha, ne renoncez pas à votre vocation de détective. Je vais parler à sir Charles. Puis-je utiliser votre téléphone ?
– S’il veut bien encore faire appel à moi, vous m’accompagnerez ? » demanda Agatha.
Il la regarda, l’œil pétillant :
« Pourquoi pas ?
– Et alors, que faites-vous de votre hypothèse de sir Charles et Gustav en meurtriers ? demanda Bill dès que James eut disparu pour aller téléphoner.
– Oh, je plaisantais », murmura Agatha.
Si James parvenait à ses fins, ils pourraient tous deux reprendre leur collaboration de détectives et cet abruti de Gustav n’aurait plus d’importance.
De son côté, James réussit à avoir rapidement sir Charles au téléphone : « Je crois que vous avez rencontré ce midi une de mes amies, Agatha Raisin, à l’occasion d’un déjeuner, dit-il après s’être présenté.
– Oh, elle ! répondit sir Charles. Cette petite randonneuse, Deborah Camden, vous avez sûrement lu son nom dans les journaux, m’avait dit que votre Mrs Raisin était une vraie magicienne, mais je trouve plutôt que c’est une drôle de bonne femme avec un fichu caractère…
– Je vous accorde qu’elle a ses méthodes, répliqua James en riant. Mais elle obtient des résultats. Savez-vous comment elle a entamé sa carrière de détective ? Quand elle est arrivée dans ce village, elle a voulu marquer sa présence en remportant un concours de quiches. Elle en a acheté une à Londres et l’a soumise au jury comme sa création. L’un des juges est tombé raide mort après en avoir mangé, et elle a donc été obligée de trouver le coupable.
– Ça m’a tout l’air d’un curieux personnage, commenta sir Charles avec un rire approbateur.
– De plus, Agatha et moi avons travaillé sur un certain nombre d’affaires ensemble. Ne la renvoyez pas, elle est douée.
– Je vais réessayer, promit sir Charles, brusquement soucieux. Pourquoi ne viendriez-vous pas prendre un verre à Barfield tous les deux ?
– D’accord. Quelle heure ? Vers dix-huit heures ?
– Parfait, je vous attends… »
James revint au jardin, l’air triomphant : « Je crois que vous êtes à nouveau dans le circuit, Agatha, dit-il. Nous allons prendre un verre à Barfield House à six heures.
– Aujourd’hui ! Mais j’ai à peine récupéré du déjeuner.
– Buvez de l’eau minérale. »
James se tourna vers Bill : « Et alors ? Vous ne nous ordonnez pas de nous tenir en dehors de tout ça, cette fois ?
– Simplement parce que la police est un peu démunie sur cette affaire, répondit Bill en riant. Je ne crois pas que vous risquiez de provoquer beaucoup de problèmes en allant prendre un verre chez sir Charles. Il ne va pas tenter de vous empoisonner alors qu’il fait partie des suspects. »
Agatha regarda sa montre : « Déjà cinq heures ! Bon, je disparais, je dois me refaire une beauté. » Elle jeta un regard timide vers James.
« Qu’est-ce que je dois mettre ?
– Je ne sais pas. On va là-bas pour travailler. Mettez quelque chose de confortable. Je conduirai. »
C’était une Agatha toute différente qui se retrouva dans la voiture de James approchant de Barfield House. Elle se sentait protégée par James Lacey. D’abord, elle avait envisagé d’essayer de justifier son coup d’éclat, puis avait décidé qu’un silence digne serait de meilleure politique.
Gustav leur ouvrit la porte. Ses yeux inspectèrent Agatha de haut en bas, lui faisant sentir que sa robe de lainage vert ne convenait pas aux circonstances, puis les introduisit dans le salon.
Sir Charles fit un signe de tête à Agatha et accueillit James avec enthousiasme.
Gustav servit les boissons – Agatha se contenta d’eau minérale – et sir Charles entama la conversation.
« Il semble que nous soyons partis sur un mauvais pied, dit-il à Agatha.
– C’était peut-être pas plus mal », grommela Gustav au bénéfice du mur.
James se retourna lentement vers lui.
« Laissez-nous seuls, Gustav, dit-il sèchement. Cette discussion est trop importante pour que nous ayons à souffrir votre insolence… »
Gustav regarda sir Charles – qui hocha la tête – et quitta la pièce.
« Comment pouvez-vous supporter cet homme ? lui demanda James.
– Quel est le problème avec Gustav ?
– Il a une réputation d’insolence bien établie.
– Je n’avais pas remarqué, répondit le baronnet, mais c’est mon domestique, mêlez-vous de ce qui vous regarde…
– Après tout…, fit James en haussant les épaules. Maintenant, dites-moi, comment vous vous êtes mis dans cette situation ? »
Agatha, enfin détendue – ce n’était qu’une belle maison, après tout, et sir Charles, un homme comme les autres – observa néanmoins avec attention le baronnet pendant qu’il s’exprimait.
Tout semblait crédible, maintenant qu’elle ne se sentait plus menacée par lui ou par Gustav. Il expliqua longuement comment celui-ci, de retour d’une visite à la loge du gardien, lui avait dit avoir vu Jessica s’approcher du champ de colza. Sûr de pouvoir la ramener à de meilleurs sentiments, il était allé à sa rencontre. Comment savait-il qui elle était ? Deborah la lui avait décrite assez précisément. Lorsqu’il l’avait vue marcher et sauter dans son champ en écrasant ses colzas de ses grosses bottes, il avait perdu son calme. Il l’avait traitée de stupide fillette, ce qui ne lui avait pas plu du tout, expliqua sir Charles avec une certaine satisfaction. L’avait-il menacée d’une façon ou d’une autre ?
Pour la première fois, le riche propriétaire parut un peu mal à l’aise :
« Il y avait quelque chose de si arrogant, de si désagréable chez elle que je lui ai dit que j’irais chercher mon fusil de chasse et la tirerais comme un lapin si elle ne détalait pas de mon champ. Ça, je ne l’ai pas dit à la police.
– Pourquoi avez-vous menti ? Pourquoi avoir raconté que vous étiez à Londres ce jour-là ? demanda James.
– Vous savez, nous formons ici, à Barfield, une petite communauté très soudée, les gardes-chasses, les ouvriers agricoles, les employés du domaine – je ne connais pas cet horrible Noakes, il n’a été engagé que récemment – et je ne les ai pas briefés. Je pensais qu’ils appuieraient mon histoire.
– Cela semble un peu naïf, commenta James.
– Après coup, oui. Maintenant, je me trouve plongé dans une sale affaire, la police me suspecte et je n’ai pas l’impression qu’elle fasse son travail correctement, c’est-à-dire rechercher le vrai meurtrier. J’y ai réfléchi, dit-il très sérieusement, s’enfonçant dans son grand fauteuil à oreilles et serrant son verre entre ses mains sur sa poitrine : Je suis un type sympa, et pourtant regardez dans quel état cette fille a réussi à me mettre. Je pense que c’est son amant, je ne sais plus son nom, qui a dû faire le coup. Ceci dit, comment allez-vous faire pour trouver quelque chose alors que la police n’en est pas capable ?
– Pour commencer, répliqua Agatha, s’exprimant pour la première fois, James et moi pourrions nous installer à Dembley, prendre un appartement, jouer au couple marié et nous inscrire aux Marcheurs de Dembley. Ce serait la meilleure façon de les connaître, non ? »
James montra quelques signes d’inquiétude, mais sir Charles réagit avec enthousiasme :
« Quelle bonne idée ! J’ai quelques biens à Dembley, et je crois qu’il y a un appartement libre. Je vais appeler mon agent pour vérifier ça tout de suite. »
Il sortit de la pièce.
« Agatha, dit James, vous auriez dû me demander mon avis pour savoir si j’avais le temps de m’installer à Dembley et si j’avais envie de jouer les maris…
– Si vous ne voulez pas le faire, ne le faites pas, répliqua Agatha, qui se força à garder son calme.
– Ce n’est pas ce que j’ai dit. C’est juste que c’est un peu radical comme solution.
– Comme je vous l’ai dit, fit-elle remarquer en essayant de conserver un ton aussi neutre que possible, je suis tout à fait prête à enquêter seule. »
Sir Charles était de retour.
« C’est réglé. Vous avez un joli petit appartement dans Sheep Street, en plein centre de Dembley. Vous pouvez vous y installer quand vous voulez. »
Il y eut un bref silence, Agatha retenant son souffle.
« Parfait, dit James, je suis un peu bloqué dans mon livre de toute façon.
– Qu’écrivez-vous ? demanda sir Charles.
– Un ouvrage d’histoire militaire.
– Quelle période ?
– Les guerres napoléoniennes.
– Mon père était un grand amateur d’histoire. Gustav a rangé un bon nombre de ses livres au grenier. Vous voudriez y jeter un coup d’œil ?
– J’adorerais ça, répondit James, l’œil pétillant d’intérêt.
– Je vais vous y emmener. Vous voulez nous attendre ici, Mrs Raisin ? »
Mais Agatha n’avait pas la moindre envie de rester dans une pièce où Gustav pouvait entrer sans prévenir et c’est avec enthousiasme qu’elle se porta volontaire pour les accompagner.
Lorsque James et Agatha reprirent un peu plus tard leur voiture, James serrait contre lui une pile de vieux livres. Agatha essayait de ne pas écouter ses descriptions enflammées des trésors qu’il avait découverts dans le grenier et à quel point il mourait d’envie de recommencer à écrire.
Pour un bref laps de temps, Agatha allait être Mrs Lacey. Mais qui sait vers quelles délices imprévues cette nouvelle identité allait bien la mener ?