AVANT-PROPOS

« La contraception doit avoir ses règles. »

Bernard Kouchner
Ancien ministre de la Santé
(Prix de l’Humour politique 1998)

Voilà bientôt trente ans, j’ai mis en garde les femmes contre les dangers de la pilule, avec des arguments scientifiques précis. C’était en 1985. Et ils n’ont pas varié. Pire, les preuves se sont accumulées dans le même sens : la pilule n’est pas sans danger. Une parole dans le désert, que la plupart de mes collègues cancérologues et gynécologues n’ont pas voulu entendre, trop souvent influencés par les fournisseurs, excellents communicants, experts en marketing. Une parole qu’ils n’ont pas voulu entendre, aussi, par crainte, de ne plus être dans l’air du temps.

Dès la création de la pilule dans les années soixante du siècle dernier, et plus fortement dès la révolution de 1968, avec ses slogans « Libération sexuelle », « Nous aurons les enfants que nous voulons » et « Il est interdit d’interdire », les laboratoires pharmaceutiques surent astucieusement envoyer les échantillons dans les centres de Planning familial pour que les jeunes filles deviennent au plus tôt consommatrices, pratiquantes définitives. Ils y sont parvenus avec le support de l’État manipulé par des experts souvent considérés et sacrés, plus par les médias que par leurs pairs, grands pontes de la médecine.

Cette logique avait un premier objectif très puissant et justifié : la libération de la femme des grossesses non désirées. Ce fut, sur ce plan, une grande avancée sociale et la pilule a sauvé des vies, on ne peut le nier. Mieux, la pilule a renversé l’ordre établi en ouvrant une nouvelle voie sociale pour les femmes, et c’est tant mieux.

Le deuxième objectif, caché mais bien réel pour les laboratoires, était de nature financière, car un énorme marché s’ouvrait avec en plus le secours de la Sécurité sociale. Les idées « de gauche » convenaient parfaitement aux intérêts « de droite », et puisque les femmes, c’est la moitié de l’humanité, un « centre de profit » monumental, gigantesque, se profilait !

La pilule était donc déclarée urbi et orbi sans danger. Elle régulerait mieux que la nature les cycles féminins, réduirait la fréquence de cancers et autres maladies gynécologiques. La Science ne pouvait pas se tromper. La chimie au service des femmes ne faisait pas peur, bien au contraire. Ainsi la pilule a envahi la planète et médecins généralistes comme spécialistes ont été formatés pour la prescrire très largement. Comme eux, les femmes ne se sont pas vraiment posées de questions – le consensus était total –, la pilule n’était pas considérée comme un médicament mais comme une « pilule ». Pas plus. On ne pouvait pas savoir, bien sûr, que cette victoire de la médecine aurait un jour un revers. À l’aube d’une découverte aussi fabuleuse, qui en demande le prix ?

De fait, les femmes l’ont consommée pendant quatre générations comme un bonbon, en oubliant d’examiner de près la notice qui l’accompagne. Et puis des questions ont peu à peu surgi dans les cabinets médicaux, les femmes ont commencé à comprendre que tout n’était pas aussi beau qu’il y paraissait. Elles se sont heurtées à des murs. Manque de curiosité, manque d’humilité, trop grande dépendance aux intérêts capitalistiques en jeu ? Le fait est que l’on peut parler d’un véritable « autisme » médical…

Alors voilà, cinquante ans après, curieusement, la plupart des femmes ne savent toujours pas comment fonctionne la pilule, comment elle empêche l’ovulation. Une question élémentaire se pose : « Comment se fait-il que l’on impose à une femme trois semaines de prise quotidienne d’hormones pour neutraliser seulement cinq à six jours de fécondité ? » Cette question, de plus en plus de femmes se la posent aujourd’hui.

Ce livre est destiné à les faire sortir de l’ignorance sur ce sujet capital pour leur santé. Jusqu’à présent, on avait l’impression qu’il ne fallait surtout pas que les femmes puissent comprendre ce que la médecine faisait pour elles. Il est vrai que l’industrie de la pilule a consacré une grande partie de ses moyens à éluder savamment les aspects les plus dérangeants, les plus compromettants, de cette pilule magique.

Les nombreuses émissions santé très médiatisées ont heureusement donné aux femmes des connaissances scientifiques bien meilleures qu’autrefois. De surcroît, la soif de comprendre, le partage instantané des connaissances sur Internet, l’écologie scientifique1 rendent désormais les femmes à la fois actives, en quête de savoir et très réceptives. Trop d’entre elles ont déjà payé le prix, lourd, de leur ignorance.

La conjonction de ces nouveaux facteurs donne aujourd’hui un formidable écho à la remise en question des pilules de 3e et 4e génération (ou 3G et 4G) et plus largement de la contraception hormonale. Et ce n’est qu’un début : nous disposons tous maintenant d’Internet pour aiguillonner et contrer les leaders d’opinion et les médias de la pensée unique et du prêt–à-porter médical. De fait, ce qui n’était jusqu’à présent qu’un bruit de fond couvert par l’industrie pharmaceutique et ses agents prend soudain une résonance inédite.

Les femmes s’inquiètent, se questionnent mutuellement entre amies ou sur les forums, interpellent leur médecin, modifient radicalement leurs habitudes. Au point que certains magazines titrent déjà : « la fin du tout-pilule ». Le fait est que la consommation de pilules de 3e et 4e générations est en chute libre, ces contraceptifs oraux étant de plus en plus remplacés par le stérilet normal, ou aux hormones, une alternative pas forcément plus sûre mais rassurante.

En face, l’industrie pharmaco-médicale – il fallait s’y attendre – a engagé, silencieusement, sa contre-attaque.

Dorénavant, et depuis le 31 mars 2013, les mineures peuvent accéder gratuitement à une contraception – pour les pilules de 1re et 2e génération, l’implant hormonal et le stérilet, mais pas pour les préservatifs masculins et féminins, l’anneau vaginal, la cape cervicale ou le patch hormonal – et l’IVG est remboursée à 100 % pour toutes les femmes (soit 13,5 millions d’euros de coût pour l’État). Tout le monde va payer, voilà la démocratie et la solidarité en action !

En même temps les laboratoires préparent les femmes à considérer que leur santé sera bien meilleure si on leur supprime les règles. Nul doute, une fois de plus, qu’ils n’hésiteront pas à financer les recherches de tel ou tel collègue en vue pour qu’il médiatise la chose sur les plateaux de télévision.

Impossible de dire la vérité sur la pilule sous peine d’infidélité. Sous peine de lever un terrible tabou social. Sous peine d’écorner dangereusement le grand non-dit mercantile du manque à gagner… Plus de 100 millions de femmes prennent la pilule dans le monde et plus de 20 millions un traitement hormonal de la ménopause. Pensez-vous… Rien qu’en France, il se vend 41 boites de pilules contraceptives toutes les minutes. On ne touche pas impunément à un tel marché !

Parler des dangers de la pilule, comme l’ont fait quelques auteurs intrépides avant nous, le Dr Ellen Grant au premier chef, c’est déranger et c’est être systématiquement condamné… au silence ou pire à « l’excommunication scientifique ». Pourquoi un tel acharnement ? On peut comprendre que les laboratoires n’aiment pas ça, on comprend moins que les médecins les suivent et que les journalistes de la santé entretiennent cette omerta. L’explication la plus simple serait la vénalité directe pour qu’ils publient un article vantant les vertus de la pilule, mais nous savons que ce n’est pas le cas. Il est plus probable que les rédactions interviennent pour imposer une ligne éditoriale. Au final, ne s’agit-il pas là d’une forme d’autocensure et d’impéritie favorisées par la paresse intellectuelle et la crainte d’avoir à défendre un point de vue qui détone ? Dans tous les cas, le résultat est le même : la contraception hormonale fait l’objet d’une désinformation permanente, et ce, à l’échelle planétaire.

Et pourtant, tous les indicateurs internationaux sont aujourd’hui au rouge – les plaintes affluent dans tous les grands pays et des contre-pouvoirs s’élèvent. Ils nous indiquent clairement que nous nous dirigeons vers un véritable scandale planétaire et ce qui sera peut-être la plus grande déroute pharmacomédicale de tous les temps.

« Si j’étais femme, sachant ce que je sais de la physiologie féminine, vous me paieriez cher pour me faire avaler la pilule »… Ce n’est pas nous qui le disons mais le co-fondateur, rien de moins, du Planning familial2, feu le Dr Pierre Simon. C’était déjà dans les années quatre-vingt.

Maintenant, en France et ailleurs, les patientes mettent directement en cause les laboratoires tandis que les médecins incriminent les insuffisances de la pharmacovigilance. L’Agence du médicament suspend tel ou tel produit à la va-vite et multiplie les communications tandis que la ministre de la Santé alimente la panique par ses déclarations de déremboursement.

Mais tout le monde n’a-t-il pas sa part de responsabilité dans cette affaire ?

Ce livre est donc destiné à dire au grand jour et très largement, tout ce qui a été caché aux consommatrices depuis plus d’un demi-siècle. Y compris par une presse médicale inféodée aux industriels, à l’exception – notable – de la revue Prescrire qui n’a pas manqué de nous alerter, bien que tardivement. Mais combien ont entendu ces avertissements, combien les ont relayé ? Le silence a été général.

À la question récente d’une femme – au nom de toutes les autres – « Faut-il avoir peur de la pilule ? », ce livre répond donc librement et complètement.

Mais il ne suffit pas d’alerter les femmes des dangers de la contraception clinique, il faut aussi répondre à la question : Y a-t-il une contraception sans danger pour la santé ? C’est pourquoi en même temps, il propose les alternatives écologiques qui utilisent les moyens les plus modernes avec les nouvelles technologies informatiques. Elles sont destinées à remplacer toutes les pilules, tous les moyens de la contraception chimique et hormonale qui ont fait tant de dégâts chez des femmes de plus en plus jeunes sous l’influence de la toute-puissante doxa de la femme « libérée ». Libérée, la femme le sera ainsi bien davantage, à condition que les mentalités et les usages évoluent dans le bon sens.

Nous avons écrit le livre que nous aurions aimé lire si nous étions femmes. Il ne s’agit là ni d’une compilation fantaisiste destinée à répondre aux scandales médico-médiatiques du moment, ni d’un brûlot rétrograde antiféministe ou anti-chimie mais d’un document que nous avons conçu comme un vadémécum, un livre pratique au service de toutes les femmes soucieuses de leur santé.

Chacune pourra ainsi discerner et faire les meilleurs choix pour elle-même et sa famille. Puisse ce livre dépasser les enjeux politico-financiers qui ont étouffé jusqu’à présent toute tentative d’information et de débat sur ce sujet, y compris au niveau de médias d’ordinaire si prompts à nous informer sur les malheurs du monde.

Quant à nos détracteurs – nous les connaissons bien, ils seront nombreux. Par anticipation, nous leur répondons à la fin de ce livre.

Le 27 juin 2013

Henri Joyeux et Dominique Vialard

1. Dès 1985 nous avons créé et dirigé aux éditions François-Xavier de Guibert la collection « Écologie humaine » que certains découvrent aujourd’hui.

2. Pour rappel, le Planning familial a été créé en 1960.